Un jour j’ai eu douze ans, et j’ai rêvé de toi. 1/2

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En fin de compte, ça c’est très mal passé.
« Non mais, tu te rends compte ? On travaille ton père et moi pour payer vos études, et tout ce que tu trouves à faire, c’est te battre à l’école. Ta sœur et toi vous mangez, dormez, vivez ici, comment veux tu qu’on s’en sorte si tu n’avances pas. Tu vas te faire exclure un jour, tu vas être obligé de travailler sans diplômes. »
Elle était en colère, malgré mes explications. Je ne sais même pas si elle m’a entendu quand j’ai tenté de lui expliquer. Je voyais poindre une larme, j’étais mal, vraiment mal, j’avais envie de pleurer de la voir ainsi, pourtant j’ai douze ans.
« Ton père rentre demain, en attendant, tu ne sors pas de ta chambre. Je te supprime tes jeux. Tu n’as plus le droit de sortir.  Je téléphone à ton père ce soir dès qu’il est à l’hôtel, on verra ce qu’il va dire. J’ai quitté mon travail pour venir te chercher, et voilà ce que tu m’apportes, une bagarre en classe. »
Elle a claqué la porte, de ma chambre, j’entends son pas sur le carrelage, j’entends des sanglots, je me suis mis à pleurer comme un enfant, elle n’était plus là, je n’ai pas lutté. Ma sœur est revenue de la fac j’ai entendu sa voiture se garer dans l’allée du jardin. Elle va sans doute venir me faire la morale ou se foutre moi. Parce qu’elle a dix-huit ans, en fac de droit, je ne sais pas trop ce que ça veut dire,  elle se prend pour une adulte à me donner des leçons, je ne la supporte pas. Une fois elle m’a giflé. Je l’ai surprise par hasard, en train de se mettre du produit et des trucs collants sur les jambes. Elle avait oublié de fermer à clef,  la porte de la salle de bain. En culotte et soutien-gorge, je me suis mis à éclater de rire. C’est là qu’elle s’est levée du tabouret où elle était assise, et m’a frappé la joue en me poussant dehors, j’ai entendu la serrure se fermer. Je suis allé voir ma mère, je m’en souviens très bien, c’était l’année dernière.
« Maman, Fabienne m’a frappé. j’ai rien fait, je suis rentré dans la salle de bain, elle n’avait pas fermé. »
« Mon chéri, tu sais comment est ta sœur. Un peu vive, mais elle t’aime beaucoup. »
« Mais j’ai rien fait, j’ai ouvert la porte, elle avait des trucs sur les jambes, ça m’a fait rire, c’est tout. »
« Des trucs de fille mon chéri, tu comprendras plus tard. »
C’est là que justement, j’ai compris que toutes les filles se tenaient la main. Ma mère défendait  ma sœur, même si elle m’aime aussi. J’ai essayé d’en parler à mon père, mais à chaque fois qu’il rentre, il est trop fatigué pour pouvoir m’écouter.
« Le jour où tu comprendras les filles, tu seras le roi mon fils. »

Ça c’est arrêté là, personne n’est venu m’expliquer. Une blague d’adulte sans doute, mais ma sœur n’a eu droit à aucune remarque.
Je les entend discuter dans la cuisine, les rires imbéciles de Fabienne. Elle frappe à la porte, sans attendre que je réponde elle entre.
« Alors comme ça tu te bats en classe ? Tu l’as griffé au moins ? »
Elle se met à rire bêtement.
« Maman à raison, si tu continues comme ça, ils vont te virer du lycée. Tu n’es vraiment qu’un gamin qui ne pense qu’à tes jeux et t’amuser. Tu verras plus tard. »
Je me suis levé de la chaise, j’avais les poings serrés.
« Va-t’en, c’est ma chambre, tu n’as pas à entrer, tu n’es pas maman. »
J’ai refermé la porte à clef cette fois, je l’entendais encore rire pendant qu’elle s’éloignait. Un jour, je me vengerais, je trouverais quelque chose.

La soupe à la grimace, je n’ai pas décroché un mot. Ma mère et ma sœur discutaient de tout et de rien, de toute façon je ne voulais pas entendre. Je me concentre sur mon assiette, les yeux baissés. Je suis sûr que si je lève le menton, l’une ou l’autre va en profiter pour me parler, me faire la morale.
« Ton père rentre demain soir, je l’ai eu tout à l’heure. Il n’est pas content. Tu es prévenu. Dès que tu as fini, tu repars dans ta chambre et tu révises, parce que tu vas rater deux jours de cours. Tu devrais demander à Marie-Cécile de te faire des résumés. Je vais appeler son père d’ailleurs, parce qu’il paraît que c’est à cause d’elle, si j’ai bien compris. »
« Ce n’est pas à cause d’elle maman, tu n’as pas compris. C’est Bastien qui écrivait des idioties. Je croyais que c’était Alex qui m’envoyait des mots. »
« Bon, c’est compliqué ton histoire, tu finis et tu rentres dans ta chambre. De toute façon, tu n’avais pas à te battre en classe. C’est tout ce que je comprends, point final. »
J’ai fini mon assiette, je n’ai toujours pas levé les yeux, mais je suis sûr que l’on me regarde. J’ai serré les poings, pour bien montrer que j’étais en colère, j’ai rangé mes couverts sur la desserte et je suis parti. Papa revient demain, je vais encore avoir droit à une leçon de morale. Personne ne m’écoute quand je raconte, personne ne me croit.

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