Le déjeuner avec sa mère est terminé depuis un moment. Saskia roule en direction de la maison de son ex pour y déposer Layka avec un sourire béat placardé sur le visage. Elle redoutait de parler Vicenzo et leur début de rapprochement à son alter ego, sa complice et sa confidente de toujours. Il faut dire que la dernière relation amoureuse de la jeune avocate n’a pas été un franc succès. Elle lui a laissé des séquelles dans son cœur et son âme et la PDG a dû ramasser la jolie rousse, à la petite cuillère. Sans le soutien de Katarina, Saskia n’aurait sans doute jamais pu se relever ni même aller de l’avant. Brian a été son premier amour et elle l’aimait éperdument. À un tel point qu’elle fermait les yeux vis-à-vis de ses infidélités à répétition. Elle pensait avoir trouvé l’homme et l’amour de sa vie. Elle l’aurait fait n’importe quoi pour préserver son conte de fées et garder son Prince charmant. Qui s’est révélé être un crapaud, intéressé au fil des années.
À ce jour avec du recul et un travail acharné pour en être là, où elle en est Saskia réalise qu’elle n’aurait jamais pu être heureuse avec Brian. Surtout qu’en celui-ci dénigre sa mère pour se justifier. Certes, sa mère à des secrets et elle ne sait rien de son passé. Tout comme elle n’ignore en rien, les tentatives de meurtres à répétition, à son égard. Mais de là, à sous-entendre que c’est une criminelle et qu’elle est dangereuse pour autrui il y a des limites. L’avocate a une confiance aveugle en sa matriarche. Peut-être a-t-elle tort ? Ou peut-être a-t-elle raison ? Elle l’ignore. Seul, le temps lui dira. Cependant, elle ne peut pas nier que les mots de Brian l’ont perturbé malgré elle.
Après plusieurs minutes de route, elle finit par arriver chez Brian. L’imposant portail en fer forgé de sa villa s’ouvre automatiquement et elle pénètre dans la propriété. La jeune avocate se gare devant la porte et descend de sa voiture. Elle va ouvrir la portière, côté passager pour que Lakya descendent et elle va sonner. Contre toute attente, c’est Brian qui lui ouvre.
— Je croyais que tu avais un déjeuner d’affaires ? s’étonne-t-elle.
— J’en avais un, mais il a été reporter à la dernière minute. Je t’en prie, entre ! l’invite-t-il de la main.
Saskia le toise un instant avant d’entrer, suivie de Lakya. Elle s’arrête dans l’entrée pendant que leur chienne fait la fête à son maître. Elle remue la queue et lui lèche le visage. Brian sourit et caresse sa chienne, la câline et la recouvre de baiser. Pendant que la jolie russe scrute en détail, la décoration de l’entrée pour éviter de s’attendrir devant la scène qui se passe derrière elle, mais aussi de regarder son ex qui est torse nu avec une serviette sur les épaules. Parce qu’elle ne va pas se mentir, Brian est toujours aussi beau et sexy. Il a toujours su entretenir son corps et le cultiver. En plus, il est blond au vert, grand, musclé et charismatique. Il a une peau hâlée, lumineuse et satinée. Les dents blanches et un sourire, à tomber.
— Tu veux boire quelque chose ? lui demande-t-il dans son dos.
L’avocate surprise, sursaute. Elle jette un œil à sa montre pour regarder l’heure.
— J’ai une plaidoirie dans deux heures et j’ai rendez-vous avec un client dans une heure. J’ai juste le temps pour un café.
— Un expresso, ça te convient ?
— Oui. Par contre si tu pouvais te mettre quelque chose sur le dos, ça m’arrangerait.
Il ne peut pas s’empêcher de sourire sous la remarque de son ex et il l’accompagne dans la cuisine en prenant son tee-shirt posé sur le dessus de son canapé et l’enfile en chemin. Il laisse Saskia s’installer au bar et il pose une cuillère et du sucre devant elle avant de prendre une tasse et une capsule pour la machine à café. Il la met dans l’emplacement prévu, appuie sur le bouton et le liquide noir et commence à se déverser dans le mug.
— Je suis désolé pour ce que je t’ai dit tout à l’heure s’excuse-t-il.
— À quel sujet ? Ton prétexte pour te justifier ? Ou les sous-entendus que tu as formulés, à propos de ma mère ?
— Ce ne sont pas tes sous-entendus, c’est la vérité. Tu ne connais pas ta mère Saskia.
— Parce que toi, oui ? Alors, que tu ne l’as vu que trois fois en trois ans de relation ?
— Ce n’est pas ce que j’ai dit. Simplement, je crois mon père. Il connaît ta mère depuis des années et cela, avant même qu’elle rencontre et épouse Ruslan Strauss.
— Vraiment ? Et il l’aurait rencontré où ? Puisque dans mes souvenirs, ils ressemblaient plus à des inconnus qu’à des veilles connaissance lorsqu’ils se sont vus la première fois.
— Tu m’as dit toi-même que tu ignorais tout du passé de ta mère lui rétorque-t-il en lui donnant son café.
— Ce n’est pas pour cette raison que je vais accepter de croire n’importe quoi ! Et surtout pas des mots sortant de la bouche de ton père.
— Je sais qu’il a été odieux avec toi et intransigeant, mais il faut le comprendre aussi. Ta mère est un danger pour tous ceux qui s’approchent d’elle, il n’y a qu’à lire la presse pour le savoir. Les tentatives de meurtre à son égard sont de plus en plus nombreuses et je suis même étonné que tu n’aies pas encore été pris pour cible.
— Depuis ma naissance, ma mère met tout en oeuvre pour me protéger et éviter ce genre de chose. Au cas où tu n’aurais pas remarqué, je ne porte pas son nom de jeune-fille ni même son nom d’épouse. Les médias et le monde ne savent pas que je suis sa fille. Pour eux je suis juste une amie avec un air de ressemblance. Ma mère est loin d’être la femme sans pitié, glaciale imperturbable et imperméable aux émotions qu’on décrit dans les journaux.
— Elle est peut-être différente avec toi, je te l’accorde. Cependant, tant que tu ignoras son passé, tu ne verras pas le véritable visage de ta mère. Je pense que le jour où ça arrivera, tu tomberas des nues et la chute sera violente.
— J’en ai plus qu’assez de tes allégations Brian !, se fâche-t-elle en tapant des mains sur les bars et se levant d’un bond. Soit tu me dit ce que tu sais ou soit tu continues de te taire et je m’en vais !
Son ex-fiancé passe sa main dans ses cheveux, mal à l’aise devant l’ultimatum qu’elle vient de lui poser. Saskia le toise et attend sa réponse. Un silence lourd et pesant s’installe entre les deux ex-amant. Cela dure plusieurs minutes avant qu’il soit rompu par Brian.
— Je suis désolé Saskia, je …
— Parfait !
Elle récupère son sac et le met sur son épaule.
— À l’avenir ne lance pas une bombe, si tu ne l’assumes pas par la suite.
La jeune rousse s’agenouille et caresse une dernière fois sa chienne.
— Inutile de me raccompagner, je connais le chemin.
L’avocate lui jette un dernier regard et commence à quitter la cuisine pour rejoindre le couloir qui mène à la porte d’entrée.
— Sergeï !, lâche-t-il.
Saskia s’arrête et il continue.
— Renseigne-toi sur lui et tu auras des éléments de réponse. Cependant, fais attention à toi … Sortir des cadavres du placard ne sera pas sans conséquence.