Ça y est, je vole ! Ah, Dieu ou un autre en soit témoin, j’aime cette sensation de liberté !
Les étages des immeubles défilent, et l’espace autour de moi n’a pas de limite.
Le vent frappe mon visage, mes bras tournoient autour de moi.
Je me sens bien, sans sentir le poids de mon corps sur mes genoux.
Je tourne sur moi-même, le ciel, le sol, le ciel, le sol.
Je suis heureux. Je flotte bien au-dessus du brouillard de soucis qui couvre la ville. Bras et jambes sont ballottés par les caprices de la masse d’air omniprésente autour de moi. Les fenêtres s’envolent vers les cieux, de plus en plus rapidement. Les gens à leur fenêtre qui me regardent, horrifiés, s’enfuient à leur tour à toute vitesse vers le ciel. Je respire profondément, apaisé. Je nage en plein rêve. Tant de légèreté ! L’énorme sac de pierre chute de mes épaules. Ce sac rempli de nos tourments, s’alourdissant inexorablement à mesure que l’on reste enraciné à la terre. Je soupire d’aise…
Je tourne sur moi-même, le ciel, le sol, le ciel, le sol qui se rapproche !
Sourire béat sur mon visage.
« Scrotch ! », puis plus rien.
« Un homme s’est écrasé sur le sol, il a chuté alors qu’il montait dans la grue de son chantier. De nombreuses personnes se sont rassemblées pour ses obsèques. Une terrible nouvelle, preuve de la dure et dangereuse condition des travailleurs, au regard de cette vie interrompue si injustement, et si tristement ! ».