VINGT-ET-UN — ALEXANDRE (suite)
Nous étions arrivé devant la porte de la belle maison de Maëlle et elle s’apprêtait à sonner. Je l’arrêtai d’un geste, j’inspirai un grand coup. Je me tortillai dans ma chemise, Maëlle m’avait forcé à mettre une chemise blanche et un jean clair et je m’étais soigneusement coiffé. Et je refis un point dans ma tête. Soudain, je pensais à une chose évidente que je devais savoir.
– Euh… attends, c’est quoi ton nom de famille ?
Elle rit.
– C’est Stern.
– Quoi ? Comme la directrice ?
– Oui, c’est ma tante.
Je hochai la tête. Et lui fis signe de sonner.
La porte s’ouvrit un instant plus tard. Manifestement, ils attendaient notre venue. Une femme élégante, habillé en noir, avec un chignon serré ouvrit la porte. Elle me faisait penser à la directrice du collège, ce devait être la mère de Maëlle.
– Salut maman, dit justement cette dernière.
Mais la femme n’avait d’yeux que pour moi.
– Bonjour, Mme Stern, dis-je poliment.
Maëlle m’avait conseillé de rendre ma voix moins rauque mais sous le stress je n’y parvins pas. Et la femme haussa les sourcils, surprise par ma voix grave.
– Bonjour. Tu dois être Alexandre.
– Oui.
Mon amie m’avait aussi fait remarquer que je répondais souvent par un « oui » ou un « non » brusque et que je devrais éviter de le faire avec ses parents, mais j’étais trop tendu.
Elle nous invita à entrer. Maëlle m’avait averti qu’il fallait garder ses chaussures à l’intérieur, ce qui m’avait surpris mais elle m’avait répondu en soupirant qu’ils avaient une femme de ménage. Nous étions entrés dans un grand hall, qui laissait entendre que la maison était immense. Les murs étaient en marbre blancs. Et un homme fort et un petit garçon attendaient.
Je m’approchai de l’homme. Il était petit, pâle et ses cheveux étaient de la couleur du foin mouillé. Un air amusé stagnait sur son visage rond. Et ses yeux pétillaient de malice, mais il y avait autre chose dans ses yeux sombres… une sorte de souffrance.
– Bonjour, M. Stern, dis-je.
Il tendit la main mais je lui montrai mon plâtre, contrit.
– Appelle-moi Paul, dit-il.
Je me raidis. J’avais déjà entendu cette voix. « Regarde, c’est un morceau de ton papa. Garde-le pour te souvenir de moi. ». Et il s’appelait Paul. C’était lui, j’en étais persuadé.
Le meurtrier de mes parents était le père de Maëlle, mais cela voulait dire qu’elle était ma cousine. Et que je demandais asile à celui qui avait détruit ma vie.
Maëlle avait remarqué mon trouble. Elle me suppliait du regard. Elle avait raison, c’était ma seule chance de ne pas retourner à l’orphelinat, et je pourrais me rapprocher de cet assassin pour mieux le piéger.
Je me tournai donc vers le petit garçon. Il avait une tignasse qui rappelait son père mais ses yeux verts étaient sûrement un héritage de sa mère. En fait, il ressemblait énormément à sa sœur. Maëlle m’avait dit qu’il avait dix ans mais il paressait plus âgé grâce à son regard perçant, même s’il n’était pas très grand. Je lui un signe de tête en souriant et il répondit de la même manière. Je sentais que j’allais bien l’aimer, ce gosse.
– Eh bien, nous pouvons passer à table, déclara Mme Stern.
Je hochai la tête. Maëlle m’avait demandé d’arrêter cette manie et de répondre clairement mais trop de pensées tournaient dans ma tête.
– Tu es blessé, remarqua le père, tu pourras quand même manger ?
– Oui, ce n’est rien, le rassurai-je.
Je n’arrivai pas à croiser son regard, c’était trop dur. Je me demandais s’il m’avait reconnu mais il semblait que non, après tout, j’avais neuf ans à l’époque.