Un rêve nommé Russie. Partie 4

6 mins

Ce voyage en avion s’est déroulé au calme. Tant mieux car j’ai horreur des gosses qui s’affolent pour un oui pour un non sous le regard laxiste des parents. Au pire ils sourient bêtement devant leur progéniture, violant le repos des occupants. Ça m’était arrivé lors de mes escapades aux États-Unis notamment. Un couple de bourgeois avec ses quatre gosses. 8h de vol avec une marmaille qui avait dû avaler un petit déjeuner à base de piments rouges et d’amphétamines le tout avec du RedBull, imaginez ça deux secondes. J’étais pas loin du crime à 10.000 mètres ! D’ailleurs, j’en ai parlé à Lucy alors que nous survolions la Pologne. Elle souriait, s’imaginant sans doute le tableau. Peut-être même qu’elle essayait de me voir crispé alors qu’à ses côtés j’étais détendu. Les voyageurs se comportaient normalement et les enfants restaient sages. Pour moi c’est la base d’un vol sans encombre. Et, alors qu’on rejoignait l’hôtel et nos chambres, un amoncellement de nuages orageux menaçaient l’après-midi.

Je toque à sa porte. Je ne sais pas ce que j’ai fait de bien dans ma vie mais la chance me sourit puisqu’elle est mitoyenne à la mienne. J’attends un peu, j’entends l’eau couler dans sa salle de bains. Putain, j’aurai quand même pu prendre une douche avant de la voir. D’autant que la matinée n’a pas contribué à me préserver des effluves de transpiration. Tant pis j’ai déjà frappé deux fois, si je me tire maintenant je vais passer pour quoi ? Elle l’ouvre enfin, elle est en peignoir blanc crème de l’hôtel, les cheveux attachés, les pieds nus sur la moquette. Les quelques secondes de blanc au moment où elle ouvre la porte me donne certainement l’air nigaud alors je me lance.

— Tu allais prendre une douche ? dis-je d’un ton qui sonnait la fausse excuse. J’allais te proposer une cigarette mais ça va attendre. Je vais en faire autant, je dois pas sentir la rose.

Elle émet un petit rire compatissant en dodelinant la tête, comme si elle approuvait mon ressenti olfactif. Mais elle s’écarte de la porte.

— C’est pas grave, je me fais couler un bain. La pression n’est pas excellente alors j’ai le temps d’en griller une avec toi sur le balcon.

— T’as un balcon à ta chambre ? questionne-je en avançant dans le couloir aux lumières tamisées. Il se dégageait de sa chambre une senteur parfumée, je pourrai pas dire si c’est de l’encens ou les vaporisations d’un parfum à elle. En tout cas pas le même parfum qu’elle avait sur elle durant le vol, je l’aurai reconnu.

— Oui, pourquoi ? Tu n’en as pas ?

— Non ces salauds m’ont refilé une chambre grave moins luxueuse. T’as même un mini bar. Les russes et les bouteilles, hein…?

Je sourie bêtement devant mon allusion mais je n’ose pas aller plus loin. J’ai l’impression de la déranger alors qu’elle voulait prendre un bain et sans doute se prélasser pour détendre un corps crispé pendant le vol. Elle m’a dit ne pas avoir l’habitude alors elle doit avoir besoin de décompresser. Je lui tends une clope qu’elle accepte. Super, je n’aurai qu’à filer après l’avoir fumé sur le balcon. Les nuages se rapprochent.

— Comme on a quartier libre cet aprèm, tu aurais envie de faire quelque chose de particulier ? me demande-t-elle en prenant mon briquet dans ma main. Il y a tant de choses à faire et à voir à Moscou que chaque seconde est importante. Je n’ai pas vraiment envie de rester coincée dans ma chambre.

— Ça c’est clair, ça serait une perte de temps. Et puis c’est pas un orage qui va nous faire chier hein ?

— Si on visite un musée, on sera à l’abri.

— C’est pas faux.

J’allume ma clope et regarde au loin. La circulation est dense, je ne me sens pas dépaysé par rapport à Paname. En revanche, tout est plus espacé ici. Plus large. Vraiment à l’image du pays et sa superficie continentale. Les piétons semblent rares. Leurs démarches presque disciplinées. J’aperçois ici et là des patrouilles policières tenant fièrement leurs armes. J’avais lu des tas de rapports sur les russes avant de venir et notamment leur attitude. Ils ne rigolent pas avec le danger eux. Pas comme nous autres français qui avons tendance à n’en faire qu’à nos têtes tant que le danger ne nous concerne pas directement. Ici, tout semble sous contrôle. Et pas besoin d’avoir une milice au cul pour s’en assurer. Il flotte un soupçon de sécurité mais aussi de surveillance qui pourrait vite devenir menaçante ou oppressante. J’évite d’en faire part à Lucy qui a les yeux brillants de bonheur à l’idée d’être ici. Je m’en voudrais à mort de lui gâcher son plaisir.

— Tu sais quoi Lucy, on va visiter ce que tu veux, c’est toi qui décide. Je suis pas doué pour organiser ce genre de truc, moi. Et puis je t’emmènerai manger les fameuses glaces russes. Paraît que c’est juste mortel. Ça te va ?

Elle jette son mégot dans un petit pot faisant office de cendrier au cœur de la table du balcon et hoche la tête avec ce sourire si caractéristique de sa personnalité que j’apprends à découvrir. Le sourire de la fille qui mord la vie à pleine dents et qui est partante sur tout. Je ne sais pas ce que j’ai fait ou dit mais elle semble avoir confiance en moi. Ça me touche profondément parce qu’en général, les gens se méfient de moi. J’ai jamais compris pourquoi d’ailleurs parce que je suis pas un mauvais bougre. Bon OK j’ai parfois un phrasé ou une allure destroy mais merde je suis naturel au moins. Peut-être que c’est justement ce qui lui a plu chez moi et ce pourquoi elle m’accorde sa confiance.

— Ça me va parfaitement Maxime. On peut se retrouver dans le hall de l’hôtel dans une heure. J’ai hâte de me dégourdir les jambes avec toi et de goûter cette fameuse glace. Même si ça fait grossir, ajoute-t-elle en souriant dans sa main.

— De ce côté-là t’as pas à t’en faire, tu peux en manger sans crainte parce que tu as de la marge avant de te faire des cheveux blancs, rétorque-je sans réfléchir.

Merde je sais que c’est peut-être maladroit mais je parle à l’instinct et oui, cette fille est jolie et mince, elle n’a pas à flipper pour sa ligne. D’autant que Moscou est grand et que nos déplacements seront surtout à pied. Ouais, y a le fameux métro moscovite, réputé pour être le plus grand et le plus beau du monde mais tant qu’à faire autant rester à la surface et faire de belles photos.

— C’est gentil de dire ça. Tu sais, j’ai pas vraiment confiance en moi alors ça me rassure un peu.

Je ne lui réponds que par un sourire avant de jeter moi aussi mon mégot et de quitter sa chambre. Vite prendre une douche. Ça passe vite une heure et j’ai vraiment pas envie de la faire attendre comme ce matin dans l’avion.

Le retour à ma chambre me laisse un goût amer. Non pas que je jalouse sa chambre mais j’apprécie tellement sa compagnie, chaleureuse et calme, que j’ai l’impression que chaque minute compte des heures une fois seul. Je prends ma trousse de toilettes et déballe mes affaires dans la salle de bains. Au dehors, j’entends les premiers coups de semonce du tonnerre. Avec un peu de chance, l’orage va s’abattre durant l’heure de préparation et on pourra se balader sans pébroc. Allez je glisse sous la douche et prépare mes fringues pour notre sortie. Un jean noir, un tee-shirt à l’effigie du groupe Amon Amarth, ceinture, bottes et accessoires. J’ai la fâcheuse manie de zapper mon larfeuille alors cette fois je le fourre direct dans ma poche. J’ai 20 minutes d’avance alors je vais descendre et prendre un café dans le hall en attendant Lucy. Je suis sûr qu’elle n’est pas du genre en retard comme moi. J’ai tout envie de la découvrir que la ville. Pour moi ce voyage est double en fait. Alors que je déguste l’arabica sur un fauteuil club des plus confortables, je reçois un message du boulot. Ça me dit que j’ai reçu un exemplaire prioritaire et que je dois faire mon analyse écrite pour jeudi en 8. Oups ça va pas être possible. Je règle ça avec l’employeur avant qu’elle ne descende.

Je la vois arriver, dévoilée par l’ouverture des portes de l’ascenseur. Elle s’est joliment préparée pour sa première sortie. J’essaie de camoufler mon stress puisque je pourrai perdre un employeur rapidement, et pas n’importe lequel. Mon retour à Paris sera semé d’emmerdes puisque faudra négocier avec la fourrière pour récupérer ma bagnole. On est au premier jour et les nuages orageux de ma vie demeurent présents même à 4000 km. Mais rapidement, je souris, savourant le rayon de soleil que Lucy m’apporte par sa compagnie et nous quittons l’hôtel côte à côte.

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1 Commentaire
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Gaëlle Galindo
3 années il y a

Intéressant, interessant.. A moi la suite !

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