Le bruit sec du plateau qu’on pose sans élégance me réveille.
« Je suis désolée, ça m’a échappé des mains. »
Le temps que je m’habitue, que j’ouvre les paupières, elle a le dos tourné, elle est déjà partie, de toute façon j’ai faim et puis j’ai bien dormi. On m’a enlevé le tuyau, je viens de m’en apercevoir en voulant me lever, je devais être très fatigué parce que je n’ai rien senti, par contre il me reste la pince sur le doigt, j’ai bien compris son rôle de mouchard. Il faudra que je demande si ça peut se mettre ailleurs, c’est un petit peu gênant en cas de geste brusque. Je n’ai pas vraiment souvenir du repas d’hier soir, je crois qu’on m’a zappé, j’ai besoin de solide à mâcher, le petit déjeuner fera l’affaire, je m’occuperais de mon ordinateur après, j’ai des choses à noter, je sens mes idées qui ne demandent qu’à me faire travailler l’esprit, il s’est passé des choses que j’ai besoin d’écrire, il va falloir que j’avance sur la pointe des pieds.
Il ne reste plus rien, tout est bien nettoyé, je repousse le plateau je pose l’ordinateur, la réponse de maman, mieux vaut tard que jamais, elle arrive vers onze heures avec mon sac à dos, ça va lui servir ainsi à transporter des choses, elle appellera papa dans la matinée, juste avant de partir, elle m’embrasse, je réponds OK simplement.
Mon dossier maintenant, j’ai des choses à remplir, pour ne rien oublier il faut que je fasse dans l’ordre.
Le malade d’à côté, j’avais quelques mots en suspend, maintenant j’en sais un peu plus, je vais tenter de compléter et je me laisse à refaire ce voyage tout en restant ici. J’ai compris l’accident, il avait beaucoup bu, j’ai compris après coup les bouteilles sur la table, les verres renversés et le volant cassé, la chose qui paraît triste qui envahit le lieu, j’ai un petit problème, pour poser des couleurs et ouvrir le son, c’est moi qui interprète j’amène ce que je connais, mais après j’ai souci, c’était comme une odeur c’est difficile à dire, je ne sais même pas si j’ai encore un nez des yeux et des oreilles, je ne vois rien de moi, je sais juste que je suis là. Penser un sentiment, je ne vois rien de mieux, transmettre un sentiment pour qu’un autre le perçoive, il faut que j’interroge mon ami, mais quel mot, quelle phrase je lui demande. Je trouve certaines choses, surtout des synonymes, émotions, sensations, communier, transférer, propager, aimer, des sites de poésie, c’est pas du tout mon truc. Je ne comprends pas comment, ce n’est pas quelque chose de solide ni visible ni réel, j’ai même lu amour plusieurs fois et en plusieurs endroits, encore le genre de choses que personne ne peut voir et qu’on ne peut toucher, je reviendrais plus tard, c’est pas de mon niveau. Les objets que j’ai vus, les objets qu’il me montre, j’ai du mal également quand je crée quelque chose, mais mon corps est entier même s’il se fatigue, le sien a besoin d’appareils qui le maintiennent en vie, je suis allé chercher il ne commande plus rien, il ne sait plus comment faire, d’après ce que j’ai compris, il tente de se reprendre mais il doit vraiment se fatiguer, encore plus que moi, je crois que je viens de comprendre pourquoi il ne peut faire que de petits objets, il doit tenter de reprendre son corps et de me faire comprendre en même temps, si jamais j’y retourne, il faut que j’en tienne compte et que j’aille plus vite, sinon je prends cher aussi.
Le professeur maintenant, c’est le seul qui se doute, je n’ai pas des tas de solutions avec lui, il faut que je fasse le gamin, je suppose que tout le personnel doit me surveiller, pourquoi était-il là hier soir, d’après ce que j’ai compris, en général, ce sont les apprentis médecins qui font le week-end, pas les docteurs, je suis sûr d’avoir raison pour la surveillance, lui, je vais le faire tourner en bourrique, il ne peut rien prouver c’est de la science-fiction, je ne crois pas en ses mots, et du peu qu’il m’a dit, on finit toujours découpé en tranches pour le bien de la science, des chats en sont témoins, mon ami me l’a dit, je dois faire attention, pas comme la nuit dernière.
Il faut que je me fixe une limite, je ne sais pas trop comment faire, si je sens un peu de fatigue il faut absolument que je rentre, je ne serais pas tout le temps dans une clinique, et si j’ai un souci je ne sais pas comment ça va se passer. Ne pas créer trop de choses, ça c’est facile, l’éloignement n’est pas vraiment un problème, ce sera à tester, je serais beaucoup plus attentif à mes battements, à l’état de mon corps.
J’ai bien avancé, je me sens fier de ce que j’ai écris, et dire que je suis moyen en classe, mais quelque chose me travaille, je ne sais pas quoi exactement, une chose que j’ai noté, quelque chose que j’ai lu, il faut que je me souvienne. Je me lis, je relis, j’ai raté quelque chose, je repense à hier soir, je refais le chemin, je repars sur les pages que j’avais affichées, je tente de me souvenir, quelque chose que je rate, je suis sûr que c’est là quelque part, d’un seul coup, ça fait tilt, les derniers mots écrits, je reprends battement.
Ce qui est magique avec les ordinateurs, c’est qu’il existe un historique, je reprends sur les semaines précédentes, je tombe sur quelque chose qui m’avait fait rire jaune au début :
Certains états de transe ou sommeil hypnotique, peuvent sous certaines conditions être atteint grâce au battement régulier d’un tambour ou le clignotement d’une source lumineuse non aveuglante. Des Chamans seraient capables d’utiliser ce procédé pour se désincarner ( cf, Les quatre accords Toltèques) – Manque de références, Wikipédia – Chamans – Voyages désincarnés – Transe spirituelle – Articles connexes : psychotropes – LSD – Hallucinogènes – Au-delà – Rave Party – etc…
Le battement à mes tempes, voilà ce qui me travaillait, je n’ai pas compris tous les mots, plus envie de chercher mais ce que je sais faire quand je veux voyager, je sens quelque chose qui bat et qui m’aide à partir. Je regarde l’heure sur l’écran, il n’est pas loin d’onze heures, il faut que je me dépêche maman ne devrait pas tarder, j’ai fait beaucoup de choses et j’ai compris autant, on va manger en bas et j’ai envie de bouger, le temps de me ruer en boitant dans la minuscule salle de bain, mes vêtements sous le bras, pas plus d’une minute, quelques secondes de plus pour avertir l’office que je descends avec ma mère pour manger au patio, je suis prêt à partir.