Il y a quelques temps, à un moment indéfini par lui-même , JE discutait avec quelqu’un.
Ce genre de discussion, un peu au hasard, qu’on entame avec un peu n’importe qui. JE pense que tous, nous l’avons vécus. Et je le pense aussi. Vous aussi, non ?
”JE”, c’est un résumé pour le prénom de mon ami, le très bien nommé Jérôme-Auguste-Albert-François-Marie-Joseph-Luc-Michel-Claude-Maximilien Philibert de Campalone. Vu qu’il a un nom qui prend toute une ligne à écrire, vous comprendrez l’usage du surnom.
Je suis ami avec lui depuis bientôt six ans, mais c’est la première fois qu’il me raconte cette étrange conversation.
“Ouais, mec, j’ai un truc à te raconter, tant qu’on y est”.
Quand il me lança ces mots, nous étions en soirée. Dans un coin, les gens qui dansaient comme des fous sur du Ed Sheeran, et puis du Boney M, et puis du Coldplay… Il y avait même une histoire de plage noircie par un fantôme pastel. (Pas que j’y ai compris quoique ce soit, s’entend-il. Pourquoi un fantôme pastel noircirait une plage, je vous le demande ?)
Nous n’avons jamais été de grands buveurs, je vais l’avouer. Moi-même, je tourne au panaché, et encore, au bout de deux petites bouteilles, c’est comme si j’avais bu un shot de vodka cul sec, je suis complètement cuité.
Quant à lui, il ne boit pas parce qu’il a un défaut génétique qui l’empêche de le digérer. Il boit, il meurt, c’est aussi simple que cela.
Vu que nous étions donc deux petites natures, nous nous étions réfugiés dans le coin des petites natures, le canapé au fond du salon.
Là, il n’y avait personne. Je fermais la porte, et puis je m’asseyais avec lui, un verre d’eau à la main. C’est là qu’il me déclara, brutalement, qu’il avait une histoire pour moi.
“Vas-y alors, racontes, mec.” Je disais ça en faisant mine de lui rire au nez.
” Ouais, nan, laisses tomber…” se découragea-il.
” Nan. T’as dis que tu m’en parlerais, tu m’en parles.” Là, par contre, j’étais un peu plus sérieux. Il avait excité ma curiosité.
” Ouais, mais flemme…”
” Y’a pas de flemme.”
“Bon… Tu saoules mec.”
“Tu vas m’en parler du coup ?”
“Ouais…”
Il soupira bruyamment. Oui, j’étais exaspérant. Mais si je souhaite savoir quelque chose, rien ne me fera lâcher prise. Surtout quand c’est ma curiosité qui est excitée. Et il le sait.
Il ferma les yeux, prit une inspiration, puis commença:
” C’était il y a quelques années…J’avais quoi, quatorze, quinze ans ? Peut-être juste un peu plus. Un soir, je suis parti seul en soirée bar. Je me suis assis à la terrasse d’un café. Tous les bars étaient complets, à croire qu’ils devaient tous s’être donné un rendez-vous ce soir-là. Et j’avais échoué dans un lieu que je connaissais pas vraiment. J’ai commandé un thé glacé, je l’ai reçu dans les dix minutes qui ont suivis. C’était sûr et certain que c’était du bio. Je l’ai bu, et et je n’ai pas regretté les six euros qu’il m’a coûté… Vraiment pas. J’ai même trouvé que c’était gratuit à ce niveau-là. Bref, je finis de siroter mon élixir, puis je reste là, à divaguer dans mes pensées. Là, y’a un mec qui surgit devant moi…”
Il avala une gorgée d’eau bruyamment, puis me regarda. J’étais captivé. De ma vie entière, il ne m’avait encore jamais raconté cette histoire.
” La vie de ma mère que si j’avais été cardiaque, j’y aurais laissé ma peau ! Je te promets, mec. Il m’a regardé, avec ses yeux noirs immenses, puis il m’a dit:
-Hey, je peux m’asseoir ici ?’
J’ai répondu que oui.
– C’est gentil… Dis, simple question: Qu’est-ce que tu penses des criminels ?
Je l’ai regardé comme un fou. Mais d’où sortait cette question ?!
Alors bon, moi j’réponds que je n’ai pas trop d’avis. Il est chelou le mec, j’te jure. Il débarque de nulle part il m’pose une question aléatoire, sur ma vie que je ne répondrais pas.
-Je vois… Désolé, j’ai dû te faire peur. Je me présente, alors. Je me nomme Aldo Granfort. Je suis employé dans une petite boîte, comme des millions d’autres avant moi, et ceux après. Mon hobby, c’est de poser des questions philosophiques à des gens qui m’ont l’air intéressants, de manière aléatoire. A qui ai-je l’honneur ?
-Ah, euh… On me surnomme JE, parce que mon nom complet est impossible à dire. Je suis collégien.
-Simple et efficace ! déclara l’homme en sifflant d’admiration en clappant légèrement des mains. Tu es donc bien plus petit que ce que ton apparence suggère, dis !
-On me le dit souvent.
-Vu que tu es encore petit…Tu peux répondre à ma question, ou j’en cherche une autre ?
-Vous avez pas lâché l’affaire, hein… Je le marmonne, je n’ai pas envie qu’il m’entende.
-Hein ? demande Aldo.
-Hein ? que je réplique avec ironie.
-Donc ?
-Allez, allez, je vais y répondre. J’ai bien vu des séries coréennes où ils jouent à ‘Un, deux, trois, soleil’ version ‘tu perds, tu meurs’. Les questions sur les criminels, c’est donc très peu.
L’autre a des étoiles dans les yeux, on dirait un clochard en loques quand on lui donne cent euros.
– Franchement, moi, je m’en fiche un peu des criminels. Je veux dire. Le dealer de drogue vit juste parce que des gens lui achètent sa came. Les assassins vivent parce qu’il y a des gens qui n’ont juste pas de chance. Les voleurs vivent parce que les systèmes bancaires sont pas assez solides. Les hackers vivent parce qu’on nous cache soit trop de choses sur Internet, soit pas assez. Les violeurs vivent parce que les femmes ne sont pas entraînées à faire des prises de karaté, la faute au sexisme encore une fois. Tous ces gens vivent dans les failles de ce monde, et donc, je considère que tant qu’ils ne me dérangent pas, il ne faut pas hurler de peur face aux criminels. Tout de façon, les gens vus comme des méchants se voient toujours comme des gentilles victimes. Je le sais, j’ai déjà parlé avec un assassin.
Aldo me regarde étonné, puis il semble réfléchir à ce que je viens de dire.
Sûr, je me suis tapé un monologue, et c’était quand même assez lourd comme opinion.
-Très intéressant. JE, c’est rare de voir des gens autant réfléchir à ça, de cette façon. Mais dis-moi, j’aimerais quand même remuer quelques points que je n’ai pas compris…Je peux ?
-Bien évidemment !
( Pourquoi aurais-je refusé ? S’il voulait discuter, ainsi soit-il !)
-Premièrement… Pourquoi m’avoir énoncé des faits aussi évidents ? Est-ce que ton opinion vient d’autre chose que toi-même ?
-Non, je n’ai pas puisé ça d’ailleurs, même si on pourrait le croire. J’y ai beaucoup réfléchi, et j’ai aussi beaucoup lu sur le sujet. Si j’ai dis des faits débiles, c’est parce que souvent, dire des choses absolument évidentes a plus d’influence que des exemples bien trop compliqués.
-Oui, je vois…Je ne regrette déjà pas de t’avoir abordé, tu es réellement intéressant comme individu !
-Euh… Merci ?
-Je n’ai pas fini mes questions. Comment les criminels peuvent ne pas te déranger si jamais tu n’es pas impliqué ? Comment ne pas être révolté par une telle atrocité ?
-Aah… Les gens sont tous pareils. Ils sont amis avec des personnes dont, limite, ils ne connaissent que le prénom. Et j’en ai connu beaucoup, des types comme ça ! Toujours là à vanter le pouvoir de l’amitié, à dire que franchement, c’est impossible de vivre sans amis, qu’il faut toujours être entouré d’au moins une personne. Et puis, le lendemain, ils apprennent que leur meilleur pote est un tueur en série. Directement, ils changent tous de camp. ‘Ah non, non, mais tout de façon on savait déjà que c’était un mauvais gars, depuis le début, ah oui, oui.’ Ils contredisent avec véhémence eux-mêmes ce qu’ils hurlaient avec leur fausse sincérité hier, les cons ! Ils osent critiquer, enterrer, détruire une personne avec laquelle ils parlaient de tout et de rien hier. Quels hypocrites ! Mais quels menteurs !
-Tu ne réponds pas à ma question…
Je respirais un bon coup, puis je poursuivais avec la même verve.
– Oui, mais je n’ai pas encore fini, c’est pour ça. Je disais, les gens sont d’irrémédiables hypocrites, et de furieux menteurs. Soit. Comment puis-je ne pas être dérangé par les criminels ? Eh bien, cher monsieur Granfort, c’est parce qu’on en est tous ! Et les petits débiles qui en tapent d’autres dans la cour de récréation pour s’amuser, et puis les fous furieux qui attaquent les autres pour des gravissimes problèmes qui n’en sont point. Et aussi ces gens qui massacrent les gens dans leur dos dès qu’ils découvrent leur vraie nature. Personne ne veut d’amitié mais tout le monde veut être, par tous les autres, uniquement supporté. J’inspirais, haletant, puis poursuivait.
-Pas plus, pas moins. Ils veulent juste avoir le sentiment d’être écouté, l’impression qu’on a quelque chose à faire de leurs aventures à travers leur maison, leurs problèmes de coeur à la con, et puis tout le reste ! Tout dans l’apparence, rien en eux ! Et vous savez, monsieur, moi aussi je suis un criminel. Moi aussi, j’ai insulté des gens dans leur dos. Moi aussi, j’ai voulu être supporté, moi aussi j’ai massacré des gens en douce dès que j’ai découvert leur vraie nature ! Alors non, monsieur Granfort, je m’en fous des criminels, je m’en fous des faux-semblants de révolte face à ces prétendues atrocités, je m’en fiche tellement de ces hypocrites qui tombent sur des faibles pour se sentir fort ! m’époumonais-je.
Un silence s’est fait, le genre qui met un peu mal à l’aise. Les tables environnantes poursuivait leur vie, mais je pouvais sentir des regards hasardeux se poser sur nous. La salle sentait le café moulu à plein nez, mélangé à des relents de sueur et de cigares. Aldo m’observait avec attention, puis il ouvrit la bouche une fois, la referma, avant d’enfin prendre la parole, avec détachement et tout sourire.
– Bien trouvé. Sur le coup, oui, tu n’as pas tort. Les humains sont des menteurs, les humains sont des hypocrites, les humains sont des ordures qui ne pensent qu’à eux-mêmes, les humains adorent se cacher derrière des préconçus. Et s’ils peuvent écraser quelqu’un, ils le feront. Mais, est-ce que tu penses vraiment que c’est juste ça, un humain ? C’est fascinant comme être. Oui, il a ses travers, mais s’il le veut, il peut réfléchir à des questions aléatoires sur les criminels posé par des inconnus, il peut creuser jusqu’au plus profond de lui-même pour chercher à comprendre ce qu’il pense vraiment. Il peut être complètement honnête avec ses congénères, tant que cela ne lui porte pas préjudice. Il peut être ami, coopératif, amoureux, adorable, empathique, rêveur, ambitieux… Alors que les singes n’en seront jamais autant capables, les chiens n’en seront jamais capables, les poissons rouges encore moins. On est des animaux uniques, petit JE. On peut tout faire, tant qu’on est prêts à traverser et assumer la traversée des limites qu’on nous a posées. Si tu veux tuer quelqu’un, il suffit de franchir la barrière de la morale. Si tu veux manger du beurre sans rien, il faudra sortir de celle des mœurs sociétaires. Tout dépend de ce que toi, tu veux faire. Si tu veux croire en quelqu’un, crois. Si tu veux ne pas le croire, ne crois pas. C’est aussi simple que cela.
Il expira par le nez, d’un air pesant. Sûrement que ça l’ennuyait de discuter avec un enfant comme moi, au final.
-Regardes, petit collégien. Les limites sont faites pour être franchies. En vérité, je ne suis pas venu te parler parce que j’adore parler avec des inconnus. Dans les faits, je suis même très timide. Mais, juste ce soir, je me suis dis que je traverserais ce rempart de la gêne, que tout de façon, qui que ce soit, les gens me répondront, me parleront honnêtement. Et tu sais, je ne regrette rien. Je pourrais t’appeler mon ami, presque, vu la discussion qu’on vient d’avoir. Si j’ai voulu parler de criminels, c’est parce que ce sujet attire forcément l’attention, dans ce monde où des histoires de meurtre sont si fréquentes. Je ne voulais pas être ignoré. Je voulais vraiment parler…
Il avait l’air vraiment triste, j’avais de la peine pour lui; tu sais ? Alors j’ai répondu favorablement.
-Je comprends.
-Tu comprends ? C’est bien alors…
Là, il a regardé sa montre, et il a pris un air très ennuyé, comme si on lui avait demandé de se mettre en slip dans une rue centrale. Il a conclu ce qu’il avait commencé à dire, avec le plus profond dédain pour sa montre et la plus grande compassion pour moi.
-Je vais devoir te laisser à présent, mon ami, mais j’espère bien te revoir. Que tu retiennes notre discussion jusqu’à ta mort, ça me rendrait plus qu’heureux… Même si je vais mourir avant toi. Ha ha !
-Hein ?
-Eh ! T’inquiètes, JE !
‘Tu verras, un jour, tu comprendras complètement le sens de notre conversation.’ Il a finit en riant sur cette phrase, puis il s’est levé, a posé un billet de dix sur la table, m’a remercié avant de sortir en vitesse du lieu, et de s’évanouir dans les rues. Tout du long, il riait. Et voilà, depuis, je refusais d’en parler à qui que ce soit, comme tu le sais.”
“Pourquoi ?”
“Parce que je n’ai jamais eu d’ami, tiens ! Aucun, sauf toi. Et j’ai pris beaucoup de temps à te faire confiance.”
“Ah… J’ai bobo à mon égo…Je t’ai toujours considéré comme un ami, moi…” Moi, narrateur, j’avais vraiment mal. JE pouvait vraiment être violent, quand même.
” Tu t’en remettras, va, petit enfant sensible !” Il était sarcastique, le fumier ! Aaah, pauvre de moi !
Enfin, oui, je m’en remettrais sûrement. Ce soir-là, on discuta énormément. Du sort de cet homme, de pâtes, du sens de cette conversation, la pizza carnivore et tant d’autres sujets.
La soirée passa comme un coup de tonnerre, et on avait fini par faire nuit blanche. Le soleil se leva sur les visages groggy de nos congénères, tandis que nous parlions de manière enjouée. Et quand on s’est séparés vers dix heures, nous l’étions toujours autant.
Eh, monsieur Aldo Granfort, que devenez-vous ?
JE et moi, on discutait de vous à l’instant, vous imaginez ? Mais, qu’importe ses recherches, il ne vous a jamais retrouvé.
Où que vous soyez, j’espère que vous allez franchement bien. Que vous n’êtes pas encore mort.
Que vous êtes sur une île paradisiaque en Polynésie, avec votre mojito au citron vert dans une main, et un livre dans l’autre, tandis que de jolies Tahitiennes dansent comme les poupées de leur contrée, qu’on voit des fois dans les voitures de nos parents.
Que votre famille est en bonne santé, avec vous, et que tous s’amusent dans la joie et la bonne humeur.
Vous avez marqué directement la vie de l’antisocial JE, et indirectement la mienne. A jamais, nous nous souviendrons de vous.
‘Regardes, petit collégien. Les limites sont faites pour être franchies.’
Oui. Et maintenant que nous sommes enfin devenus adultes, nous comprenons cette phrase. Les limites sont en effet faites pour être franchies.
Merci, monsieur Granfort pour cette leçon de vie.
Mille fois merci….
Fourmillant, déroutant, on ne sait pas trop où on va et on a envie de relire pour comprendre le sens de tout cela. C’est un texte riche et prenant, même si je n’ai pas tout compris
@ccccccccccccc bbbbbbb
N’hésitez pas à souligner ce que vous ne comprenez pas. (Fautes de syntaxes, phrases incohérentes, …)
J’ai pas réussi à trouver toutes les aiguilles dans la botte de foin du texte
( même que je me suis coincé plein de folle-avoine dans les gants, raaah ça fait maaal ! ???? ), donc en vrai, ouais, foncez s’il y a des choses à dire. ツ
Bonne soirée, camarade !
Je rejoins Christophe, je ne suis pas sûre d’avoir tout compris, mais j’ai tout même aimer.
Je pense que je relirai aussi plusieurs fois, même si je pense que la finalité est une leçon de vie, forte intéressante,
personnellement, je me perds un peu dans les dialogue, de JE.
ça envoie on peut le dire, je pense que je lis a allure rapide, car vous avez écrit a allure rapide, alors je dois freiner et faire marche arrière pour comprendre.
Je me laisse porter par la rapidité d’écriture, ce n’est que mon impression!=)
Mon incompréhension n’a rien à voir avec le style ou quelque faute de syntaxe comme vous le dites. Ce n’était en rien un reproche, au contraire. Un écrit peut intriguer par sa complexité, c’est plutôt le lecteur (que je suis) qui se sent impuissant.
Ah, me voilà rassuré ! Merci pour les remarques, ça fait toujours plaisir !
Continu! et a bientôt, au plaisir de te lire!