Rosamoon

19 mins

C’est une triste journée malgré le soleil qui chauffe mon visage, on vient d’enterrer ma grand-mère Micha. Elle nous a quitté dans son sommeil, son dernier voyage pour rejoindre mon grand-père qu’elle aimait tant. Le mois dernier nous fêtions son centième anniversaire, une vie bien remplie avec l’ombre de la guerre en toile de fond, elle avait connu les camps de travaux forcés et avait réussi à s’en échapper. C’est à ce moment-là qu’elle avait rencontré mon grand-père un jeune agriculteur qui l’avait cachée jusqu’à la fin du conflit. De cette triste période dont elle ne parlait jamais en était ressortit quelque chose de beau, leur histoire d’amour et la naissance de mon père Nicolas.
Quelques personnes sont venues après l’office pour boire un verre et parler du passé. Je profite que tout le monde soit occupé dans le jardin pour m’isoler dans la chambre de ma grand-mère. Cette pièce m’a toujours parue remplie de mystères et de secrets. Assise sur le tabouret de sa coiffeuse j’ouvre les tiroirs de sa boite à bijoux, j’essaye toutes les bagues, les boucles d’oreilles un peu vieillottes. Sa bouteille de parfum est là, je presse la petite pompe pour sentir une dernière fois sa senteur discrète et poudrée. Un rayon de soleil perse l’obscurité de la pièce, un petit objet brillant attire mon attention, c’est une clé, elle est toute petite, je cherche du regard le coffre qu’elle peut bien ouvrir mais je ne trouve rien. C’est étrange, Micha était une femme très ordonnée limite maniaque il n’y a pas de raison pour que cet objet traine.
Après avoir ouvert le placard, l’armoire ainsi que tous les tiroirs toujours rien, je me rassois sur le tabouret et là un craquement sourd se fait entendre, juste sous mon pied une latte du plancher est différente, elle bouge. Je m’empare de la lime à ongles métallique et soulève la planche de bois. Un petit coffre en métal orné d’arabesques dorés est posé là. Je le sors de sa cachette, en retirant la poussière je découvre une phrase gravée au-dessus de la serrure « Pour ne jamais oublier ».
A la fin de sa vie ma grand-mère perdait un peu la tête, par moment elle s’arrêtait de parler me fixait de ses beaux yeux bleus et me répétait cette phrase en boucle « Il ne faut jamais oublier, tu me promets ? N’oublies jamais », je devais promettre à plusieurs reprises pour qu’elle s’apaise et qu’elle retrouve le fil de ses pensées.
Un peu stressée je décide d’ouvrir le coffre pour enfin comprendre de quoi elle parlait. Un petit clic dans la serrure et le couvercle s’ouvre déjà sur un écrin, à l’intérieur un magnifique collier, c’est un morceau de quartz rose. Il est enfermé dans une bulle en verre, le tout retenu par une chaîne en or blanc. D’abord surprise je me dit que je n’ai jamais vu Micha avec ce bijou autour du cou. Je me sens comme une petite fille qui a trouvé un trésor et qui veut braver l’interdit. La voix de mon père raisonne dans l’escalier, il me cherche les invités sont en train de partir et je dois l’aider à mettre la maison en ordre. Je referme à regret le petit écrin et le glisse dans ma poche, je l’essayerais plus tard chez moi.
Une fois seule, je sors la petite boite de ma poche. Le collier brille on croirait qu’il est neuf, j’ai même l’impression que la pierre bouge. Sans plus attendre je le passe autour de mon cou. La boite tombe et un morceau de papier plié en quatre sort de l’écrin. Je le déplie, c’est une vieille photo en sépia, elle est très abimée mais je distingue un homme et une femme dont les visages sont un peu effacés, l’arrière-plan semble être verdoyant, des fleurs tropicales peut-être je n’ai pas le souvenir que mes grands-parents soient partis ailleurs qu’en France, la ferme leur prenait tout leur temps. Je pose la photo sur ma table de nuit j’en parlerais à papa demain.
Il est temps de retirer cette jolie chaîne, je cherche du bout des doigts le fermoir mais c’est comme si il avait disparu. Je tourne la collier dans tous les sens, aucune trace de l’attache. Soudain je me sens mal, j’ai la nausée, la tête qui tourne, du mal à respirer. Mon corps tombe inanimé par terre.
Je rouvre les yeux après ce qui me semble quelques minutes, une main chaude et douce me caresse le visage, je sursaute une femme d’une beauté presque irréelle me regarde avec beaucoup de tendresse. Sa peau est très blanche avec des reflets nacrés, les traits de son visage sont d’une finesse incroyable, ses yeux couleur émeraude légèrement en amande me fixe avec amusement. De longs cheveux blonds ondulés recouvre ses épaules, elle porte une très jolie robe bleu ciel. Mon regard est tout de suite attiré par la chaîne qu’elle porte autour du cou, c’est le même bijou que ma grand-mère.
Machinalement je porte la main à mon cou, le collier est toujours là. Mon regard s’attarde autour de moi, mais où suis-je ?
Tout autour de moi est blanc, le plafond voutée est sculpté, de petits personnages que j’ai du mal a bien voir semble jouer quelques scènes entre des feuilles et des fruits. En revanche il n’y a pas de murs ce sont de grandes baies vitrées, tout est très lumineux, la vue est splendide, des plantes de toutes les couleurs poussent en accord parfait avec des arbres centenaires. Le sol est d’une couleur peu commune, un rose un peu poudrée, c’est irréel. Mais comment suis-je arrivée ici ?
La jeune femme assise a mon chevet se prénomme Kayra et souhaite connaître mon prénom, au moment de lui répondre une voix qui n’est pas la mienne sort de ma bouche, je ne comprends rien, je panique. Devant mon agitation soudaine mon hôtesse m’invite à me calmer, elle pose ses mains sur mon front, ferme les yeux et une sensation de calme et de bien-être m’envahit toute de suite.
Un miroir est posé sur ma table de nuit, je le saisit et découvre le visage de ma grand-mère en beaucoup plus jeune, elle a la petite vingtaine. Mes vêtements ne sont pas les miens, ils sont d’un autre âge. Je sens une autre crise de panique monter en moi. Soudain j’entends une voix, comme si nous étions deux dans ma tête, c’est donc çà être schizophrène ? La voix se veut rassurante, c’est Micha, mais comment tout cela pouvait être possible ? Elle m’explique que tout ce que je vais voir est une partie de son passé, je ne peux ni parler ni intervenir, je dois me laisser guider pour bien comprendre et surtout ne rien oublier. Je décide de restée spectatrice et de vivre cette expérience comme si je regardais un film, de toutes façons je n’ai pas le choix, je suis prisonnière dans la tête de ma grand-mère.
Kayra m’explique enfin explique a Micha qu’elle l’a trouvée évanouie lors de sa cueillette d’herbes médicinales. Son corps gisait près de la cascade elle a dû tomber dans l’eau et le courant l’aura poussé vers le rivage, un véritable miracle. En revanche la soigneuse eut plus de mal à expliquer que nous ne sommes plus sur la Terre mais sur une planète jumelle de la nôtre dans une dimension différente, cette planète se nomme Rosamoon. Il existe un portail invisible qui permet de circuler entre les deux mondes, le seul problème c’est qu’il faut être de sang royal pour pouvoir activer le portail et d’après ce que Kayra peut voir Micha ne fait visiblement pas partie de leur communauté. Vu son état de santé ma grand-mère doit rester encore quelques jours pour reprendre des forces, sa présentation à la Reine est prévue pour le lendemain, cette dernière n’a pas souvent l’occasion de recevoir des étrangers sur sa planète et souhaite échanger avec son hôte venue d’ailleurs.
Le lendemain Kayra arrive de bonne heure c’est le grand jour. Après avoir pris une douche, Micha passe une tenue plus « locale » composée d’une tunique brodée de fils d’argent et d’un pantalon large en coton très léger rose pâle. Ses cheveux bruns sont nattés et remontés en chignon bas. Avant de sortir la soigneuse réajuste le collier de Micha, cette dernière lui fait remarquer qu’elles ont le même. Kayra amusée lui explique que ce bijou n’est pas juste là pour faire joli, il est très utile aussi. Grace à lui on peut géolocaliser n’importe qui a tout moment sur Rosamoon, il sert aussi de mémoire pour celui qui le porte, tous les souvenirs d’une vie sont contenus dans la pierre, un quartz rose. Quand un habitant décède on casse le collier et l’on dit que l’âme de la personne retourne dans la nature en attendant de se réincarner. Grâce à cette pierre d’amour les émotions négatives sont absorbées et transformées en ondes positives. Le bien-être des habitants de cette planète est une priorité pour la Reine Padoma.
D’ailleurs il est temps de commencer la visite du village. Les deux femmes se retrouvent dehors, l’air y est frais c’est agréable, les couleurs de la végétation sont intenses, Micha ne se souvient pas avoir déjà vu des plantes aussi gigantesques et si chatoyantes. Les odeurs ambiantes sont un doux mélange de senteurs sucrées et fleuries un régal olfactif. Sur le chemin Micha remarque des groupes de fillettes, elles sont toutes habillées de la même façon et se ressemble beaucoup, une chose les différencie, chaque groupe porte une couleur différente. Comme si elle avait entendu les interrogations intérieures de ma grand-mère Kayra lui sourit et accélère le pas.
Au détour d’un immense érable au feuilles couleur feu, apparait un palais de quartz rose, les escaliers scintillent au soleil, Micha est subjuguée devant tant de beauté et de pureté. En s’approchant elle aperçoit que la totalité du château est recouvert d’une couche transparente, posant sa main sur la première marche elle découvre à sa grande surprise que c’est de la glace. Sa guide lui explique que la Reine Padoma supporte mal la chaleur, les dieux de la Lune lui ont donné la faculté d’emprisonner dans la glace tous les éléments qui l’entoure, ainsi elle garde une température idéale où qu’elle aille.
L’immense porte s’ouvre sur un hall de marbre rose. Un jeune homme nommé Kameron s’approche d’elles, son visage ressemble étrangement à Kayra, les mêmes yeux, la même peau nacrée, la couleur des cheveux, à croire qu’ils sont jumeaux. Micha observe les deux rosamooniens, j’entends toutes les questions dans sa tête mais n’étant que spectatrice je ne peux pas intervenir je l’encourage à en apprendre d’avantage. Elle finit par se lancer et pose quelques questions sur la ressemblance des habitants. Kameron fait un large sourire dévoilant des dents d’un blanc de porcelaine, il a une dentition parfaite et des incisives si pointues…
Leur échange est interrompu par une voix de femme qui semble avoir du caractère, elle s’impatiente. Le petit groupe se dirige vers la salle du trône. Un fauteuil immense recouvert de fourrures domine la pièce. Elle est là, les cheveux couleur argent, calme, le regard perçant et amusé. La Reine Padoma se lève et se dirige en direction de son invitée. Elle tend sa main et attend que Micha lui fasse un baise main symbole de soumission je suppose. Ma grand-mère s’exécute sans trop réfléchir, elle est comme hypnotisée. La femme qui est devant elle dégage une prestance qui force le respect, contrairement aux autres rosamoonèenes Padoma a les cheveux coupés courts seules deux mèches lui encadrent le visage. Une petite tiare orne sa tête royale et à défaut de porter le même collier de quartz rose que tous les autres habitants, une énorme bague a son index remplie cette fonction.
“Vous avez fait la connaissance de mes enfants? Mes premiers jumeaux”
Micha relève ce détail, les premiers jumeaux, pourquoi il y en a eu d’autres?
Comme si la reine avait entendu les interrogations de son hôte elle s’adresse à ses enfants :
“Laissez-nous maintenant, ma nouvelle amie et moi avons beaucoup de choses à nous raconter.”
Après avoir salué les deux femmes, Kayra et Kameron quittent la pièce retournant à leurs activités.
Je sens l’angoisse de Micha grandir au creux de son ventre, être seule avec une reine est un privilège mais allait-elle avoir une conversation digne de son rang?
Les craintes de ma terrienne s’évaporent bien vite, Padoma a des sujets de préoccupations assez semblables au commun des mortels. Après avoir bu une infusion de fleur de lotus, la souveraine se lance dans une visite du palais. Les pièces se succèdent plus belles les unes que les autres. La visite se termine sur une immense salle contenant cinq berceaux.
“Cette salle a vu naître tous mes enfants, les Dieux m’ont fait le cadeau de pouvoir enfanter une fois par an. Il me semble que sur terre une grossesse dure neuf mois? chez nous elle dure trois mois et je peux accoucher de cinq bébés. Oh bien sûr ils sont beaucoup plus petits que vos enfants à la naissance.”
Padoma se mit à rire en voyant l’étonnement sur le visage de son invitée. Elle repris son explication :
“La première grossesse d’une reine donne toujours des jumeaux, ils sont la relève, mes héritiers. Ceux qui viennent ensuite sont pour les Dieux, ils ont tous un rôle à jouer dans l’organisation de Rosamoon. Il y a beaucoup de prédateurs dans les bois environnants et nous sommes obligés d’organiser des battus une fois par mois pour réguler les bêtes sauvages qui risque a tous moment de nous attaquer. D’ailleurs ce soir est une nuit particulière nous allons chasser cinq panthères noires pour donner en offrande aux Dieux de la lune pour qu’ils m’accorde une dernière grossesse avant qu’une nouvelle reine prenne ma suite.”

– Depuis combien de temps régniez-vous? Où est le roi?
Padoma sourit et balaye les interrogations de Micha de la main, il est temps de se préparer pour assister à la partie de chasse. Une fois de plus je sens ma grand-mère complétement sous emprise, un sentiments de bien-être et de confiance se diffuse dans tout son corps, je cède et suis le mouvement après tout ils n’y a aucun danger.
La vie de château a quand même quelques avantages, Padoma a mis à mon service une habilleuse, Clara. Maintenant que je connais un peu mieux la provenance de la population je ne suis pas surprise de voir qu’elle ressemble à Kayra, elles sont sœurs mais elle semble plus jeune.
Une tenue en cuir et fourrure grise m’attend sur le lit, elle moule mon corps comme si elle avait été faite sur mesure, c’est très confortable. Clara passe ensuite à mes cheveux, ses doigts fins s’agitent a une vitesse folle dans ma chevelure, je me retrouve avec une multitudes de tresses collées sur les tempes, la partie centrale est crêpée et retenue avec une lanière de cuir.
On frappe à la porte, c’est Kameron, il vient me chercher enfin il vient chercher Micha pour l’escorter à la soirée. Son sourire est vraiment magnifique, il dégage un charisme presque animal. Lui aussi est vêtu de cuir mais le sien est de couleur noir, ses cheveux ondulés sont retenus en chignon à l’arrière de sa tête, quelques mèches entourent son beau visage, on dirait presque une statue.
Padoma nous attend, Kayra est assise à sa droite, je me place à ses côtés. Kameron pose un genou à terre et présente ses respects à sa mère. Je n’avais pas remarquer mais l’assistance est exclusivement féminine, de tous âges les femmes du villages ont mis leurs tenues de guerrières et attendent le signal pour débuter la chasse.
Je me tourne vers Kayra et lui demande pourquoi il n’y a pas d’hommes dans l’assistance? Elle me répond qu’à part le premier fils les autres garçons sont presque tous tués à la naissance, seuls les plus robustes sont épargnés, ils passeront leur existence à garder le temple des Dieux de la Lune.
La reine se lève face à l’assemblée féminine et s’adresse aux troupes pour les motiver. Ces femmes si douces le matin semblent métamorphosées en tueuses sanguinaires le soir. Je remarque qu’elles ne portent plus leurs colliers de quartz rose. Kayra m’explique que lors de la chasse mensuelle il est autorisé de quitter son collier pour laisser libre court à sa colère, le quartz rose étant un régulateur d’humeur il dessert les guerrières et les rend vulnérables.
Soudain le gong retentit, la chasse peut commencer. Des centaines de femmes partent en courant dans la forêt, elles poussent des hurlement de bêtes, les visages peints se fondent dans la nuit noir. Leurs armes assez sommaires ont l’air d’être tranchantes, je ne donne pas cher de la peau de ses pauvres panthères. Kameron supervise la battue, il est en charge de la mise à mort des fauves. Pendant ce temps des jeunes femmes vêtues de tuniques blanches, une couronne de fleurs sur la tête commencent un rituel qui semble rodé à la perfection.
Devant nous un autel en pierre se dessine à la lumière des torches. Les prêtresses s’activent autour, elle le décore de fleurs, de fruits et surtout elle place d’énormes morceaux de quartz tout autour. Une fois la mise en place terminée elles s’agenouillent devant et se mettent à invoquer les Dieux de la Lune. Padoma les rejoint prend une dague et se coupe l’intérieur de la main, le sang coule sur l’autel.
Le son d’une corne de brume se fait entendre, la première panthère a été attrapée. En attendant le retour des chasseurs avec leurs proies, les prêtresses se mettent à jouer de la musique, un mélange de percussions et de flûte de paon. L’endroit et la scène sont tout droit sortis d’une livre de conte, Padoma m’invite à manger quelques fruits et à boire un peu de leur vin artisanal. L’ambiance est festive, les jeunes femmes restées au camps dansent et rigolent, je me laisse entrainer dans la fête. La tête me tourne un peu je décide d’aller m’asseoir. Padoma me rejoint, elle pose ses mais sur ma tête et ferme les yeux. Je me sens mieux, une énergie nouvelle circule dans mes veines. Le signal sonore retentit encore à plusieurs reprises, ça y est les cinq panthères sont capturées, la traque est terminée.
Kameron sort de la forêt en tête du cortège, son visage est plein de sang, ce n’est pas le sien mais celui des fauves, elles ne se sont pas laisser faire. Son bras en revanche est bandé, il a été mordu pendant la mise à mort de la dernière proie. Les cinq cadavres sont alignés sur l’autel, les cinq prêtresses s’approchent avec une machette. Chacune à leur tour tranche la gorge de l’animal, son sang est récupéré dans un petit bol doré. Les femmes du village s’approchent et commencent à vider les panthères, elles retirent les viscères pour éviter que la viande ne soit contaminée. Les meilleurs morceaux sont mis à cuire sur une broche au-dessus du feu, la peau servira à confectionner un manteau pour la future reine.
Après s’être changé et surtout lavé Kameron s’approche avec une assiette de viande. Micha le remercie poliment en lui expliquant qu’elle a l’impression de manger du chat. Le jeune homme éclate de rire et lui demande juste de gouter pour peut-être changer d’avis sur la question. Je vois s’approcher le morceau de viande de la bouche de ma grand-mère, je ne me sens pas bien. Elle ouvre la bouche et mâche le morceau de panthère. Kameron pose sa main sur son bras et une décharge de bien-être se fait ressentir dans tout mon corps enfin celui de Micha. Mais comment font-ils çà? Après ce contact la viande prend un tout autre goût, elle est délicieuse et j’oublie complètement sa provenance, l’assiette est vide.
Ce soir je dors au palais, cette journée m’a épuisée, je baille malgré moi. Avant de quitter la fête Padoma me prend dans ses bras pour me souhaiter une bonne nuit. Son contact est chaud et agréable, je me sens bien et je sens que Micha aussi. La reine demande à son fils de me raccompagner jusqu’à ma suite, il ne faudrait pas que je me perde. Mon chevalier servant me propose son bras, j’accepte avec plaisir, il est vraiment charmant, il aura fallu que je change de planète pour rencontrer un gentleman. Nous sommes seuls et une question me taraude, si sa mère est à l’origine de tous les habitants du village comment va-t-il faire pour trouver une compagne? En a-t-il le droit?
Une fois de plus je n’ai pas besoin de parler Kameron me regarde et répond à mon interrogation.
“Les Dieux m’enverront la compagne idéale au meilleur moment pour moi.”
Sa main prend la mienne, j’ai très chaud tout à coup. Il se tourne vers moi et me dit :
“Je pense même qu’elle est déjà là près de moi”.
Le ventre de Micha se tord, les battements de son coeur accélèrent, elle veut dire quelque chose mais les mots ne sortent pas de sa bouche. Heureusement nous sommes arrivés devant la porte de notre chambre. Kameron caresse la joue rosit de Micha, il se penche vers elle et lui embrasse le front en lui souhaitant bonne nuit. Son odeur enivre la terrienne, elle referme la porte de sa chambre et reste quelques minutes sans bouger à écouter si il est toujours derrière. Ma grand-mère est comme une gamine, elle sautille partout, rigole toute seule, elle à chaud, elle bouillonne.
Malgré toutes ces émotions, nous sombrons dans un profond sommeil jusqu’au lendemain matin.
Une douce chaleur sur mes tempes me sort de mes rêves. J’ouvre les yeux et trouve Padoma assise sur mon lit, ses yeux sont fermés, ses mains posées de chaque côté de ma tête.
Après cinq minutes la reine rouvre ses yeux, elle me sourit.
“Bonjour ma douce, je suis là ce matin car Kameron m’a fait part de ses intentions et souhaite faire de toi sa compagne, je suis allée questionner les Dieux et il semble que tu sois l’élue. Mon fils et toi allez nous donner une héritière qui à son tour deviendra reine à ma place.”

Micha reste sans voix, elle, la mère de la future reine? Même si Kameron lui plait beaucoup elle ne compte pas rester sur cette planète tout le reste de sa vie.
La terrienne se relève brusquement, il faut qu’elle réfléchisse, si elle reste ici elle ne reverra plus jamais la Terre ni sa famille. Et puis elle ne connait pas assez Kameron pour accepter de vivre toute sa vie avec. Padoma qui observe son invitée avec beaucoup d’intérêt semble surprise de sa réaction, elle finit même par perdre patience et quitte la pièce en claquant la porte. Ma grand-mère une fois seule décide de s’habiller et d’aller faire un tour histoire de réfléchir à la situation. Sans s’en rendre compte ses pas l’amènent jusqu’au temple. Il n’y a ni gardes, ni prêtresses, seule une musique hypnotique l’attire à l’intérieur.
Il fait frais, le bruit d’une fontaine rend le lieu apaisant, des torches éclairent la grande pièce principale. Au milieu un autel en bois exotiques, tout le tour est sculpté, il y a plusieurs personnages représentés. Micha s’approche pour mieux voir et découvre que les personnages sont tous masculins à l’exception d’une femme qui est un peu au-dessus d’eux, dans une main elle tient un enfant et dans l’autre un poignard. Micha n’a pas le temps de terminer sa contemplation, un bruit derrière elle la fait sursauter.
“Nous t’attendions! Il est temps de te préparer pour la cérémonie.”
Mais quelle cérémonie? Micha n’a pas le temps de s’enfuir, les cinq prêtresses la retienne et l’emmène dans une pièce attenante. A leurs contacts tout le corps de ma grand-mère reçoit une onde de paix, de calme, de sérénité. C’est comme si elle était droguée. Je cris, je me débat mais rien n’y fait je ne suis que spectatrice.
Les gardiennes du temple commencent par me laver, je suis nue et elles me passent de grosses éponges sur tout le corps. Une des sœurs est dans un coin de la pièce on dirait qu’elle prie, des incantations sortent de sa bouche. On me sèche, m’habille et me coiffe, de jolies fleurs tropicales décorent ma chevelure. Soudain une vieille femme toute ridée s’approche de moi, elle parle une autre langue, ses yeux sont cerclés de blanc. Elle m’examine sous toutes les coutures, moment de gêne extrême, elle m’écarte les jambes et passe sa main entre mes cuisses, une douleur vive me fait pousser un cri, des larmes coulent sur ma joue. La sorcière semble très satisfaite, je suis vierge et elle en a la preuve.
On me laisse seule quelques minutes, ce n’est pas mon corps et pourtant j’ai vécu la même humiliation que Micha, je suis furieuse et je sens qu’elle aussi, elle cherche une solution pour s’enfuir. Kayra entre dans la pièce et découvre Micha devant une fenêtre.
“Ne cherche pas à t’échapper tu ne pourras pas aller très loin. La seule solution c’est d’épouser mon frère, donne une héritière à la reine et tu seras libre.”

– Hors de question!! Hurle Micha
Padoma entre dans la pièce, sa robe est splendide, un sourire illumine son visage. Elle tend les mains vers moi, je me sens toute bizarre, mes jambes sont en coton, je m’assieds pour ne pas tomber. La reine pose ses mains sur mon ventre et dit :
“C’est une belle nuit pour tomber enceinte, notre nouvelle reine sera bénie des Dieux de la Lune.”
Micha est comme hypnotisée, elle sourit, se relève et pars en direction du l’autel. Elle s’avance devant la foule réunit, il est là, un sourire presque carnassier. Pour l’occasion Kameron a revêtu une tenue traditionnelle de couleur gris perle, une étole de couleurs vives sur l’épaule droite. Ses cheveux sont retenus en demi queue avec un fil d’argent. Les deux jeunes gens se retrouvent devant la grande prêtresse Hira, Micha trésaille devant cette femme qui il y a peut lui a fait très mal. La cérémonie passe très vite, il y a des chants et des danses rituels. Le pacte du mariage est scellé par le sang des deux jeunes époux.
Une fête est organisée et les jeunes mariés se doivent d’y participer pour que tout le village puisse être témoin de l’union qui va donner naissance à leur nouvelle reine. Le verre de Micha n’est jamais vide, elle danse, elle rit, elle semble heureuse, mais est-ce réel ou bien est-ce à cause du quartz rose?
Il est temps d’aller se coucher enfin plutôt de consommer la nuit de noces. Le couple est escorté jusqu’à la suite nuptiale. Une fois seuls, Kameron embrasse Micha, cette dernière docile au début semble prise de panique, elle n’est pas prête à devenir mère tout de suite. Son époux la prends dans ses bras et embrasse ses cheveux délicatement.
“Tu sens délicieusement bon, ne t’inquiète pas tout va très bien se passer.”
Les yeux de Micha brillent, elle se sent en confiance et aimée, une vague d’amour la traverse et toutes ses réticences s’envolent. Après tout elle ne fait rien de mal, elle est mariée et son homme est d’une douceur et d’une gentillesse qui lui laisse présager d’une vie agréable sur une planète aussi belle que dangeureuse.
Le jour se lève et je me sens mal, Kameron est déjà levé, quelque chose est différent dans mon corps. Kayra pénètre dans ma chambre, elle sourit et me dit qu’elle doit m’escorter auprès de la reine, il est temps de voir si son frère à bien jouer son rôle. Dans la salle du trône Padoma n’est pas seule, la vieille prêtresse est là ainsi que le jeune marié. Ce dernier n’adresse même pas un regard à son épouse, il a le regard fixe droit devant lui. Après la nuit qu’ils viennent de passer ensemble, Micha à l’impression d’être devant un inconnu.
Comme si la reine avait perçu les pensées de sa belle-fille, elle lui explique que le rôle de Kameron est terminé, il a rempli sa mission, les sentiments ne font pas parti du pacte.
Une fois de plus Micha est examinée, elle est enceinte mais la grande prêtresse sent quelque chose de différent, elle chuchote dans l’oreille de la reine, cette dernière semble contrariée, elle fait signe aux gardes d’emmener la future maman.
Micha n’a pas le temps de comprendre elle est emmenée par deux gardiens du temple, une fois dans la nurserie on la sangle au lit. Kayra entre et s’assoit sur le lit elle pose ses mains sur Micha mais cette fois-ci la magie n’opère plus, la colère est trop forte.
“Tu vas devoir t’habituer, cette pièce est la seule que tu verras pour les trois prochains mois. C’est pour ta sécurité.”
Ma sécurité? Je n’avais pas remarqué que ma vie était en danger, je demande à parler à Kameron mais ma belle-soeur me regarde avec mépris et me dit qu’il a bien d’autres choses à faire que de venir au chevet d’une petite fille qui fait un caprice.
Les mois qui suivent passent comme un film en accéléré, une succession d’images, de visages, de sensations et surtout le ventre de ma grand-mère toujours plus rond.
Et puis soudain, le grand jour, la délivrance. Micha met au monde non pas un mais deux bébés, un garçon et une fille.
Toute la famille royale est stupéfaite, c’est une situation inédite, d’ordinaire ce sont les Dieux qui fécondent la reine et lui permet une grossesse multiple. Kameron qui depuis la nuit de noces n’a pas donné signe de vie reste quelques instants seul avec son épouse.
“Tu as bien rempli ton rôle mais tu nous mets dans l’embarras, tu sais bien qu’ici les garçons ne sont pas très appréciés. Notre fils va devoir être sacrifié. La tradition veut que ma mère poignarde les enfants mâles, elle veut conserver une société matriarcale. Les hommes ne font que le mal d’après elle.”

– Mais qu’est-il arrivé aux hommes dans ce village? Pourquoi sont-ils représentés sur l’autel dans la temple?

“Ah!! c’est une vieille histoire, il y a très longtemps Rosamoon était dirigée par des hommes, les femmes n’étaient là que pour s’occuper des enfants et tenir la maison. Un jour une guerre de territoire a rendu les hommes fous, ils s’entretuaient pour un bout de terre supplémentaire et surtout se servait des femmes pour arrivés à leurs fins, elles étaient prise en otages, vendues ou torturées. Un jour la reine Hira en eut assez et partit dans la forêt pour demander de l’aide aux Dieux de la Lune. Elle resta quarante jours en prière et puis elle eut une apparition, une petite fille lui fit voir ce qu’elle devait faire. Elle lui donna un poignard empoisonné pour qu’elle tue tous les hommes du village. Une fois la tâche accomplie elle devrait laisser sa place à la dernière petite fille née dans le village et se consacrer au culte jusqu’à ce que les Dieux la laisse mourir paisiblement.”
La vieille sorcière était en réalité une ancienne reine. Micha comprit qu’il fallait quitter cette planète au plus vite avec ses enfants. Sans réfléchir elle prit ses jumeaux dans ses bras et désespérée se tourne vers Kameron.
“Tu vas m’aider à m’enfuir, tu me dois bien cela!”
L’homme un peu gêné hésite quelques secondes puis accepte d’escorter sa famille jusqu’au portail entre les deux mondes.
Kameron guide Micha dans la fôret, j’entends le bruit de la cascade, le portail est tout prêt. Le son d’une corne de brume sonne au loin, ils sont à nos trousses. Les bébés sont sages, ils ne pleurent pas. Ils sont si petits et semblent si fragiles!
Ça y est le portail entre nos deux mondes est là devant nous, je dois juste passer derrière la cascade et surtout il me faut du sang royale pour l’ouvrir. Le débit d’eau est impressionnant, je vais avoir du mal à passer avec deux bébés dans les bras. Kameron se propose d’en prendre un pour aller plus vite, les gardes sont déjà derrière nous. Il reste la dernière étape, le sang, je vois bien que Kameron hésite, saisit sa dague se coupe l’intérieur de la main et la pose sur le mur de pierre. La porte s’ouvre brusquement, Micha tient la main de son époux et l’embrasse une dernière fois puis soudain ce dernière la pousse violemment en arrière et lui dit :
“Sauve notre fils mais je garde notre fille, bon voyage Micha et bonne chance, ne reviens jamais, oublies nous.”
Je me sens aspirée en arrière et me réveille chez moi, au même endroit qu’avant mon départ dans ma chambre. Il me faut quelques minutes pour reprendre mes esprits et comprendre que mon père est en fait le fils de Kameron et que sa sœur est sûrement devenue la nouvelle reine de Rosamoon. Le collier de Quartz rose est tombé de mon cou, je tente de le prendre dans ma main mais il se transforme en poussière, l’âme de Micha peut enfin s’envoler.
Qu’est-il arrivé à Kameron après notre départ? Est-il toujours en vie? Reverrais-je un jour la Planète de la Lune Rose?
Une chose est sûre je n’oublierais jamais Rosamoon.

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3 Commentaires
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Robert-Henri D.
4 années il y a

Bonjour,

J’ai lu une bonne part de votre texte… au demeurant intéressant. Pourtant je vais être franc: il se trouve que j’ai abandonné… en raison d’un certain manque de subtilité, voire quelques maladresses, notamment dans la formulation des phrases (il a aussi des fautes d’orthographe)…

Certes, en matière de style d’écriture rien n’est irrémédiable: alors je suis persuadé qu’à force de travail, vous devriez parvenir à un excellent résultat.

Bien cordialement.

Robert-Henri D.
4 années il y a

Bonjour,

C’est évident, j’avoue qu’à mon âge et condition, en tant que lecteur je recherche avant tout la qualité; mais surtout ne voyez aucun mal dans mon commentaire. En fait, je suis moi-même auteur, président d’une association littéraire, et aussi chroniqueur dans un journal local. Alors si je vous ai fait part de mon opinion d’habitué, c’est avant tout pour vous aider… non pour vous décourager, et encore moins pour rédiger une critique négative.

je n’ignore pas qu’en matière de littérature, les "cibles" se doivent effectivement d’être en symbiose avec l’auteur. Il reste donc que le présent texte est une bonne base qui ressemble à un plan d’étude tout à fait apte au développement d’une courte nouvelle: laquelle pourrait intéresser un éditeur ou une éditrice si vous la retravaillez.

Bien cordialement.

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