Un jour j’ai eu douze ans, et j’ai rêvé de toi. 10/2

4 mins

« Je vais vous raconter une histoire, mais vous en connaissez sûrement une partie. »
Il est arrivé d’un seul coup, juste après mon petit déjeuner, je me sentais reposé, c’est bien la première fois, aucuns souvenirs de rêves, et je n’avais pas bougé, c’est sans doute pour ça, et l’autre qui débarque, la journée commence mal avec des examens qui suivent, mais c’est ma porte de sortie, le temps que je me lève de la chaise, il est déjà en train de me prendre la tête après m’avoir dit bonjour, j’ai tout juste eu le temps de me laver, pour une fois que je le fais. Il a l’air mal réveillé, mais ce n’est pas ma faute si il doit être là ce matin.
« Un jeune homme plein de vie fête avec des amis et sa copine un anniversaire, il n’a pas bu beaucoup, juste le petit verre de trop qui émousse légèrement les réflexes, sur le chemin du retour c’est le drame, la voiture qui s’écrase sur un arbre. Les secours arrivent vite, on les transporte à l’hôpital le plus proche, mais il est le seul à s’en sortir indemne, juste une commotion cérébrale qui le plonge quelques jours dans le coma, pour les autres, c’est malheureusement fini. Je pense que vous connaissez l’histoire jusque-là. »
« Bien sur, c’est mon voisin de chambre, je ne vois rien de nouveau là-dedans. »
« Bien, bien, je vais vous raconter la suite. Donc la personne survivante de ce grave accident, se réveille du coma, et suite à une erreur ou à un manque de tact, il apprend brutalement ce qu’il est advenu des autres passagers et qu’il en est responsable, un choc terrible pour lui, si fort et si intense, là je m’exprime mal, mais je ne vois pas d’autre image, il éteint carrément la lumière, c’est-à-dire qu’il se met à tout débrancher, qu’il se replonge dans un état de coma volontaire, c’est assez inexplicable, mais c’est un fait. C’est le patient dont vous avez entendu parler quelques chambres à côté, qui ne survit que grâce à des appareils d’assistance. La médecine moderne fait qu’il y a toujours un espoir de le récupérer, avec l’accord de sa famille, par le biais de certains protocoles et stimuli extérieurs, nous tentons de le faire revenir et qu’il reprenne en main son corps qu’il est en train de laisser tomber.
Après certaines alertes, dont vous vous avez peut-être entendu parler, et la dernière en date, il s’est enfin réveillé, mais très maladroitement, il a arraché son équipement respiratoire alors que ses poumons ne fonctionnaient pas encore correctement. Vous risquez de le croiser un jour dans le couloir dans un fauteuil roulant si vous êtes encore là, il est bien revenu, toutes ses fonctions basiques sont de nouveau fonctionnelles, mais du fait du manque d’oxygène, le cerveau est irrémédiablement endommagé, il a l’esprit d’un nouveau né, vivant c’est vrai, mais incapable de penser ou de vivre comme un adulte. Voilà la fin de l’ histoire. »
« Mais pourquoi vous me racontez ça, c’est assez triste, mais je ne connais pas ce monsieur, je ne l’ai jamais vu. »
« Je voulais que vous sachiez que suite à certaines erreurs volontaires ou pas, quelque chose l’a sorti de son coma sans que nous comprenions pourquoi et comment, quelque chose qui ignore qu’il y a un ordre à respecter, quelque chose qui ignore que choquer peut-être destructeur, quelque chose qui ignore le pouvoir de l’esprit. Je vous résume mon travail, je vous l’avais promis, en prenant l’exemple de votre voisin, je ne suis pas là parce que j’ai quelques titres, je tente d’aider les gens de  par mes connaissances, tout au moins dans mon domaine particulier, celle des neurosciences encore incomplètes, les domaines du rêve et de la pensée,  mais qui ne demande qu’a s’enrichir, et j’en apprends tous les jours si vous voyez ce que je veux dire, je pense que vous me comprenez. Vous avez quelque chose à me dire sur l’histoire ou tout autre remarque ? »
« Non monsieur, je vous ai bien écouté, je ne sais pas ce que vous voulez savoir. Je suis vraiment désolé pour cette personne. J’ai bien compris que c’est un accident et que personne n’y pouvait rien. »
« C’est un accident, c’est vrai, une suite de maladresses qui ont commencé avec un petit verre et qui se sont enchaînées. Peut-être qu’il aurait pu éviter, peut être que j’aurais pu l’aider, mais il y a tellement de choses que nous ne maîtrisons pas, que nous ne connaissons pas. Mon métier c’est d’aider dans la mesure de mes connaissances, mais il y a beaucoup de choses que j’ignore, et de voir ce qu’est devenu ce patient, me démontre mes limites, et je continue à apprendre quand on veut  bien m’enseigner. »
Tout ça s’impose à moi, je viens juste de comprendre que c’est à cause de moi, c’est ce qu’il est en train de sous-entendre, alors qu’il ne sait rien, je ne sais pas ce qu’il voit ou espère, mais je dois faire une drôle de tête, parce qu’il arrête de parler. Je ne sais pas quoi lui répondre pour rester dans la normalité, je lui ai déjà dit que j’étais désolé, mais je ne connais personne ici, il était dans un lit, maintenant il est assis, il avait décidé de rester enfermé, c’est sûrement pas ma faute et je ne lui dirais rien, ça va encore se retourner contre moi, pour les grands c’est toujours la faute des autres, et s’il a bien voulu se réveiller, je n’ai rien fait de spécial il a fait une erreur, j’ai juste montré une image, le professeur foldingue commence à m’énerver, il ne peut rien prouver, tout ça n’existe pas même s’il a plein de diplômes, je reste comme je suis, un garçon de douze ans.
« Je ne comprends pas ce que vous voulez que je dise, que ce soit triste, bien sur, mais je ne connais pas ce monsieur, j’ai bien compris que vous n’avez pas pu l’aider, que voulez-vous que je dise de plus. »
Il me regarde intensément, et il baisse les yeux, puis il se tourne vers la porte, l’air un peu las, la main sur la poignée, il s’apprête à sortir.
« Nous avons votre IRM dans une heure. Vous savez de quoi je parle, mais vous ne savez pas, je sais de quoi je parle, mais je ne sais pas tout, la science en général travaille sur des suppositions, souvent des idées folles qu’il suffit de prouver, et c’est là le problème, quelquefois un déclic est souvent un hasard, justement comme ces derniers temps, un jeune homme qu’on aurait peut être pu sauver, mais le hasard s’en est mêlé. Je suis désolé de vous avoir raconté ça, mais nous sommes resté plusieurs heures a tenter de le récupérer en vain, et je me sens un peu fatigué. Je vous raconte sans doute des choses qui ne sont pas de votre âge, il est possible que vous ne comprenez pas encore tout. Bien, bien, on se retrouve plus tard dans la salle d’examens, si vous avez un souci, je suis dans la clinique. »

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