Il en rigole encore.

3 mins

Comme tous les lundis matin, je venais de recevoir le message :

“La distribution s’effectuera ce matin à partir de 10h. Vérifiez vos horaires et votre lieu habituel de rassemblement. N’oubliez pas votre carte et vos sacs. “

C’était un rituel que tout le monde attendait chaque semaine depuis les incidents des derniers mois.

Ce sera comme d’habitude, des véhicules blindés et militaires armés, habillés dans des combinaisons étanches qui surveillent la distribution de nourriture pour tout le quartier, et si jamais vous oubliez votre carte de rationnement, vous n’avez droit à rien. Certains bruits colportaient des manifestations qui se sont terminées dans le sang, l’armée avait tiré, mais personne ne pouvait confirmer, il n’y avait plus d’internet, plus de télévision ni radio, juste les téléphones qui ne faisaient que recevoir les messages d’urgence.

Il y a plusieurs mois on avait demandé à tous les habitants de s’inscrire dans leur mairie de quartier avec tous documents prouvant le nombre de personnes vivant dans chaque foyer. On avait parlé à l’époque, tous les moyens de diffusion étaient encore fonctionnels, d’un recensement de la population avec distribution de masques hygiéniques ainsi que d’une prime sensée couvrir tous les désagréments futurs. Comme tout le monde, je me suis précipité, et la prime, quelques dizaines d’Euros, je suis allé aussitôt la dépenser en produits nécessaires, tout au moins, ce qu’il pouvait rester dans les étals des magasins. Jamais je n’aurais imaginé être obligé de compter le moindre morceau de sucre, la cuillère à café ou le bout de gâteau maintenant. J’avais ce qu’il fallait à l’époque, mes courses de la semaine comme habituellement, mais tout avait fondu au cours de ces longs mois, jamais je n’aurais pensé que ça pouvait durer, personne n’avait pensé.

On s’échangeait les nouvelles, de quartier à quartier, mais en fait, personne ne savait rien, que des bruits colportés, le tout invérifiable, comme il parait que certains avaient pu s’échapper, partir à la campagne loin, très loin des villes, mais je suppose que ça doit être pareil, partout la même galère, mais eux avaient un bout de terre pour pouvoir cultiver, s’ils le pouvaient encore.

Je faisais la queue dans ma file, celle de mon quartier, de ma rue et de mon numéro, mon sésame à présenter si je voulais manger, mes deux sacs à la main, d’autres avec des chariots, c’est les gens en famille, une chance je suis tout seul, drôle de chance, personne à qui parler, toute la semaine à rester enfermè, personne ne se fréquentait, on se méfiait du voisin.

Je suis rentré chez moi, j’ai rangé les boites de conserve et les litres de lait, cette semaine c’est Byzance, une douzaine d’oeufs et du chocolat en barres. Il y a encore du courant aujourd’hui, je me précipite et je branche mon chargeur, le téléphone est devenu indispensable, au moins pour recevoir on ne pouvait pas émettre. Du peu que je me souvienne quand tout était normal,  notre pays parmi les plus industrialisés avait encore de la chance avec ses centrales nucléaires, mais il n’empêche que de temps en temps, des coupures se produisaient pendant plusieurs heures. De toute façon, à part l’éclairage, on n’avait pas besoin de grand chose, la période d’hiver était presque terminée, les congélateurs ne servaient plus à rien avec tous ces arrêts, la plupart des appareils devenaient inutiles. Je regarde par la fenêtre, quelques rares personnes dans la rue certaines avec un brassard, ce sont les réquisitionnés, ceux qui font fonctionner le minimum vital pour le pays, il n’y a pas de voitures, il n’y a pas de carburant, et puis pour aller ou, toutes les villes sont fermées.

Je ne sais plus rien, personne ne sait plus rien, on laisse devant sa porte, emballés dans des sacs plastiques pour éviter qu’ils ne s’abiment, des livres, toutes sortes de livres, les gens ramassent et échangent, quelquefois des mots et des adresses dedans, des gens seuls comme moi qui demandent un peu de compagnie, une nuit ou plus, juste pour se souvenir, ou pour mourir plus vite.

On parlait à l’époque d’un virus Chinois confiné, il y avait encore des avions, des trains et des bateaux, qu’il ne passerait jamais les frontières et les cordons sanitaires, je crois que le virus rit encore d’une bonne blague qu’il nous fait, il joue à saute mouton par dessus les barrières.

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4 années il y a

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MARTIN-IAECK Marie-Francoise
MARTIN-IAECK Marie-Francoise
4 années il y a

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