Je regardais par la fenêtre.
Le couché du soleil venait de pointer le bout de son nez. Il était environ 17h00. J’étais seule, accoudée sur mon bar. Un verre de wisky à la main. Ca faisait longtemps que je n’avais pas prit de temps pour moi. Il faut dire que mon emploi du temps était chargé en ce moment. Les appels à projets pleuvaient. Je passais donc nuit et jour sur ces dossiers à essayer de remporter les plus gros contrats. Il faut dire que chacun d’eux me rapportaient une copieuse prime.
C’est comme ça que j’avais pu m’offrir cette maison d’ailleurs. Nichée sur les hauteurs de la côte méditerranéenne. Une villa entièrement dessinée par un architecte de renom. Lukas Moore. Vous devez sûrement voir de qui je parle. Ce bel homme, charismatique, et bourré de talent. Il avait réalisé la maison de mes rêves. 300 mètres carrés, rien que ça ! 4 chambres avec salle de bain, 1 salle de cinéma, 1 salle de billard. Un grand bureau pour mes nuits endiablées de travail ! Une piscine, à débordement, qui entrait à l’intérieur, histoire de se baigner en toute saison. L’extérieur était magnifique. J’avais choisi de placer des baies vitrées sur tout un pan de mur de la maison, pour admirer la vue de la mer, et de la ville en contre bas.
Pourtant, cette maison était bien vide. En tailleur noir, une main dans une poche et l’autre tenant mon verre de whisky, j’aime à penser que j’ai l’air d’un homme. Avec sa grosse baraque et ses voitures garées au sous sol. Comme quoi, on est pas si différent.
Eryn m’avait expressément obligé à prendre un jour de repos. Je l’entend encore me répéter : “c’est ton anniversaire le 14, tu DOIS prendre ce temps pour TOI”.
Ce serait mentir que de dire que ce qui m’avait fait le plus bizarre, c’était que quelqu’un s’en souvienne.
Je suis partie du bas de l’échelle. Mise à la porte à mes 18 ans par mes parents, j’ai enchaîné les petits boulots jusqu’à tomber sur la meilleure des patronnes que je pouvais avoir. J’ai débuté mon tout premier job dans la vente avec cette vieille boutique qui faisait un peu brocante. Madame Lasi ne cessait de me répéter “tout peut se vendre, si tu arrives à vendre un brin d’herbe, tu pourras tout vendre.” Dans ce même esprit, elle m’avait donné pour mission de vendre un vieux radio réveil, des années 80, sans grand intérêt. Elle m’avait d’ailleurs dit que le jour où j’aurais réussi à le vendre, je devrais partir de chez elle, qu’elle aurait accompli son devoir de formation.
Je rigolais seule en me rappelant ce passage de ma vie. Jamais je n’ai réussi à le vendre, cet objet. Avec du recul cela venait peut être du fait que je n’avais pas vraiment envie de partir finalement.
C’est 3 ans plus tard que je m’étais réveillée et découvert une soudaine passion pour les buildings. J’avais rêvé devant un reportage sur Dubaï. Ne pouvant y aller j’avais décidé de me remuer pour accéder à tout ce que je voulais !
Je n’avais pas encore pris conscience des sacrifices personnels que cela me demanderait.
Aujourd’hui j’ai 38 ans. Et je suis seule. Un anniversaire de plus à contempler la ville qui s’anime, et moi, tout la haut, comme inaccessible.
À ce moment je ne me doutais pas que tout cela allait changer.