Chapitre 1: Paris 2018
Le Dr. Hervé John Frazier n’avait guère de patient. Sa salle d’attente était souvent comble mais depuis plusieurs semaines, il n’y avait pas foule. Les gens sont en vacances se dit-il, songeur, tout en pensant aux siennes qui approchaient.
– Madame Calvin, c’est à vous.
Une dame qui avoisinait la soixantaine se leva et rentra dans le cabinet. Elle admira comme au premier jour la décoration style renaissance italienne du cabinet. Cela lui rappela sa tendre enfance.
En Octobre1970, Marjorie Calvin, âgée de dix ans, est originaire de l’Indre-et-Loire, département connu pour ses châteaux de la Loire, elle habite dans un village de trois milles habitants. Celui-ci s’appelle Azay-le-Rideau. Issue d’une famille bourgeoise, elle habitait dans un manoir en face du château. Ce Manoir Louis XV, ainsi que sa chapelle était splendide avant qu’il ne fut détruit dans les années 1990. Il disposait d’une couverture d’ardoise à la Mansart et l’édifice central était constitué de pierres de Tuffeau, très célèbre dans la région. Le manoir disposait de deux tours annexes, compléments symétriques de part et d’autres de l’édifice central.
Le manoir fut rendu célèbre lorsque Honoré de Balzac s’arrêta au Manoir Calvin pour rendre visite à son ami André Calvin, célèbre vigneron de l’époque. En arrivant à Azay, Honoré de Balzac devrait gravir une crête pour se rendre chez son ami. Lorsque il vit pour la première fois le château, il ne put s’empêcher de dire : « Ce château est un diamant taillé à facettes serti part l’Indre monté sur des pilotis masqués de fleurs ». Honoré connaissait André depuis quelques temps, ce dernier partait vendre son vin à Paris dans le XVI eme arrondissement, non loin de la Maison de Balzac.
Mr. Calvin vendait son vin à paris, non pas pour la renommée mais pour l’argent. Ses ventes à Azay ne lui permettaient pas de vivre.
Un matin de printemps, Balzac se promène dans le quartier. Au coin de la rue Raynouard, il aperçoit un marchand ambulant. Curieux de nature, il s’approche pour regarder, sans adresser un mot à celui-ci.
-Bonjour Monsieur, voulez vous goûter ce vin ?
– Il est dix heures du matin, connaissez vous une seule personne qui souhaiterait goûter à votre misérable vin à cette heure ci. Ne me vendez pas ce que je ne désire point. Je ne fais que regarder.
Le marchand surpris par ce mépris total de ce client n’osa pourtant pas lui répondre par respect de son statut.
Les heures passent et le marchand n’avait guère vendu de vin. Il n’appréciait guère Paris, même si son étal était non loin de la Seine. Il regardait les gens passer, il n’y avait guère de monde. Alors que j’étais en train de remballer, deux hommes vinrent a moi.
L’homme de gauche est l’homme que j’ai croisé tout à l’heure et qui m’a méprisé, cependant je ne connais pas l’homme de droite. Il a les cheveux assez long et un nez assez gros, un foulard dissimule son cou et il porte un manteau de velours noir. Je ne l’avais jamais vu dans le quartier, pourtant cela fait plusieurs fois que je viens cette année. L’inconnu m’adresse la parole:
-Bonjour Marchand, j’habite non loin d’ici, je vous achète tous votre stock de vin. Mon cher ami Balzac, ici présent, souhaiterait goûter votre spécialité. Pouvez vous me déposer votre marchandise dans ma propriété.
– Etes vous certain de vouloir tout acheter Monsieur, cela risque de vous couter fort cher.
-Ne vous inquiétez pas, j’ai de quoi vous payer.
– D’ici une heure, tout sera chez vous Messire. Cependant, il me faudrait un nom pour l’enregistrer sur mon bordereau.
-Vous avez de quoi noter ?
-Oui, je vous écoute.
-Vous livrerez au 17-19 rue Visconti a Paris dans le VI eme arrondissement au nom de Eugène Delacroix.
-J’ai bien pris note Monsieur.
– D’où venez-vous marchand ?
-Je viens d’un petit village de l’Indre-et-Loire, qui s’appelle Azay-le-Rideau.
-Je connais, dit Balzac au marchand.
-Tu me caches des choses, dit Eugène en ricanant.
Les deux hommes s’en allèrent tout en continuant à discuter et ricaner. C’est la première fois qu’un homme passe commande et me réserve tout mon stock, il devait être riche. Je ne connais pas ces hommes , Balzac et Eugène Delacroix , ces noms ne me sont pas familier.
Les trois hommes devinrent par la suite amis, Balzac adorait le vin d’André, ses vignes poussaient non loin des terres de Richelieu. Son vin avait un gout que Balzac connaissait, Honoré se rendait souvent à Saché, une petite ville non loin d’Azay-le-rideau à un peu plus de cinq kilomètres. Il rendait visite à Jean Margonne, propriétaire du chateau de Saché. Enfin loin des créanciers de Paris, Balzac y venait pour se ressourcer et y trouvait le calme. Les bois centenaires du domaine l’inspiraient et lui permettaient de faire le vide dans son esprit. C’est donc à Saché, qu’il commence à écrire son chef-oeuvre: « Le père Goriot ».
-Madame Calvin, vous allez bien ?
-Oui cela va docteur et vous ?
-On ne peut mieux, je me languis de partir en vacances.
-Vous partez ou cette année ?
-Je pars au Caraïbes, et vous madame Calvin?
-Je vais partir à Azay dans ma maison secondaire, je vais prendre six mois de vacances.
-Vous en avez de la chance.
-Docteur vous partez seul ou avec votre femme ?
-Vous savez très bien Madame Calvin, que ma femme est morte il y a maintenant dix ans.
-Ah bon docteur ? Je ne savais pas. Toutes mes condoléances.
Madame Calvin souffre de perte de mémoire récurrente. Je lui ai raconté, je ne sais combien de fois que ma femme n’étais plus ce monde. Mais au bout de vingt ans de relation patient-docteur, j’ai pris l’habitude de lui raconter ce que j’ai vécu.
-Je suis désolé pour vous docteur. Vous savez que Balzac était un ami d’un de mes ancêtres?
J’adore Balzac, j’ai lu la plupart de ses romans, au début j’écoutais les histoires de Madame Calvin avec de grand yeux et en étant tout ouï. Mais un jour, elle oublia qu’elle m’avait raconté cette histoire, du coup je lui demande à chaque fois de me la raconter de nouveau.
Moi passionné de Balzac, j’ai demandé plusieurs fois une preuve à Madame Calvin qui prouve que Balzac entretenait des liens avec un de ses ancêtres, mais jamais rien n’en suivit. Je me dis que finalement Madame Calvin aurait pu être une grande conteuse d’histoires lorsque elle était plus jeune. Mais cela me fait tellement plaisir de l’entendre parler, sa voix douce résonne en moi, cela me change de tout ces patients qui viennent me voir pour je ne sais quel problème alors qu’ils ont juste mal à la tête et qui possèdent chez eux du paracétamol.
-Docteur, je vous ai amené quelque chose que vous me réclamez depuis fort bien longtemps.
-De quoi s’agit-il Madame Calvin ?
-Appelez moi Marjorie docteur, depuis le temps qu’on se connaît. Je vous ai apporté une lettre d’Honoré de Balzac s’adressant à mon ancêtre.
-Madame Calvin sortit de sac un étui en bois.
-Vous savez docteur, cela fait des années que je cherche cet étui, il appartenait à mon père qui me l’a transmis en héritage, aujourd’hui je vous en fait don.
-Je ne peux point accepter, dit le docteur.
-S’il vous plaît acceptez ce présent. Je n’ai pas de descendance, vous êtes la seule personne qui soit là pour moi lorsque j’ai besoin de parler.
Le docteur curieux de découvrir ce qui se cachait dans cet étui du XIV eme siècle le mit de côté pour pouvoir l’ouvrir à tête reposée, le soir-même.
Copyright@ 2020 HuguesCooper
C’est une histoire totalement inventée ou il y a une base historique ?
Et peut être une petite critique : je ne suis pas sûre que ça aurait fait peur à qui que ce soi au 19ème siècle de boire un verre de vin à 10 h du matin. Il me tarde la suite.
Bonjour Magdola, Oui il y a une base historique, l’univers de Balzac.. cependant le reste de l’histoire c’est de la fiction. Je pense que vous avez raison en ce qui concerne le vin. Merci de votre critique, et d’avoir pris le temps de m’avoir lu. J’hésite a publier la suite si cela ne plait pas..
A chaque jour suffit sa peine il parait, non ?
Oui tout à fait
A quand la suite ?
Bientôt