L’œil curieux, c’est l’œil qui scrute au-delà des horizons visibles. Partout où la matière s’invite, il la suit pour s’en instruire. Parfois, il la devance comme pour l’attirer dans son jeu et mieux la deviner.
L’œil curieux se montre avide. Sa soif est d’or et sa faim carnassière. Il agit par instinct, comme un animal qui traque pour ne pas être débusqué et traqué à son tour ! Il précède ainsi la course, sans but véritable, si ce n’est la course elle-même !
Partout où il se pose, il est comme un aigle sur sa proie. Il extirpe sa subsistance nerveusement, avec l’habileté de l’artisan chevronné.
L’oeil curieux permet à son propriétaire de se vivifier et de rester en alerte. En vie en somme !
L’oeil curieux exprime un désir profond de connaissance pour se reconnaître lui-même. Il est un miroir dans lequel celui qui scrute cherche son identité véritable, à travers celle supposée des autres.
C’est une quête de soi et elle virevolte comme un boomerang, jusqu’à renvoyer à l’oeil qui cherche, l’image de celui qui scrute. Mais toujours au-delà des belles apparences et des sombres promesses captées par l’oeil vague, qui reste pris dans l’agitation des distractions du monde. Car notre œil curieux doit se garder des foules qui étourdissent et volent plus qu’elles ne semblent donner.
Pris par son objet et envahi par son projet, l’oeil curieux parfois se perds aussi. Il doute ! Et voilà qu’alors, saisi d’un clignement, il cède de s’y confondre dans une illusion presque parfaite ! L’illusion de n’être enfin plus qu’un. L’observateur a rejoint son observé !
C’est un peu le pari en fait ! Même s’il ne se l’avoue pas, l’oeil curieux a un peu peur de n’être au fond que lui-même. Car depuis sa vision, il se vit un peu à l’étroit, suffisamment pour l’angoisser.
L’oeil curieux croit deviner dans son chemin, l’ébauche d’un destin pour combler sa faim. Comme une dimension de plénitude qui lui assurerait d’embrasser du regard une paix et une présence sans limite.