Je le vois qui discute avec maman dans le couloir, elle écoute sans rien dire et hoche de la tête, elle se tourne quelquefois comme pour me regarder, et puis reprend le fil se retournant vers lui.
Ça devient compliqué, il sait que je sais quelque chose, et je sais également qu’il se doute, il a parlé de beaucoup de hasards, je l’ai bien retenu, je vais continuer à l’écouter je suis dans son domaine la clinique, mais je fais ce que je dis, pas un mot à personne, maman ne saura rien, il faut qu’elle me répète leur conversation qui ne s’éternise pas, je vois qu’ils se serrent la main, l’infirmière a disparue, elle entre seule dans la chambre, je ne lis rien dans son regard, elle semble réfléchir et s’approche de mon lit en tirant une chaise.
« Il se passe quoi mon chéri, il me dit que tu ne lui racontes pas tout, que tu fais des cauchemars avec les gens que tu vois. Je ne comprends rien, c’est quoi cette histoire de mauvais rêves qui te mettent dans ces états. »
« Mais rien maman, il voudrait que je lui raconte mes rêves, mais je ne me souviens pas de tout. Je fais des cauchemars depuis que je suis ici, il croit que c’est à cause de l’accident, que j’entends les gens, c’est n’importe quoi. Tu sais ce qu’il faisait avant, je suis allé voir sur Google, parce que ce n’est pas la première fois qu’il me fait des raisonnements, il faisait des expériences sur la pensée et il écrit des bouquins de science-fiction. Tu as entendu ses questions ? Quand je lui ai dit que je voyais les gens d’ici en rêve, il croit que je parle avec eux, il doit avoir grain quelque part. »
Plus c’est gros et inexact, plus ça passe, j’ai mis un peu de vérité pour qu’elle me croie, je n’ai rien à lui dire, surtout si elle apprend que je vais dans ses rêves, tout le monde pourrait me voir comme un monstre.
« Il ne m’a pas dit tout ça, mais je ne savais pas ce qu’il faisait avant, c’est un docteur qui soigne les gens c’est son métier. Il m’a simplement dit que ta blessure pouvait influencer tes rêves, parce que justement placée à un endroit spécial. Je téléphone à ton père en rentrant on va voir ce qu’il va dire sur cette drôle de clinique. Mais c’est vrai que tu rêves de gens d’ici ? Il m’a parlé d’un malade que tu n’as jamais vu, et que tu as fais un malaise en même temps que lui. »
« Tu vois que c’est n’importe quoi, un ou deux jours avant une infirmière m’en a parlé, et même qu’une fois j’ai aperçu sa chambre, mais sans rien voir, j’ai dû faire un cauchemar avec ça, c’est tout. J’ai déjà fait d’autres malaises, si tu te souviens bien, personne n’a jamais dit que c’était en même temps. Je ne suis pas bien ici, c’est simple, et comme je sais que c’est bientôt fini, j’ai envie de rentrer vite. »
« Je téléphone à ton père le plus vite possible, on nage en plein délire. Je ne sais plus quoi penser, et si j’ai tout bien compris. Je rentre me reposer, parce que quand ils m’ont appelés, j’étais sur une affaire avec Jérôme à deux cent kilomètres d’ici, je suis un peu lasse de la route et de tout ça. Pas de toi mon chéri, pas de toi, ce n’est pas ce que j’ai voulu dire. Je reviens demain, mais il faut que je me repose en rentrant. »
« Tu seras là pour midi avec papa, pourquoi tu dois lui téléphoner, il n’est pas encore rentré ? »
« Ah oui, j’ai oublié de te dire, de gros ennuis sur un chantier, il m’a parlé de gens blessés, il ne rentre pas avant lundi, une histoire d’enquête en cours de ce que j’ai compris, je te raconterais plus tard.Tu veux qu’on mange ensemble demain ? »
« Oui, ce serait bien, je t’ai envoyé un message, mais tu n’as pas dû le lire, j’attendais la réponse, je ne savais pas quand tu devais venir demain. »
« Je n’ai pas lu je n’ai pas ouvert l’ordinateur depuis ce matin, on est avec un client difficile, toujours à chercher la petite bête, le petit détail qui coince, enfin, ce n’est pas grave, OK pour demain, je rentre dormir à la maison et on se voit avant midi, et s’il te plaît, évite de rêver de moi, sinon je vais devenir ton pire cauchemar. »
J’étais en train de froncer les sourcils, elle le voit tout de suite.
« Mon chéri, c’est une blague, je suis désolée, tu vois dans quel état je suis, je ne sais plus ce que je dit. Dors bien jusqu’à demain, viens ici que je t’embrasse. »
Beurk, sur le front comme d’habitude, je regarde le couloir si personne ne regarde, je ne supporte toujours pas. Je la regarde partir, son sac en bandoulière, sa mallette à la main, un air de ‘ Working Girl’, certains pères de mes potes à la sortie d’école, je vois bien leurs regards, et j’en suis assez fier, c’est ma jolie maman, je me sens un peu honteux de lui cacher des choses, mais on ne peut pas tout se dire, je vais aussi avoir ma vie bientôt.