« Bon, je pense qu’il est temps. Je veux vous voir Mme L. »
Le jour où il prononça ses mots, je savais qu’on passerait un cap dangereux. Mais j’étais tellement excitée à l’idée de le voir. Après ces semaines de discussions à distance, je ressentais moi aussi l’envie et le besoin de le voir, de replonger mes yeux dans son regard envoûtant.
C’était digne des plus mauvais films à l’eau rose : on se donna rendez-vous à mi-chemin entre nos deux trajets, sur un parking isolé. Le cliché de la rencontre adultère.
J’arrivai au lieu défini. Je le vis, posé contre sa voiture, habillé avec un élégant costume de travail, qui m’attendait. Quand il croisa mon regard, son large sourire, qui hantait mes pensées depuis des mois, se dessina sur son visage. Impossible de ne pas le lui rendre. Je dois avouer que j’angoissais un peu. Allait-on être aussi bavards et complices qu’au téléphone ?
« -Bonjour Monsieur M., lui lançai-je toute souriante en lui tendant la main.
– Bonjour Madame L., me répondit-il en me rendant ma poignée de mains avant de me tirer contre lui. »
Je mourais d’envie qu’il agisse ainsi. Il m’enlaça et déposa délicatement un baiser sur ma joue. Je n’en attendais pas plus à ce moment-là. Ce geste révélait dors et déjà ce qui nous liait : une profonde tendresse et un immense respect.
On resta silencieux un moment, se regardant tout sourire. Il n’y avait pas de gêne, juste une tension troublante qui nous empêchait de parler immédiatement.
Je le trouvai tellement beau. C’était difficile d’ignorer le désir qu’il immisçait en moi. J’avais rarement dans ma vie ressenti ce genre de sensations. Je m’en rendais compte à ce moment-là. Et il est vrai qu’à aucun moment je ne pensais à mon conjoint. Je savais que c’était mal mais je voulais savoir où tout ça me mènerait.
On finit bien évidemment par discuter. Et très vite je me rendis compte que tout était aussi facile qu’au téléphone. Aucune gêne, on agissait tous les deux naturellement. Le temps passa à une vitesse incroyable et vint le moment de se dire au revoir. Il m’enlaça de nouveau et m’accompagna jusqu’à ma voiture. Il ferma ma portière et s’engagea en sens inverse. Je me préparai donc à partir. Mais il fit demi-tour, rouvrit ma portière et me lança « je n’ai pas envie de vous dire au revoir comme ça. ». Il m’embrassa de nouveau sur la joue, je ne pus alors m’empêcher de poser la main contre la sienne. Ses lèvres continuaient de parcourir mon visage. Je savais où il voulait en venir et j’avais clairement envie qu’il ne s’arrête pas. Il atteignit alors mes lèvres et on échangea notre premier baiser. Prenez-moi pour une folle trop romantique et niaise, mais ce baiser, je ne me lasse pas d’y repenser. C’était le genre de baiser qui signifiait quelque-chose. J’avais l’impression d’être embrassée pour la première fois. Est-ce anodin de se dire cela ?
On venait à peine de se quitter qu’il me téléphona. Chacun sur notre trajet on se lança dans un debriefing de notre première entrevue. Incroyable, c’était comme si j’avais au bout du fil l’une de mes amies à qui je racontais cette folle histoire. On était comme des gamins. J’entendais dans sa voix qu’il souriait. Et c’était pareil de mon côté.
Mais je devais rentrer chez moi et faire semblant. Ça commençait à devenir difficile. C’est là qu’on commence à culpabiliser réellement, parce que nos lèvres ont touché celles d’un autre, parce qu’une réelle complicité se créait avec un autre alors qu’elle n’a jamais existé avec la personne qui partage notre vie. Et quand on est lancé dans ce tourbillon infernal, il faut de la force et du courage pour en sortir. Mais je n’en étais pas capable. Il était d’accord avec moi, -on continue et on verra-.