(Petite note avant de commencer : l’italique (dans les dialogues uniquement) signifiera que les personnages parlent dans une langue qui n’est pas celle qu’ils utilisent habituellement dans le livre (ici, l’anglais, même si c’est écrit en français). Si c’est écrit en français mais en italique, ça sera du français (logique), en espagnol, idem et pareil pour toutes les autres langues. (Pour le petit flashback du début, la femme parle en français)
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Il faisait nuit noire. Le petit garçon était assis au milieu de son lit. La personne se tenant devant lui n’était autre que sa mère, une jeune et belle humaine aux cheveux châtains et aux yeux clairs, grande, élancée. Une femme magnifique. Elle avait tout pour elle. Cependant, certains de ses actes se rapprochaient de ceux d’un monstre sans pitié. Elle n’avait pas désiré son fils et ne l’accepterait jamais. Ce démon avait insisté pour qu’elle le garde, mais elle regrettait amèrement son choix. Sa seule vue l’écœurait et la répugnait. Les petites cornes sur son front prouvaient son appartenance à ce peuple qu’elle haïssait par dessus tout. L’enfant se mit à réclamer des câlins et la jeune femme lui dit alors :
— Ne me touche pas. Tu ne mérites rien. Te voir mourir serait la plus belle chose qu’il puisse m’arriver.
Le jeune garçon ne sembla pas comprendre ses paroles mais les interpréta rapidement en voyant le visage de sa mère. Elle quitta la pièce en claquant la porte derrière elle.
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Pourquoi Ethan pensait t-il à ça dans un moment pareil ? Il devait fuir et n’avait pas le temps de penser à son passé. Il était au beau milieu d’une course poursuite mais n’était pas celui qui pourchassait l’autre. Son assaillant faisait partie d’un gang auquel il avait fait perdre quelques membres, devait avoir la trentaine, une carrure de bodybuilder et par la même occasion, une folle envie de lui arracher les yeux. Le jeune homme déboula dans une grande rue, se mêla aux passants et s’accorda quelques secondes pour reprendre son souffle. La place sur laquelle il se trouvait était le carrefour entre beaucoup des rues de la ville mais aussi là où il avait le plus de chance de ne pas être trouvé. Tout autour de lui, il y avait des boutiques et des petits parcs ou les enfants jouaient et où lui aussi, à leur âge, avait joué.
Il voulut se remettre à courir quand un main agrippa avec violence son avant-bras et le tira hors de la foule. L’individu le traîna de force dans une ruelle sombre dont le sol était jonché de déchets sans que le jeune homme n’y puisse rien. Du moins il n’en avait pas envie. Sachant qu’il lui était impossible de le mettre hors d’état de nuire, il se laissa faire. Même en ayant confiance en ses capacités, la force de son agresseur n’était pas discutable.
Et puis bon, il n’était pas habitué à se battre, lui qui avait toujours évité le combat au détriment d’une bonne répartie et d’un talent inné pour la fuite. Bien sûr, il aimait la baston, mais n’avait jamais appris à frapper correctement et ne pourrait tenir tête à quelqu’un ayant un minimum de connaissances dans le domaine. Cet homme qui lui voulait du mal faisait au moins deux têtes de plus que lui, ce dont il avait l’habitude du haut de son mètre soixante-treize.
Le gangster s’apprêtait à le frapper quand une main vint briser son poignet et le mit à terre. Ethan resta collé au mur contre lequel il était adossé, trop abasourdi pour réagir, et son sauveur, un jeune homme d’à peu près son âge blond aux yeux bleus, le regarda droit dans les yeux et prononça une seule petite phrase :
— Tout va bien ?
— Oui, merci, répondit Ethan, peu à l’aise. Il avait honte de s’être fait secourir par un inconnu dans une situation qu’il se sentait capable de gérer seul. Il s’en serait sûrement sorti avec quelques bleus, comme toujours.
— Qu’est ce que tu lui as fait pour qu’il t’en veuille autant ? l’interrogea t-il en regardant l’homme à terre.
Ethan se frotta la nuque et lui raconta brièvement son passif peu glorieux avec le gang auquel le gangster appartenait. Il avait en effet été plusieurs fois impliqué dans des petites bagarres de rues desquelles il avait toujours réussi à fuir.
— Je vois. Je m’appelle Caleb, et toi ?
Le jeune homme se présenta à son tour. Caleb, après un bref regard qui lui était adressé, s’écarta et le laissa s’approcher du corps de celui qui comptait lui faire passer un sale quart d’heure.
— Putain, ta mère t’a sûrement bercé trop près du mur pour que t’aies une gueule comme ça.
Ethan était le genre de personne qui changeait radicalement de visage selon s’il était en bonne ou mauvaise position. Il pouvait à la fois supplier son ennemi de l’épargner s’il se sentait incapable le battre ou avoir subitement une folle envie de le passer à tabac s’il pensait que l’issue du combat était sa victoire.
Il avait reprit confiance. Il pouvait enfin faire regretter à cet homme de l’avoir menacé et poursuivi à travers la ville et n’allait pas le laisser s’en tirer seulement avec un poignet cassé. Il attrapa sa mâchoire et changea de ton en s’adressant à lui pour en adopter un plus moqueur.
— Tu voulais me crever les yeux, hein ? Mais là tout de suite, on dirait bien que c’est moi qui vais le faire.
L’homme comprit immédiatement qu’il n’était plus du tout en position de force et supplia Ethan de ne pas mettre sa menace à exécution. Mais le jeune homme ne l’écouta pas. Caleb, debout à sa droite, ne bougea pas d’un seul centimètre pour l’arrêter. L’ignorant totalement et considérant qu’il n’était pas dérangé par ce qu’il s’apprêtait à faire, Ethan vint lentement placer deux de ses doigts devant les yeux de son agresseur et les lui creva d’un coup violent. L’homme hurla de douleur mais son cri ne déclencha aucune réaction de la part du jeune brun. Il se contenta de secouer ses mains.
— Quand ton gang te retrouvera… Enfin, si ils y arrivent ou si t’es pas mort avant, tu leur ordonnera de ne plus me faire chier où je viens leur tordre les couilles un par un. J’en ai marre de passer mes après-midis à courir pour échapper à des gens.
Il se redressa et cracha sur sa victime. Mais de sa bouche ne sortit pas de la salive. Une petite flamme de la taille d’un pouce voleta jusqu’au gangster. Au moment où elle toucha son torse, tout son corps s’embrasa. En quelques secondes, la seule chose restante de son cadavre était une poignée de cendres.
— Oh… Putain de merde.
Ce fut le seul mot qu’Ethan prononça. Il avait, pendant un instant, oublié ce pouvoir le rendant si spécial : il était pyrokinésiste. En vérité, il n’était pas humain. Il était un démon. Du moins c’était le nom que les humains leur avaient donné des siècles auparavant. Des êtres dit “supérieurs” capables de diverses prouesses comme le contrôle des éléments, dont beaucoup de démons étaient capables, ou d’autres encore. Ils étaient affublés de particularités physiques assez inédites pour les humains. Des cornes, très communes, ou encore des ailes, des mains griffues, même parfois une queue, pour certains. Ethan, pour sa part, possédait des cornes brunes et des grandes ailes qu’il pouvait cacher à sa guise. Une capacité propre aux “Halfdems”, hybrides nés de la relation entre un humain et un démon.
Il fallait qu’il s’en aille, il ne voulait pas s’attirer plus de problèmes. Il venait de tuer quelqu’un. Pour de vrai. Ça n’avait jamais été son but. Oh non, jamais il n’aurait voulu mettre fin à la vie d’un homme, peu importe qui il était. Il n’était déjà pas capable de tuer une simple petite araignée, alors un humain, il valait mieux ne pas y penser. Caleb comprit qu’il cherchait à fuir et le retint en le bloquant avec son bras.
— Je suis désolé si tu as pensé que j’approuvait tes actes. Je veux bien lui casser un poignet, je veux bien que tu lui crève les yeux, mais que tu le tues, ça, c’est mort. Et c’est le cas de le dire.
Son visage était devenu plus sérieux, si bien que c’en était déroutant pour Ethan. Caleb lui avait semblé être tellement…. Blasé et imperméable à la violence qu’il avait pensé pouvoir faire ce qu’il voulait devant lui sans que cela ne le dérange. Mais il s’était trompé.
— Tu vois, moi aussi je fais partie d’un gang. Et chez nous, les meurtriers, on leur fait regretter d’être nés.
— Sérieux, y a qu’à moi que ça arrive…
Il ne put retenir cette phrase et soupira. Il bouscula Caleb et se dirigea vers le bout de la ruelle, mais un homme lui barra le passage. Il devait avoir une vingtaine d’années, et mesurait un bon mètre quatre-vingt-dix. Ses cheveux étaient d’un noir profond et ses yeux légèrement bridés. Ethan regretta de ne pas être parti plutôt en voyant ce colosse se dresser devant lui. Il voulut passer mais l’homme resta planté devant lui.
— Tu as enfin dérapé. Il ne nous manquait que ça.
Le jeune homme se figea. Comment ça, il ne leur manquait que ça ?
— Viens avec nous.
— Non.
L’homme se tourna.
— Comment ça, non ?
— Je vais pas vous suivre comme ça, alors que je vous connais pas et sans même savoir où vous voulez m’emmener !
Il empoigna le col du sweat d’Ethan et lui souffla :
— Écoute, je m’en fous de ton avis. On m’a donné des ordres, je les respecte. Alors tu viens ou je prends en compte le meurtre tout juste ajouté à ton joli palmarès de conneries et je te traite comme un criminel. Pour faire simple, je te pète les genoux et je patiente gentiment le temps que les flics ramassent ta dépouille de salaud.
Le jeune homme n’eut rien à dire. Sa fantastique répartie qu’il entretenait depuis l’enfance ne pouvait rien contre une telle menace. Il voyait dans les yeux du brun qu’il était vraiment prêt à lui briser les os s’il le fallait.
Il lança un dernier regard en direction de son collègue. Le jeune homme l’ignora totalement et préféra nonchalamment, les mains dans les poches, balayer du pied les cendres du défunt gangster. Il ne savait pas ce qu’il risquait en suivant ces deux-là. Alors il décida de tenter le tout pour le tout. Il laissa ses cornes redevenir visibles et ses canines prirent la forme de crocs acérés. Reprendre sa vraie forme lui demandait une énergie considérable et n’était pas indolore. Il fut obligé de serrer les dents et de fermer les yeux quelques secondes pour oublier cette sensation proche de coup de couteaux dans son crâne.
— Ok, le gamin se rebelle. J’ai compris, soupira le grand brun.
Il voulut alors frapper Ethan mais il esquiva de justesse. Ses gestes étaient maladroits. Sentant le sale quart d’heure qu’il allait passer arrivant à toute vitesse, il voulait partir le plus vite possible. Il était prêt à se mettre à courir quand il sentit une forte présence dans son dos. Les seuls mots prononcés par la personne furent : “Vous êtes des bras-cassés. Même pas capables de mettre hors d’état de nuire un simple gamin.” Après ça, il sentit ses jambes se dérober sous lui et l’obscurité gagna son esprit.