Ariane
J’eus mes règles pour la première fois à l’âge de 12 ans. J’étais heureuse en voyant mon corps changer. Par contre, le regard de ma mère me donna des frissons. Le risque de tomber enceinte était sa peur. Alors, toute mon adolescence, elle fit en sorte que dans la famille je sois vue comme une pestiférée. Et puis un jour, elle décida que je devais me marier.
Elle me cassa les oreilles sans cesse avec « Tu es une femme et tu dois suivre nos traditions, je te trouverais un mari ! ». Avant d’épouser un homme dont je ne connaissais rien, je choisis celui que je voulais. Je n’avais laissé le choix à personne pour l’accepter. Il était grand, mignon et il savait parler : tout pour plaire de l’extérieur ! N’était-ce pas le plus important ? Un homme d’apparence parfaite qui m’avait abordé un soir dans la station de métro. Il paraissait timide donc cet individu, qu’on ne connaissait ni lui ni moi, se précipita pour me le présenter. Probablement le diable déguisé en agneau. Je tombai sous son charme et il m’éblouissait avec sa lumière. À 20 ans, j’étais encore naïve mais je croyais avoir gagner le jackpot. On parlait de tout sans honte, et j’adorais sa philosophie de vie. Enfin c’était ce que je croyais…
Il avait su m’apprivoiser, petit à petit, dans son monde. Il avait ce dont de prononcer les bons mots pour m’appâter et je fus crédule de tout gober.
Lorsqu’il leva la main pour la première fois, sur moi, je lui pardonnai parce que j’étais déjà dans ses filets. Il le savait, malheureusement pour moi. Pourtant, au bout de la énième fois, je portai plainte mais il arrivait à me faire sentir coupable…
On ne se rend pas à la police quand on aime, on règle les soucis entre-nous, j’ai été éduqué comme ça. Cela fait parti des traditions de rester silencieuse pour protéger sa famille. Il est devenu ma seule raison de vivre quand j’ai jeté mon dévolu sur lui. Alors à coup de poing, de claque, de pied, j’ai supporté car malgré tout il s’excusait. J’ai teins mes cheveux selon la couleur que j’ai eu sur le visage ; du brun, du jaune, du mauve… sans m’en rendre compte je lui ai donné le pouvoir. Je m’en suis remise toujours à lui tout en cherchant secours auprès des autres. C’est paradoxal, me diriez-vous, mais demander la charité n’est pas dans mes habitudes. Et puis, quand la police ne fait pas grand chose car ce n’est pas la procédure, que pouvez-vous faire ?
J’appris ma grossesse par hasard. J’étais malade ce jour-là et pendant que l’homme de ma vie dépouillait le peu de sous qu’il me restait, ma fièvre montait et les vertiges se faisaient sentir. Je me rendais donc seule, par mes propres moyens, aux urgences et pendant qu’on me disait que je souffrais d’herpès génital, on m’annonça que j’étais enceinte. La bonne nouvelle ! Deux alternatives se présentaient à moi ; soit je le gardais mais je devais me débarrasser des encombrants, soit j’avortais et je restais avec l’ordure qui était collé à moi. Il y eut un autre être que j’aimais inconditionnellement bien avant de l’avoir vu. Il n’allait pas s’occuper du paraître, et n’allait jamais me faire plus de mal que ce qu’on m’en avait déjà fait.
J’ai opté pour la graine qui pousse dans mon ventre, sans hésitation. J’ai donc mis tout en œuvre, sans mots pour m’en aller loin de tout ce qui m’est nuisible.
On aimerait que la vie soit aussi facile à dire qu’à faire. J’ai été tranquille, le temps de son incarcération, mais il n’a pas prit longtemps à me retrouver. Il s’est délecté de sa trouvaille en m’écrivant cette lettre. Dans ses mots, il a utilisé ce qu’il peut pour bien me faire comprendre qu’il n’allait pas me lâcher d’aussitôt. J’en ai eu assez d’avoir peur, j’en ai eu marre de devoir me cacher, il fallait que je l’affronte. C’est ainsi que je me préparais à sa rencontre. Il était temps pour moi de passer à l’offensif…
Daphné
Je grandis avec cinq frères, tous aussi machistes les uns que les autres. Je m’étais mariée jeune, avec mon meilleur ami. Il pensait connaître tout de moi, mais je lui avais omis mon viol à l’âge de 14 ans. Il était sûr d’être le premier à avoir planter son drapeau dans mon sanctuaire. En même temps, je lui avais fait croire ce qu’il voulait bien savoir.
Il faut dire que dans mon entourage le sexe est tabou alors comment leur avouer qu’un gars de leurs connaissances a fait l’impensable. Parce que c’est inconcevable qu’une fille n’ait pas cherché ce qui lui est arrivé. J’ai gardé le silence sur cette situation qui m’appartient.
Dès mon adolescence, je travaillais dur et pendant que les miens pensaient que j’avais du courage à trimer après les cours, j’amassais mon argent pour me faire opérer discrètement. Le gynécologue ne comprenait pas mon envie de me faire recoudre, et je n’avais pas d’explication à lui donner. Il avait eu son argent, on était gagnant et ça la science n’avait plus son mot à dire. J’avais une confiance aveugle, j’étais une gamine et je ne voyais pas le mal que portait ce monde.
À mes dépens, j’ai appris que l’homme s’empare de ce qu’il convoite. Et il restera impuni tant que la société lui trouvera des excuses. J’ai cru en des rêves bien trop grand et il a suffit d’un malhonnête pour penser qu’on a rien sans rien.
Je connais la valeur de l’argent et de l’épuisement. Je me suis embarquée dans un domaine pour me réapproprier mon corps. L’argent est facile, j’ai tout ce que je n’ai jamais eu. Mais tout cela ne m’a pas combler, pour autant. Je ne veux pas donner mon cœur, et mon âme est déjà loin depuis qu’il m’a forcé à avoir un rapport sexuel. Dans la pénombre, je me cache sous le masque le plus utile pour obtenir mes souhaits les plus fous. Que je me fasse passer pour une poupée de cire est ce qu’il me reste pour survivre dans un monde devenue gris à mes yeux. Je loue mon corps pour qu’on ait pas accès à mon esprit, et cela me suffit. Jusqu’au moment où je suis tombé sur cette crapule.
Je ne le cherchais pas, je pensais que c’était derrière moi ce cauchemar. Mais quand l’opportunité se présenta, il ne fallait pas la louper. Je étais parti à Paris pour me faire de l’argent. C’était marrant, je m’étais bien amusé et en revenant à Bruxelles, on termina notre beuverie avant de rentrer et il était là. Mes émotions étaient sans dessus dessous, je l’observai de loin à s’amuser avec ses amis et j’imaginais comment l’aborder. De la haine traversait mon cœur, alors je pris les devants sans penser aux conséquences. Heureusement pour moi, cette pelle était posé sur ce banc, ce soir-là. Il ne m’en fallait pas plus…
Nanna
J’étais la petite fille obéissante, celle qui ne posait pas de problème. Tout le monde acclamait ma docilité, une soumission totale pour le plaisir des autres. Je ne supportais plus l’atmosphère qui planait dans mon entourage ; on adulait une personne qui n’en valait pas la peine au fond. Elle avait décidée que j’étais son exutoire dès ma naissance. Et pendant que les autres filles apprenaient de leurs mères la beauté, qu’on devait mettre en avant, la mienne faisait tout pour que toutes les reproches soient sur mon dos. C’était de ma faute si je laissais mes poils pousser, ma faute si, au lieu de cacher ma féminité, je grandissais tout simplement. Je m’impliquais dans mes études, mon seul échappatoire, ma seule manière de me libérer un moment, de mon fardeau. Je subissais juste pour qu’on me foute la paix. Enfin, c’était ce que je croyais jusqu’au jour, où elle eu trouvé son élu. C’était le sien car je n’avais pas mon mot à dire. Il était beau à ses yeux, grand et avait un bon job. Peu importe si cela pouvait m’intéresser du moment qu’il lui plaisait. J’avais laissé faire, je suis pas une bombe et puis j’allais enfin me défaire du poids qui me servait de mère. J’étais plus toute jeune, à 25 ans c’était tard pour fonder une famille.
Je vécus avec lui 7 ans. Un homme qui m’adressait la parole quand il avait faim, et pour assouvir ses besoins. Tandis que certains parlaient d’un chaud lapin, pour moi, il était la perversité incarné. Je le laissai me prendre comme il voulait, où il voulait et quand il le voulait. Une imagination sans bornes. Lorsque notre fille aînée arriva, il commença par la dévisager, il ne voulait pas lui changer les couches, il me disait que c’était son intimité. Si j’avais su ce qui se cachait derrière cette phrase…
Les années passèrent auprès de ce monstre qui devint celui qui allait me changer pour de bon. Ma facilité à m’accommoder à ses envies, en silence, allait devenir son pire cauchemar.
Ma fille a eu sept ans et la vision de cet homme qui la scrutait tel un objet m’a dégoûté. J’ai compris par ses manières qu’il allait passé à l’acte. Sa propre chair, une innocente qui n’a rien demandé. En tant que mère, laisser l’abjecte se produire serait une traîtrise. Il ne m’a pas donner le choix que de faire ce que j’ai fait. Un trop plein de somnifères comme le trop plein que j’ai pu supporter toute ma vie…
Alvilda
J’aurai pu devenir une religieuse, une sœur mais je suis devenue ce que tous les croyants détestent ; une mécréante. C’est sûr que j’aurai pu me résigner à suivre un troupeau sans grande conviction et puis, est-ce que j’en ai vraiment, moi ?
Toutes mes questions ont toujours la même réponse ; « Dieu en l’a voulu ainsi ».
S’il n y avait que ça qui posait problème…
On voulait me marier de force à mes 19 ans. Je ne servais à rien dans la maison, j’étais juste celle qui encombrait au sein d’une famille rigide. Des esprits fermés ne veulent pas d’un mouton noir qui fout la merde.
J’ai donc fui ce qui me semble injuste. Pas bien loin, j’ai été dans la capitale de la tentation, où tout est permis. J’ai fait des choix regrettable mais ce sont les miens. J’ai pensé être tomber amoureuse de la seule personne qui est de mon avis et puis, il s’est avéré être la pire vermine qui puisse exister.
Il a fait la bonne affaire en étant de la même religion que moi. Il est né ici, en Belgique comme moi et je me suis dit qu’il ressent le poids de deux cultures, comme moi. J’ai eu tort car si les hommes ont compris une chose, c’est que tout est maniable. Ils ont profités des écrits pour tourner tout à leur avantage. J’ai enduré presque toute une vie les dires contradictoires de mon entourage et j’ai eu face à moi celui qui m’a répété que je suis sa femme et qu’en tant que telle, je lui dois tout. Comme si je suis sa brebis égaré qui la recueilli. Il n’a pas fallu longtemps pour qu’il m’engrosse, et il est devenu ma prison. Il a été bien content que j’attende ce petit et pourtant !
Il ne supportait pas les pleurs, il trouvait que je passais trop de temps avec notre bébé. Je ne lui accordais pas d’attention, c’était ce qu’il exprima lorsqu’on l’arrêta pour coups et blessures sur un enfant d’un mois et une semaine. Écrouer trois semaines, voilà la punition qu’on lui donna pour avoir mis un nourrisson en sang.
Alors, oui, j’ai procédé à ma propre justice pour celui qui est la prunelle de mes yeux. Il aime boire alors je l’ai laissé s’abreuver autant qu’il veut sa bouteille de vodka. Le fil à coudre c’est juste pour ne plus l’entendre parler de religion…
Captivant toutes ces personnalités !
Merci @Gaëlle Galindo je m’excuse pour les fautes.. quelques fois en prenant du recul et après en revenant sur mes textes je les vois et les corriges au fur et à mesure.
Aucun soucis sur ça je vois pas toutes les miennes. Je risque pas de voir les tiennes non plus. L’histoire me plaît beaucoup en tout cas !