L’automne venait tout juste de s’installer lorsqu’un gros orage s’était
déchainé sur nos têtes avec une brutalité foudroyante et une furie rageuse.
Soudainement, la mer s’emporta. Un vent violent se mit à pousser les vagues
ourlées d’écume qui déferlèrent avec fracas et une certaine audace sur
des rochers acérés et impuissants en les faisant voler en éclat tels d’anodins morceaux de verre.
Puis, le temps s’est soudainement éclairci. La cuvette grise remplie d’une horde de nuages sombres s’est miraculeusement métamorphosée en de belles couches de couleur d’un bleu éclatant.
Je décidais alors, d’aller faire une ballade au bord de la plage avec mon petit chien Ben.
Loin du tumulte de la ville, je retrouvais enfin un peu de sérénité ce qui me permettait d’être en accord avec moi-même afin de pouvoir me remémorer un passé chargé d’images dont je n’arrivais pas à m’affranchir.
Des souvenirs anciens que je ne pouvais plus contrôler. Un passé qui s’était perdu et qui m’immobilisait en m’empêchant de trouver le sommeil.
Parmi ces successions d’images, un moment fort que je ne parvenais pas à chasser. Un regard en arrière qui revenait fréquemment, me faisant si mal que j’aurais voulu qu’il ne soit pas vrai.
Ces images qui sortaient de l’ombre pour prendre la forme distincte d’un visage rempli de tristesse. Un visage empreint de mélancolie ramenant des souvenirs de naguère qui revenaient comme une douce réminiscence et qui évoquait un passé qui sommeillait au plus profond de mon être.
Je le revois souvent ce visage dont je n’arrivais pas à me défaire. Ce regard perdu dans le vide et marqué par le chagrin, ses mains rugueuses et rêches refermant la porte de la maison familiale dans laquelle j’avais grandi et qui nous avait abrité durant tant d’années. Cette maison où j’avais tant ri et tant pleuré et que nous devions quitter à cet instant même sans aucun espoir de retour.
– On n’a pas le choix ! – s’était-il contenté de dire pour me consoler.
Ce jour-là, je laissais derrière moi, toute mon innocence et mes rêves refoulés.
Je me souviens qu’avant de partir, je m’étais retournée pour jeter un dernier regard vers le paysage de verdure auquel j’étais si attachée ainsi que toutes ces choses qui avaient marqué toute mon âme et qui étaient devenues rapidement les vestiges de mon passé dont j’en porterais à tout jamais de véritables stigmates.
Puis, sans un mot, cet homme qui portait en lui toutes les fondations paternelles, m’avait prise par la main et je m’étais éloignée en pleurant, à ses côtés, le cœur en miette.
Ces images que je n’arrivais pas à oublier me remplissait d’une grande désespérance.
Il est vrai que beaucoup de ces souvenirs cachés se réveillaient à nos mémoires dans le seul but de nous ramener à un espace-temps qu’on oubliait souvent délibérément. Des souvenirs qui nous portaient et nous transportaient de l’insouciance de notre enfance, aux rires et aux larmes de notre adolescence. Ces souvenirs là où s’enracinaient nos vies et qui nous enchantaient malgré tout, représentaient sans aucune équivoque et sans aucun doute, la clé d’un bonheur sauvegardé.
Je pensais souvent à mon père. Lui qui avait très tôt, connu l’exil au même titre que nos anciens voisins de notre quartier où s’était formé une dualité d’origines, arrivés des quatre coins de l’Europe, d’Afrique ou du Maghreb pour fuir la misère et la guerre.
Comment oublier leur même regard triste qu’ils affichaient lorsqu’ils parlaient de leur pays.
Leurs yeux remplis d’amertume et de peine ainsi que leurs sourires si fragiles quand ils évoquaient leur terre lointaine.
Un univers à l’ambiance mystique et coloré où l’on était bien avec un rien.
Des familles toujours présentes dans ma mémoire dont les noms ont été gravés
à l’encre indélébile pour que l’on ne puisse plus jamais s’oublier.