Deux jours plus tard,
14h00.
Assise dans un coin – plus ou moins – isolé du Champ de Mars en compagnie de Caroline, je fais des nœuds sur un brin d’herbe que j’ai arraché, perdue dans mes pensées. Je ne sais pas ce qui m’a pris d’accepter son invitation pour une journée découverte de Paris, avec une virée shopping incluse. Je déteste faire les boutiques et flâner en ville. Qui plus est dans celle de la Capitale, qui est immense et bondée. Tout comme j’ignore ce qui m’est passé par la tête lorsque j’ai accepté de rencontrer Aaron en IRL, samedi. Sois dans deux jours. Et pour ne rien arranger , les coups de mon frère sont en train de marquer mon corps petit à petit. Tous les matins, j’ai un nouvel hématome qui apparaît.
Déjà que pour mon coquard à l’œil droit, j’ai inventé un mensonge gros comme une maison à Caroline comme la piètre menteuse que je suis. Bien sûr, elle ne m’ a pas cru. Cependant, elle n’a pas cherché à en savoir plus. Sans doute parce qu’elle savait que je ne dirais rien. Même si, je pense qu’elle a dû comprendre que c’était lié a ma famille. À l’heure actuelle, il est toujours présent sous une couche de fond teint couleur sable avec celui que j’ai sur la mâchoire à gauche. Bien qu’ils soient moins étendus, je doute qu’ils aient disparus dans deux jours. Quand au reste de mon corps et mon nez, je n’en parle pas.
— Laure ?, m’appelle Caroline.
Ailleurs, je ne l’entends pas. Je suis obsédé par Aaron depuis deux jours et j’ai l’impression que notre relation est en train d’évoluer vers quelque chose de plus sérieux, au fil de nos conversations depuis cette invitation. Pour être honnête, cela m’effraie autant que ça m’euphorise. Même si, je ne comprend toujours pas ce qui m’a poussé à dire « oui ». Enfin si, Caroline avait commencé à me convaincre et les mots d’Aaron ont fait le reste. Du moins, je crois.
Depuis mes ex, Lucas et Marie, j’ai renoncé à l’amour. De peur qu’on abuse à nouveau de ma confiance et de finir avec le cœur en morceaux. Sauf qu’avec Aaron, j’ai l’impression que je pourrais lui confier – aveuglement – mon cœur, mon âme et ma vie, il en prendrait soin. Mais est-ce que je suis vraiment prête à les confier à nouveau à quelqu’un ? et retenter l’expérience ? Surtout, que je n’oublie pas notre différence de statut social ni mon physique peu avantageux et désirable.
Bientôt, Caroline vient claquer ses doigts devant mes yeux pour me ramener dans la réalité, ce qui me sort de mes songes.
— Oui, Caro ? Qu’est-ce qu’il y a ?, je l’interroge
— Je peux savoir, où tu étais partis ? Cela fait cinq minutes que je t’appelle.
— Nulle part, je réfléchissais.
— Oh… et je peux savoir à quoi ?
— Rien d’important. Ton collègue n’est pas encore arrivé ? , je change du sujet.
— Non, mais il ne devrait pas tarder. Tu es sûre que ça ne dérange pas qu’il déjeune avec nous ?
— Est-ce que j’ai vraiment le choix ?
— Mmmh… Non, pas vraiment, me répond-t-elle, souriante.
— Dans ce cas, ne me pose pas la question, je soupire.
— Allez, ne fais pas cette tête. C’est juste un déjeuner. Et puis, tu verras, il est sympa.
— Et c’est censé me rassurer et m’aider à me détendre ? je lui rétorque, désespéré.
— Si tu es comme ça lors de ton rendez-vous avec Aaron samedi, ça promet !
— Ne mêle pas, Aaron à ça tu veux ? Il n’a rien à voir là-dedans.
— Au contraire. Tu me semble différente depuis deux jours. Est-ce qu’il y aurait eu du changement entre vous ?
— Cela ne te regarde pas, je me défends.
Le visage de ma meilleure amie s’illumine, et je sens son interrogatoire venir à des kilomètres. Quand à moi, je n’ai aucune porte de sortie à l’horizon pour l’éviter. Elle est sur le point de me mitrailler de questions pour mon plus grand dam, lorsque deux hommes dès plus agréable à regarder se dirige vers nous. Soit un brun en costume-cravate et un blond en tenue décontracté. Caroline ne tarde pas à les remarquer.
— Tiens, voilà Ethan ! Quand au blond à coté, je ne sais pas qui sait.
Je remercie le bon Dieu pour cette apparition soudaine qui me sauve la mise. Même si ce n’est seulement pour une heure ou deux grand maximum, tout en angoissant pour la suite de ce déjeuner. Qui est passé de deux à trois et maintenant, à quatre. Je vais sans doute être l’animal de foire de ce pique-nique et l’idée ne m’enchante pas. Je voudrais être invisible. Disparaître et me retrouver chez moi avec ma chienne. Malheureusement, je ne peux pas.
Ethan et l’homme qui l’accompagne nous rejoignent et s’installe en face de nous. De mon côté, je détourne la tête, les joues rosit et me concentre sur l’herbe du Champs de Mars que je trouve absolument magnifique.
— Je suis désole pour le retard. J’ai dû allé chercher Valentin à la sortie de la faculté. Nous avions prévu de déjeuner ensemble avant que tu m’invites, s’excuse et nous explique Ethan, le collège de Caroline.
Malgré ma fascination soudaine pour la pelouse, j’observe du coin de l’œil avec discrétion les nouveaux venus. Ethan doit faire un bon 1m90 pour 86 kilos, facile. Il a les yeux noisette et il est plus carré et musclé que le blond qui l’accompagne. Il a une barbe soigné de quelques jours et niveau charisme, il en impose. Quand à sa voix, elle est plutôt envoûtante et grave sans trop l’être pour autant.
À côté, le dénommé Valentin semble être l’archétype de l’imbécile heureux socialement, au sourire indéfectible et à la chaleur humaine sans précèdent. Sois une personne qui pourrait me mettre facilement à l’aise sans trop en faire. Sur le plan vestimentaire, ils sont plutôt classe et ça se voit qu’il n’achète pas leurs fringues au Kiabi ou au Distri Center du coin. À coté d’eux avec mes vêtements amples – principalement, noirs – et mon col roulé pour cacher mes bleus. Alors que nous sommes en plein soleil, je dois vraiment passé pour une folle.
— Ce n’est pas grave. Laure et moi, nous n’avions pas commencé à manger, le rassure ma meilleure amie.
— Laure ?, s’étonne le blond.
Son regard se pose sur moi sans plus attendre et mes joues deviennent écarlate en un clin d’œil. J’ai l’impression d’être passé au rayon X avec insistance. Je me sens mal à l’aise et claustrophobe d’un coup.
— Tu as un blog ?, me questionne-t-il avec intérêt en souriant.
Sa question me déroute et j’approuve d’un hochement tête par instinct en l’évitant du regard.
— Ravi de te connaître, Laure ! Je m’appelle Valentin et j’ai beaucoup entendu de parler de toi ces derniers temps !, déclare-t-il avec un sourire chaleureux jusqu’aux oreilles.