- Ce sujet contient 4 réponses, 3 participants et a été mis à jour pour la dernière fois par Elie Keva, le il y a 4 années et 5 mois.
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Pierre-Baptiste ReboulParticipant
Bonjour à tous,
Rupert, je suis nouveau sur ce forum. Je souhaite partager avec vous une nouvelle que je viens d’écrire.
C’est pour l’apéro🙂 .
Bonne lecture.L’écran indiquait un retard de trois minutes.
Il me tardait de nous retrouver : trois mois depuis notre dernière escapade.
Pris dans notre quotidien : moi avec mes shootings au Brésil ; lui avec ses show-rooms Parisiens, nous vivions une relation à distance, comme ces couples sportifs de haut niveau : par sms ; parfois par skype.
Le soir, seule dans ma chambre d’hôtel, je combattais la solitude en me rappelant les moments charnières de mon existence : mon premier casting ; mon premier salaire ; mon premier petit ami du lycée : Pete, un gars extra . La suite fût moins glorieuse, jusqu’à notre rencontre.C’était un lundi. Le 24 décembre 1988. Mon agent, décida de m’emmener à New-york, pour un « christmas event », en m’assurant une couverture médiatique internationale. Le marché des « top » était saturé ; et l’assurance maladie ne couvrait qu’à moitié les frais hospitaliers d’Aline.
Dans un loft humide de Manhattan, il me fallait poser en bikini dans des postures de gymnastes.
Les hostilités duraient depuis bientôt trois heures ; la fatigue se faisait sentir.
Sur cette fausse plage de sable, je serrais les dents en pensant à Aline. Ma belle petite sœur, muette depuis la mort des parents, demeurait la seule personne qui croyait en moi. Sa joie de vivre me boostait dans les moments difficiles.Je résistais tant bien que mal, jusqu’aux changements de décors : ceux-ci restaient ma bouffée d’oxygène : quatre minutes rien que pour moi. Je me précipitais sur le chauffage individuel. Dans ses bras de tôle, je m’assoupissais quelques secondes, songeant à un pique nique avec ma petite fée.
Dès la fin de la deuxième minute, mon agent sadique avait l’habitude de toquer pour grappiller du temps de travail, une façon bien à lui, de montrer son autorité hiérarchique. Renald était un petit homme bedonnant. Aussi nerveux que fin négociateur, il avait réussi à se faire une place dans le monde de la mode, malgré son antipathie.
Las, je le laissais entrer. Il débitait ses phrases ignobles, tout en me caressant les épaules :
« Ma chérie, tu me fais de la peine. Va falloir que tu te ressaisisses !Elle est où la Morgane conquérante ? Celle de la couv d’ELLE ? Là au moins, tu envoyais ! »18h, fin du show.
Épuisée, la culotte remplie de sable, j’attrappais la serviette humide de mes collègues, pour un brin de toilette.
La tension dans le studio était palpable : le ton montait entre le photographe et mon agent. L’un exigeait une nouvelle série, l’autre l’intégralité du cachet pour service rendu. De rage, Monsieur pellicule balança l’appareil sur une des mannequins restée sur le décor imaginaire, qui le prit en plein visage. Cette violence infligée à ma collègue m’était insupportable ; j’acceptai une session de rab.« C’est bon Gus, laisse les partir. Je suis sur que nous avons ce qu’il faut. »
Dans la pénombre, mes oreilles m’aidaient à dresser le portrait de mon sauveur : il avait une voix rassurante : celle d’un homme d’expérience.Un assistant se chargea d’allumer les suspensions ; mon intuition avait vu juste : il était grand, avec de larges épaules ; la quarantaine, plutôt bel homme. De longs cheveux noirs brossés en arrière lui donnait un air mauvais garçon, accentué par un visage anguleux. Sa voix prétendait le contraire : grave mais douce.
Il me tendit une enveloppe, que mon agent saisi.
L’homme me regardait intensément : ses yeux bleus me pénétraient. Comme s’il cherchait à lire en moi :
« D’où venez-vous Mademoiselle ? »
-D’Angleterre, Monsieur.
-Appelez moi Bill, dit-il. Je n’ai pas reconnu votre accent…
-Mon père est américain et ma mère vient d’Éthiopie.–Un très beau mélange, dit-il.
Je me sentis rougir.
« D’où est votre père ?
-De Boston.
-Une jolie ville. J’adore me promener dans le quartier de Beacon Hill : l’architecture y est remarquable. J’imagine que vous avez dû vous y rendre plus souvent que moi.
-Pas récemment, dis-je. Mon travail est très prenant.
-Je comprends. Et vous le faites avec professionnalisme, c’est appréciable. D’habitude, les filles se comportent comme des divas. »
Je lui lança un regard noir : a-t-il la moindre idée de ce nous vivons réellement ? A-t-il déjà connu la faim, la fatigue, les privations de sommeils, les dîners mondains ennuyeux à mourir ; la pression des défilés ; les insultes des couturiers, des agents ?
« Nous travaillons parfois dans des conditions difficiles », répondis-je en balayant la pièce du regard.
L’homme, décontenancé, se caressa la barbe, puis s’adressa à mon agent :
« Affaire conclue ? »
Ils se serrèrent la main.
Bill me fit un signe de tête puis se dirigea vers le photographe.
Renald me prit par le bras, me priant de le suivre à la loge. Il ferma la porte et m’ordonna de m’asseoir :
« Tu es devenue folle ?
Je me déshabillais, penaude.
«Tu ne pouvais pas te taire pour une fois ! Je joue ma réputation dans ce deal !–Il est prétentieux Renald, je n’aime pas les prétentieux.
« Cette fois, tu l’as cherché ! »
Rouge de colère, il me tendit une liasse de billets.
« Il n’y a pas le compte Renald, dis-je, en soupesant le paquet.
-Tu viens de bousiller une relation commerciale, je te signale ! C’est ça ou rien ! »
A cause de ma grande gueule, il me manquait deux milles dollars pour les soins d’Aline.
Je sentis la colère montée en moi. J’enfila une jupe, prit mon manteau et ouvrit la porte de la loge comme une furie.
Bill était là, devant moi, prêt à toquer :
« Mademoiselle, je vous prie de m’excuser, j’ai été maladroit tout à l’heure. »
Aucun son ne sortit de ma bouche.
« J’aimerais me rattraper, accepteriez-vous de dîner avec moi ce soir ?
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9 juin 2020 à 16:22 #50199 -
Pierre-Baptiste ReboulParticipant
Désolé, la mise en forme sous word n’a pas suivi sur le wikipen.
9 juin 2020 à 16:24 #61763 -
Équipe WikiPenMaître des clés
Bienvenue
@Mackenzie#1762 et merci pour ce partage.
Par la suite, sera plus adaptée pour partager tes autres textes.[la plateforme WikiPen](https://wikipen.fr/) À très vite !
9 juin 2020 à 18:42 #61766 -
Elie KevaParticipant
@Mackenzie#1762 Bonjour, j’ai déplacé ton texte dans la section coin lecture c’est plus approprié 😉10 juin 2020 à 08:39 #61773
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