I
Ce matin là n’était pas différent des autres matins. Le temps n’était pas particulier, la température extérieure n’était pas plus agréable que désagréable. Dans le petit village de Rochemont, les habitants vaquaient à leurs activités quotidiennes. Les oiseaux chantaient leurs habituelles ritournelles, les chats couraient après les mêmes souris et les chiens aboyaient après les mêmes chevaux. Rien n’était plus normé que ce matin là, sauf peut-être dans la grande propriété des De Salig. Sorn, 19 printemps bien tassés, était levé depuis potron-minet et se battait avec le stress, l’appréhension et l’excitation. Ses yeux, lourd de fatigue, trahissaient son état physique. Il n’avait presque pas dormi de la nuit, le sommeil le fuyant comme les rats le navire. Ce jour était celui de son départ pour la grande ville où lui serait attribué l’épreuve qui ferait office de concours d’entrée en chevalerie ; épreuve qui pourrait faire de lui un chevalier. Cela faisait maintenant quatre ans que Sorn avait entamé la préparation pour cet examen. Les leçons d’escrime succédant à celles d’équitation, en passant par les leçons de savoir vivre, sans oublier bien évidemment, l’apprentissage du Code de l’Orde Chevaleresque, guide parmi les guides.
Dehors c’était la fin du printemps, la douce chaleur prenait ses quartiers d’été et pourtant dans la demeure régnait le froid. Des fenêtres fissurés fabriquaient des courant d’air plus que frais, et la lumière peinait à se faufiler à travers les volets constamment clos d’une grande partie des ouvertures. Le manoir familial avait subit les affres du temps, et son entretien laissait à désirer depuis que Madame de Salig avait délaissé le domicile conjugal ; ce que Monsieur de Salig n’avait jamais réussi à digérer. Il errait dans sa demeure, avalé par sa robe de chambre veloutée, vert passé et élimée sous les fesses. Il passait le plus clair de ses journées dans sa bibliothèque à lire et relire des ouvrages chevaleresques aux reliures abîmées. Il y a bien longtemps qu’il n’avait plus les moyens de s’en offrir de neufs. Monsieur avait perdu le goût des affaires et la fortune familiale était désormais réduite à peau de chagrin. Des ailes entières de la bâtisse avaient été abandonnées, seules quelques pièces demeuraient habitées. Les fonds autorisant la survie du domaine provenaient de la vente des trésors familiaux, et même de la pauvre mule qui n’avait rien demandé. Sorn rêvait depuis tout petit de devenir chevalier, pour voyager, se battre contre les forces occultes mais surtout pour se forger un nom, ou mieux encore une légende. Il désirait plus que tout entendre sa renommée déclamée par les bardes lors des banquets, ses aventures décrites sous tout les angles dans des chansons de gestes écrites par les plus grands, ou encore être honoré par de fastueuses réceptions lors de ses visites à des royaumes exotiques. Qui plus est cela permettrait de redorer un blason familial terni sur l’autel des amours abîmés. L’heure était pour l’instant à l’examen. Il espérait la grande aventure tout de suite. La renommée ne pouvait souffrir d’attendre.
Sorn pris son vieux sac et le major d’homme lui remit de quoi se sustenter sur la route : du pain, du fromage et quelques fruits. Il alla jusqu’à la bibliothèque, où il trouva son père, olfactivement repérable, assis sur un vieux fauteuil derrière une grande étagère, dans la partie la plus sombre de la pièce. Un thé froid sur une petite table attendait que lui soit porté un peu d’attention. Sorn interpella son père :
– Papa
Mais sans retour audible, Sorn dû insister :
– Papa ?!
– Ho, tu es là fils. Je ne t’avais pas entendu, pardonne-moi. Que veux-tu ?
– C’est aujourd’hui que je pars pour mon examen de chevalerie. Je viens te dire au revoir.
– Comment ça tu pars ?
– Je te l’ai répété cent fois papa. Je prends la direction de Port-Blanc pour mon examen de chevalerie.
– Oh oui, pardonne-moi. Cela m’était totalement sorti de la tête. Te sens-tu prêt ? Pour combien de temps pars-tu ?
– Je pense que je suis prêt, et je ne sais pas pour combien de temps je serais absent. Mais tout va bien se passer, je reviendrais dès que possible.
– Fais comme bon te semble, mais ne m’abandonne pas comme ta mère.
Sorn ne trouva rien à répondre. Il embrassa son père, et sorti de la bibliothèque. Malgré les paroles paternelles, le temps de partir était venu. Sans monture, c’est à pied qu’il prit la route pour Port-Blanc.
Après deux jours de marche sans grande surprise, Port-Blanc (situé en pleine terre plein nord-est) lui ouvrait ses portes. Ici, loin du village tout allait beaucoup plus vite. Tout le monde était pressé par de quelconques obligations. Sorn devait esquiver les deux-chevaux avec chauffeur, et s’excusait à chaque fois que quelqu’un lui rentrait dedans. Il ne venait ici que très rarement. Les grands bâtiments à colombages l’impressionnait toujours, et le mouvement perpétuel autour de lui le fascinait. Les rues criaient, la foule était effervescente. Sorn adorait cet ambiance où tout pouvait arriver d’un moment à un autre et il lui fallut un bon moment pour rejoindre la Salle Communale reconvertie en centre d’examen. C’est ici que les locaux se réunissaient pour toutes réunion d’ordre publique. Le bâtiment ne dégageait pas de charisme particulier, pragmatisme avait été le mot d’ordre lors de la construction. Malgré tout, la salle principale étaient somptueuse, malheureusement pour les candidats, c’est une petite salle annexe qui serait utilisée, la grande salle étant réservée par une secte secrète. Au dehors de la Salle, tout le monde attendait l’ouverture des portes. Certains campaient sur place depuis trois jours, bloquant partiellement la circulation. Il n’y avait pas loin d’une centaine de participants cette année, venant de tout le royaume. Depuis l’ouverture du concours à toutes les couches sociales, le nombre n’avait pas cessé d’augmenter. La salle de l’examen donnait sur la rue, et une nouvelle tension s’accapara de la foule qui piaffait devant la petite porte. Un homme armé d’un énorme trousseau de clés fît son apparition. Il s’affaira sur la serrure de la porte de la salle d’examen, dont la clenche finit par céder. Ce fût le déclic pour la foule qui poussa alors comme un seul homme, de manière unilatérale, pour s’engouffrer dans l’entrebâillement de la porte pas totalement ouverte. La mort par piétinement ayant été évitée de justesse pour le gardien des clés, les candidats poussaient toujours plus fort pour entrer dans la salle où tout le monde ne trouverait pas de place assise. Dans un tohu-bohu de chaises raclantes, de raclées données et de candidats contrariés, tout le monde avait fini par trouver sa place. La majorité se tenait debout, et chassait du regard la moindre place qui viendrait à se libérer. Sorn, après avoir joué des mains, s’était fait remettre à sa place, et avait adopté une station verticale. Cela faisait à peine cinq minutes que tout le monde était installé que dans le centre d’examen régnait un silence de mort. La salle débordait d’apprentis chevaliers anxieux et transpirant. Tous jaugeaient les autres, et tous s’interrogeaient sur l’épreuve des autres. Les convocations étaient pliées, dépliées, repliées, chiffonnées, écornées et parfois même un peu déchirées, le tout sans le moindre bruit et avec la plus grande des précautions. Alors que la pression commençait à faire transpirer les murs, un homme tout en chapeau presque pointu, du genre archétype magique, fît son entrée. Cette sage barbe tombée dans le patchouli, scruta la salle d’un œil exaspéré songeant qu’il serait grand temps d’imposer un numerus clausus. La barbe bougonna quelque chose pour elle même, puis elle se recoiffa. Le temps ralentissait dans la tête des examinés, tandis que l’examinant prenait plaisir à cette situation. Il se racla la gorge et ouvrit la bouche :
– Bonjour à tous. Je suis votre examinateur, Maître Archibald Consensus. Grand Sorcier du Grand Temple, Chevalier de la Croix, Maître de conférence en siège et gestion de conflit, et champion de jeu de l’oie. Selon les termes du règlement, je suis le seul habilité à m’occuper de votre cas. Si réclamation il y a, c’est vers moi que vous devez vous tournez, pour valider votre examen, personne d’autre que moi, pour toutes questions, moi. Vous avez donc compris, entre votre nouvelle vie et vous, il y n’y a que moi, et votre épreuve bien entendu. Je suis persuadé que la plupart d’entre vous s’imagine déjà en sujet de chansons. Je tiens à vous dire que rien est fait, car votre épreuve pourrait bien vous mener à la mort, et alors, chansons il n’y aura pas !
Dans la salle tout le monde se regardait médusé. Que l’épreuve ne soit pas une mince affaire était un fait établi, mais mourir…
– Vous comptez devenir chevalier ? Affronter Dame Faucheuse risque donc de faire partie de votre quotidien. Dans ce cas, autant s’y mettre tout de suite non ? Ceci étant dit, voici comment va se dérouler cette journée : mon assistant va vous appeler un par un et vous vous présenterez dans la pièce située derrière cette porte à ma droite. Je vous donnerai alors votre épreuve contre convocation. Vous n’avez absolument aucune question à me poser sur le déroulement de l’examen et encore moins moment sur le fait que ce soit un sorcier qui s’occupe d’un examen de chevalier. Tout le monde est d’accord avec cela bien entendu. Bien, je crois qu’il est grand temps de nous atteler à la tâche.
Maître Consensus n’était pas n’importe qui. Il fût, dans des temps aussi reculés que la longueur de sa barbe, un mage de guerre respecté par tout chevalier aux quatre coins du monde connu. Devenu un peu trop craquant pour ces fantaisies, l’Académie des Chevaliers l’avait recruté pour ses talents, notamment en gestion de conflit. Dans le bureau aménagé pour l’occasion, il attendait son premier apprenti qui ne se fît pas trop attendre, tandis que de l’autre côté de la porte, les candidats guettaient leur nom dans la bouche de l’assistant. Tour à tour, ils étaient appelés et tour à tour ils disparaissaient dans la petite salle pour ne pas en ressortir, comme mangé par la fatalité. La porte s’ouvrit, un nom fût convoqué :
-Goeffroy de Rougemont.
Une chaise racla le parquet, et un jeune homme bien sous toute apparence seulement pris la direction du purgatoire. Sorn se rongeait les sangs. Le temps s’égrénait au fil des candidats. L’éternité ne pouvait pas être plus longue. Plusieurs d’entres-eux eurent droit à leur tour avant que ne vinrent enfin les mots tant attendus :
– Sorn de Salig !
Précipitamment, Sorn se leva, un peu fébrile, et nerveux. Il suivit le zélé assistant qui lui ouvrit la porte vers le futur, ou vers l’enfer, c’est selon. Archibald Consensus, leva un œil et invita Sorn à entrer de la main.
Sorn fit trois pas vers le vieux guerrier. Ses paumes de mains étaient moites, et il avait comme une urgente envie d’aller là où il n’est pas possible d’aller à sa place :
– Cette chaise est ici pour être usée. Allons, ne lui faites pas outrage, indiqua le sorcier.
La pomme d’Adam de Sorn travailla dans sa gorge, et il déposa son postérieur sur la planche de bois polie.
– Convocation.
Il tendit sa convocation, tremblant d’excitation et de peur. Le sorcier attrapa avec une ferme délicatesse le document et lu :
– Sorn de Salig.
– C’est bien moi monsieur.
– Comment va votre père ?
– Vous le connaissez ?
– Non, mais tout le monde connaît son histoire. C’est bien triste d’en arriver là. Il était reconnu, et à présent il n’est plus. Je suis presque navré pour vous.
– Nous aurions aimé que cela se passe autrement, mais…
– Oui, oui, très bien, coupa Archibald, trêves de politesses. J’ai encore une bonne tripotée de candidats après vous. Mettons nous au travail. Donnez-moi votre main gauche.
Sorn s’essuya la main, s’approcha du bureau et l’offrit au sorcier. La main gauche du sorcier était posée sur un papier, il regarda Sorn et lui dit :
– Observez bien, vous ne verrez pas ça tout les jours.
Le papier se mit à luire très légèrement et Archibald ferma les yeux. Sorn sentit un faible picotement au niveau de toutes ses extrémités, et puis plus rien. Les prunelles de Ardchibald Consensus étaient de retour. Un sourire satisfait était né sur ses lèvres. Il ramena le document à lui, quelques mots étaient apparu au bas du document et il déclama :
– Quête de l’Orbe de Renaissance !
– Orbe de Renaissance ? La boule ronde magique dont ne sait pas si elle existe ? Qui serait un des plus puissant des artefacts magique connu ? Qui pourrait mettre le monde à mal si elle se trouvait entre de mauvaises mains ?
– Celle-là même !
Après s’être éclaircit la voie il continua :
Voici l’intitulé :
Quête de l’Orbe de Renaissance. Le Père, dictateur de l’Empire, cherche à récupérer cet artefact magique. En possession de cet objet, il serait à même de réveiller le Grand Dragon de Feu. Ce dernier se trouve sous la ville de Bastion, en royaume Noroît, et ne doit sous aucun prétexte être invoqué. J’imagine que vous comprenez aisément pourquoi. Quoi qu’il en soit, revenez avec l’Orbe ou ne revenez pas.
Le mage tendit l’épreuve papier à Sorn et lui annonça :
– Voici les indices auquel vous avez droit : la bibliothèque de Colver. Bonne chance !
L’examiné était surpris mais pas abattu. Il voulait devenir chevalier, alors il dégoterait cette boule où qu’elle soit. Sorn empoigna le bout de papier et l’enfonça dans sa besace sans y prêter attention, perdu dans ses rêveries solitaires. Pour lui, le temps de faire ses preuves était arrivé, et il avait un royaume à sauver, rien que ça. Il deviendrait le plus grand chevalier de tout les temps, des chansons de gestes seraient écrites à son propos, son portrait seraient placardées dans les chambres des jeunes filles en fleurs. Il serait, grand, beau, fort, riche et célèbre. Il allait enfin devenir le chevalier qu’il avait toujours rêvé d’être. Direction Éolia, puis Colver.
2 petites coquilles: la boule magique dont on ne sait pas si elle existe et pas sais
qui serait un des plus puissants… et pas dès
sinon j’adoooooooooooooooore !!!!!!!!!
Je vais suivre, c’est bien écrit. Au plaisir !