Faculté de médecine,
11h30.
Je sors de l’amphithéâtre, suivi de près par Valentin. Depuis ce matin, je ne sais pas ce qu’il a, mais il fait une fixette sur Laure pour mon plus grand dam. Sa curiosité et son insistance commence à m’agacer. Je dois faire un effort – surhumain –pour garder mon sang-froid et ne pas l’envoyer sur les roses.Habituellement, il n’est pas aussi intrusif. Il sait que je suis taciturne et discret de nature. Et davantage, lorsque cela concerne ma vie privée. De plus, Laure est importante pour moi. Elle me connaît plus que moi-même. Elle a soigné mon cœur et mon âme de bien des façons en dix-huit mois. Que ce soit à travers sa plume ou nos échanges. J’ai énormément de respect pour elle et sa personnalité effacée. Humble, altruiste et authentique. Être le centre d’intérêt de notre conversation ne lui plairait pas. C’est la troisième raison pour laquelle, je reste silencieux et nem’épanche pas sur notre relation auprès de Valentin. Bien qu’il soit mon seul ami au sein de l’Université. Sauf qu’il ne semble pas décider a abandonné, tant qu’il n’aura pas obtenu de réponses.
—Alors, tu en es où avec Laure ?Vous vous êtes enfin décidé, à vous rencontrer en IRL ou pas ?
— Cela ne te regarde pas, je réponds.
— Tu as juste à me dire oui ou non,ce n’est pas si compliqué. Si ?
— Lâche-moi. Je n’ai rien à dire.
— Bon sang, mais ça dix-huit mois que tu parles avec elle ! Il serait peut-être temps de passer aux choses sérieuses. Tu ne crois pas ?
— Ce que je crois ou non, ne te concerne pas.
— Pourquoi tu es aussi buté quand ça la concerne ?
— Et toi, pour quelle raison tu es autant obsédé par Laure ce matin ? D’habitude, tu n’es pas aussi chiant.
— Parce qu’elle te fait du bien. Et j’ai envie de la connaître, tout simplement.
Exact. C’est pour cette raison que je la protège.
— Ne dis pas n’importe quoi, je n’ai pas changé. Je suis toujours le même, je rétorque.
Faux. Enfin, je crois…
— Vraiment ? Ta dernière conquête, elle remonte à quand ?
— Je ne sais pas, je n’ai pas compté.
— Je vais te le dire, elle remonte à un an et la fille s’appelait Sarah. Je le sais parce que je sortais avec une de ses copines à l’époque. Et tu as étais leur sujet de conversation, pendant toute une après-midi. Tu n’as pas touché ou même couché avec une femme depuis douze mois et t’ose me dire que tu n’as pas changé ?Toi, qui enchaînait les conquêtes sans lendemain avant de connaître Laure ? Tsss. Ne te fiches pas de moi, tu veux. Je suis même prêt à parier que votre relation est plus ambiguë qu’elle n’y paraît. Je me trompe ?
— Oui.Il n’y a rien entre…
À peine ai-je le temps de finir ma phrase que mon portable bip. Je m’arrête de marcher, le récupère dans ma poche et le déverrouille pour lire le message de Laure. Sauf que Valentin me le prend des mains par surprise.
— Rends-moi, mon téléphone tout de suite !, je lui intime.
— Deux minutes, me rétorque-t-il en pianotant sur mon portable.
— Qu’est-ce que tu fabriques ?
— Rien.
Ses doigts continuent de virevolter sur le clavier de mon écran encore quelques instants.
— Voilà. Tu as juste à attendre sa réponse maintenant, déclare-t-il en me rendant mon téléphone.
— Comment ça, sa réponse ? Qu’est-ce que tu as fait ?
— Désolé, mais je dois y aller. Charly m’attend. On se voit plus tard ? A plus et bonne chance !, me salue-t-il en me faisant un clin d’œil à la fin de sa phrase.
Bonne chance ? Qu’est-ce que cet abruti a encore fichu ?
D‘instinct, je vais dans ma messagerie et regarde le SMS de Laure que je n’ai pas pu lire. J’en prends connaissance avant de remarquer le texto qu’il a envoyé. En voyant le contenu, je tombe des nues. Ce crétin lui a proposé un rendez-vous IRL en tête à tête samedi après-midi, autour d’un café. Sois dans quatre jours sans me demander mon avis. Ni même savoir qu’elle n’habite pas à Paris et qu’elle ne connaît pas la capitale. Je vais le tuer .Sérieusement, ce n’est pas possible d’être aussi con. À cause de lui, je ne suis même pas certain que Laure me recontactera dans la journée. Cette demande a dû être trop brutale. Elle va se braquer, se renfermer sur elle-même et paniquer. D’un autre côté si j’annule en lui expliquant que l’invitation ne vient pas, je vais les choses. Voire la vexer. Je ne sais pas quoi faire ni comment je vais me sortir de cette situation. Laure est devenue vitale a mon quotidien, tant pour mon équilibre général que mental.
Elle chasse mes démons, me rend meilleur et m’empêche de sombrer. J’ai besoin d’elle et je ne veux pas la perdre, bien que je refuse de l’admettre et de le voir. Pourtant, Valentin a donné un argument incontestable en me rappelant que je n’avais pas fréquenté de femme depuis des mois. Alors, qu’auparavant je n’étais jamais seul très longtemps. Mon physique d’armoire a glace d’1m98 pour 94 kilos, entretenu par mes séances de musculation. Mes yeux verts,mon statut social et mon accent américain ont toujours séduit. Et conquit le cœur des femmes sans que je fournisse le moindre effort. Le plus étrange, c’est que ça ne manque pas. Je ne ressens pas le besoin de partager mon lit avec qui ce soit. La seule personne auquel je pense à longueur de journée, c’est Laure. Pourquoi ? Je l’ignore. Est-ce que je suis amoureux d’elle ? Non. Du moins, je ne pense pas. J’ai déjà aimé quelqu’un, mais ce que je ressens pour Laure est différent. Très différent, même. Sauf que je n’ai pas les mots pour l’exprimer.
Perdu dans mes pensées, j’entends la sonnerie de mon portable avec un temps de retard. Je décroche sans même regarder le prénom qui s’affiche.
— Oui ?
La voix de mon assistante, Judith se fait entendre. Je l’écoute avec attention et regarde ma montre avant de lui répondre.
— J’arrive dans vingt-minutes. Fais-les patienter.
Cela dit, je raccroche et quitte l’enceinte de l’Université pour rejoindre ma voiture sur le parking. Je monte dedans et prend la direction de mon bureau.