J’étais en train de somnoler la télé allumée, les émissions de fin d’après-midi endorment facilement, ce serait tellement simple d’avoir des chaînes câblées un peu plus intéressantes, il n’y a que ça a faire ici, regarder et dormir, c’est les coups sur la porte qui m’ont réveillés, on m’apporte le repas.
« Bonsoir, votre plateau, je suis désolée du bruit. »
Je ne réponds rien, j’attendais qu’elle complète sa phrase en posant le dîner, je la regarde faire, ma question est muette, mais il faut que je sache sans trop en avoir l’air.
« Bonsoir, je suis mal réveillé, j’ai cru entendre des gens courir tout à l’heure, il s’est passé quelque chose ? »
« Non, je ne crois pas, je viens juste de prendre mon service, je repasse plus tard pour le plateau, bon appétit. »
Ça c’est trop fort, je brûle de curiosité et je ne peux rien savoir, je ne vais quand même pas aller demander à l’office. J’expédie mon repas à la vitesse qu’il mérite, et je prends les béquilles pour me promener dans le couloir l’air de rien, je passe plusieurs fois devant le bureau des infirmières et celle qui est présente lève la tête à chaque fois avec un grand sourire.
« Je fais mes exercices. »
« Ah oui, c’est très bien. »
Et elle replonge le nez dans son livre, je ne vais pas passer cinquante fois ça va commencer à faire louche, je décide d’aller faire semblant de m’exercer un peu plus loin, vers l’endroit qui attirait du monde tout à l’heure. Je repasse plusieurs fois devant la porte fermée, personne dans le couloir, à chaque fois je m’approche au plus près, mais je n’entends rien, vraiment rien ou si peu, qu’un léger ronronnement, je suis vraiment déçu, je repars vers ma chambre complètement dépité, d’un seul coup j’aperçois sortir de l’ascenseur, le professeur Foldingue, le prof de chimie, c’est lui mon pire cauchemar, il se dirige vers moi, je ne peux pas l’éviter.
« Bonsoir, jeune homme, vous vous promenez pour digérer ? »
« Bonsoir, je fais un peu les exercices comme on m’a demandé, je tourne en rond dans la chambre, alors je viens ici. »
« Bien, bien, vous auriez pu descendre au Patio, il y a plus de place, mais c’est bien. Ah au fait, je vous vois demain matin, je serais avec vous pour le contrôle, tout ce qu’il y a de plus ordinaire, mais comme vous êtes mon patient, je suis obligé de venir. »
Avec sa blague idiote, je vois un grand sourire, il ne s’est pas arrêté, on parle en se croisant, mais je n’entends plus ses pas, deux secondes de silence, je sens qu’il me regarde, je continue mon chemin, il reprend sa cadence, le bip d’une porte codée vient de retentir, je sais maintenant ou il est, je n’ose pas me tourner, je rentre dans ma chambre et je jette mes béquilles de colère. Il se trouve toujours là quand quelque chose se passe, et demain avec moi, vivement que ça se termine, je le supporte de moins en moins avec ses airs de savoir sans savoir. Je retourne dans mon lit, la télé est restée allumée, peut être un film à voir je ne bouge pas ce soir, avec l’autre qui tourne dans le coin je ne vais rien lui donner, m’endormir normalement et rêver de mon pouvoir.
Demain sera un autre jour, je m’approche du départ, j’ai vraiment hâte de dormir dans mon lit, de revenir chez moi, quitter des malades et des professeurs fous qui ne savent jamais rien et qui veulent vous découper pour savoir, je m’endors doucement en pensant que j’ai aidé quelqu’un, j’en suis à peu près sûr, je demanderais demain.