À son duplex,
13h45.
Assis derrière mon ordinateur, je rédige les contrats passés cette semaine. En temps normal, c’est Judith qui s’en occupe, mais a l’approche de mon rendez-vous IRL avec Laure, j’ai eu besoin de m’occuper la tête. Cécilia a été moins présente dans mon esprit ces derniers jours. Pourquoi ? Je l’ignore. Sans doute parce que mon inconnue m’a obsédé pendant cinquante et une heures. Sois l’une des raisons pour laquelle je n’ai pas recontacté Laure avant ce matin. Ne pas avoir de ses nouvelles à finir par m’inquiéter. Qui plus est, elle a été la première à me contacter mardi après l’invitation de Valentin. Alors, je me suis dit que c’était la moindre des choses de lui rendre la pareille. Par chance, elle m’a répondu.
Notre échange de ce matin m’a rendu serein. C’est la première fois que je prends les devants avec une femme sans avoir envie de la mettre dans mon lit et que je suis attentionné envers elle. La seule avec qui j’ai été ainsi, c’était Cécilia. Cette prise de conscience de l’instant me confirme ce que je sais au fond de moi : je suis amoureux de Laure. Depuis combien de temps ? Je ne saurais pas le dire. Désormais, c’est une évidence et une réalité que je ne peux plus nier. Est-ce que je saurais à la hauteur de ce que je ressens ? Et avec Laure ? Je l’espère. Parce que je n’ai pas envie de la perdre. J’ai besoin d’elle, c’est ma bouffée d’oxygène et ma lumière.
Je bois une gorgée de mon café en étant concentré sur la rédaction de mes contrats avec mon téléphone à ma gauche. Je m’attends à me faire harceler de questions par Valentin et sa sœur d’un instant à l’autre pour savoir comment j’ai organisé ma rencontre avec Laure. Leur impatience et leur excitation vis-à-vis de ce rendez-vous sont aussi contagieuses qu’agaçantes. Depuis, jeudi soir, ils me harcèlent à ce propos et me bombardent de questions. Je n’en peux plus. L’un comme l’autre, ils me fatiguent, me désespèrent et me rendent fou. Bientôt, mon portable sonne et m’annonce la réception d’un nouveau message. Et comme je le présageais, le premier à ouvrir l’interrogatoire c’est Valentin.
« De Valentin à Aaron.
Bonjour,
Comment vas-tu ? »
« De Aaron à Valentin.
J’allais bien jusqu’à ce je reçoive ton message.
Rien qui te regarde.»
« De Valentin à Aaron.
Je m’inquiète pour toi et c’est comme ça
que tu me réponds ? Tu es méchant. »
« De Aaron à Valentin.
Et toi, tu es chiant. »
« De Valentin à Aaron.
Ce n’est pas vrai. Je suis un ami attentionné, c’est différent !
Et puis, j’ai vraiment envie que ce rendez-vous avec Laure soit une réussite.
Vous allez tellement bien ensemble ! et vous vous complétez.
Je suis certain que vous deux, ce sera pour la vie !. »
« Pour la vie » ? Je déteste cette expression. Cependant, il a raison en disant que Laure et moi, nous nous complétons. Elle m’apporte l’humanité qui me fait défaut et l’authenticité que j’ai toujours recherchée. Avec elle, tout me paraît plus simple et naturel. Elle chasse la noirceur de mon âme et de mon cœur et me donne l’impression d’être quelqu’un de meilleur et de libre. Cette sensation, je l’apprécie autant qu’elle. Elle m’offre bien plus qu’elle ne peut l’imaginer et je ne saurais pas la remercier pour cela. Je n’ai ressenti ça qu’une seule fois dans ma vie et c’était avec Cécilia, malgré sa maladie. Par contre, j’ignore ce que j’apporte à Laure en retour. Peut-être le découvrirais-je cette après-midi.
La sonnette de ma porte raisonne et je me lève pour aller ouvrir en espérant ne pas tomber sur Valentin. Cet imbécile heureux serait bien capable de venir jusque chez moi pour avoir des réponses. Par chance, ce n’est pas lui, mais un livreur.
— Monsieur Smith ?
— Oui.
— J’ai un colis pour vous, m’annonce-t-il en me le donnant.
Je le récupère et il me tend une tablette.
— Veuillez signer ici, s’il vous plaît, me demande t-il.
Je paraphe l’endroit qu’il m’indique.
— Merci. Bonne journée, monsieur.
Puis, il s’en va. Je referme ma porte et retourne dans le salon, mon colis en main. Intrigué, je décide de l’ouvrir. La première chose sur lequel je tombe c’est un mot.
« J’espère que tu ne l’as pas dans ta collection.
Laure. »
Laure ? C’est elle qui m’a envoyé ce présent ? Mais pourquoi ?
En quête de réponse, je met son mot de côté. Je prend le sachet en plastique bulle et récupère la boîte en écrin bleu roi à l’intérieur. De plus en plus interloqué, je me décide à l’ouvrir l’écrin et je tombe des nues. À l’intérieur se trouve, une montre a gousset ancienne de dix-huit carats avec calendrier, qui a appartenu au dernier successeur de la maison princière Lippe-Biesterfeld et crée par l’une des entreprises d’horlogerie suisse de haute qualité les plus réputés. J’ignore comment Laure s’est procuré un tel bijoux et comment elle l’a payé, mais ce qui est certain c’est qu’elle a dû dépenser une petite fortune pour l’avoir.
« De Aaron à Laure.
Merci pour la montre à gousset.
Elle est magnifique, mais tu n’aurais pas dû. »
Laure met plusieurs minutes à me répondre. D’un autre côté, elle doit être dans le train pour la gare Saint-Lazare à l’heure qu’il est.
« De Laure à Aaron.
Il n’y a pas de quoi. À vrai dire, je ne pensais pas que
tu la recevrais aujourd’hui. Normalement, la livraison était prévu
pour Lundi. »
« De Aaron à Laure.
Pourquoi Lundi ?. »
« De Laure à Aaron.
Pour te remercier.»
« De Aaron à Laure.
Me remercier ? Pour quelle raison ?. »
« De Laure à Aaron.
Pour tout ce que tu m’apportes
depuis dix-huit mois.»
« De Aaron à Laure.
La seule personne qui devrait être remercier pour
ce qu’elle apporte, c’est toi. Pas moi. »
« De Laure à Aaron.
Je ne partage pas ton avis. Tu ne le sais pas, mais
tu m’a sauvée de bien des façons à travers nos échanges et
pour ça, je n’aurais jamais assez de mots ou de présents pour
te remercier comme il se doit. »
Moi, je t’ai sauvé ? Mais comment ? Je n’arrive déjà pas à me sauver moi-même.
Pris de court par cet aveu, je ne sais pas quoi répondre. À mes yeux, une telle chose est impossible et surtout, inimaginable. Pourtant, je la connais suffisamment pour savoir qu’elle est honnête et sincère dans tout ce qu’elle dit et pense, autant que c’est une piètre menteuse. Elle a essayé plusieurs fois pour me cacher des choses graves ou non, mais je l’ai toujours percé à jour lorsque cela se produisait.