L’Orbe de Renaissance, Chp VI

13 mins

VI

À la taverne du Naughty Swan, les trois larrons avalaient leurs bières. Deux nains hideux aux pieds poilus chantaient et dansait debout sur une table voisine irritant tympans et caractères. Un vol de choppe salvateur vint finalement les interrompe au grand soulagement de tout un chacun. Sorn commençait à avoir l’éthylène joyeux. Les émotions de la journée l’avaient passablement épuisé. Il était passé une nouvelle fois à deux doigts de la mort, et sans l’intervention d’Ela, sa tête serait sans doute au fond d’un panier en osier. C’était la deuxième fois qu’elle lui sauvait la vie. Sa dette envers la jeune femme commençait à être rudement élevée. L’école de chevalerie lui avait toujours appris que la femme n’était rien d’autre qu’une personne en difficulté, proie favorite d‘un sorcier scélérat ou d’un roi maudit, coincée dans un donjon gardé par un dragon maléfique et endormie par un sortilège. Après tout ces éventements, il n’était plus sûr de rien. Il n’avait pas eu de modèle féminin à la maison, sa mère avait disparu alors qu’il n’était qu’un gamin fasciné par les insectes, et aucune femme n’était au service de son père. Une idée nouvelle jaillit en lui : « Et si les femmes n’était pas si faible que la doxa voulait bien le prétendre ? Si ça se trouve, elles sont même égales aux hommes ! » Son esprit flottait dans la bière, et ses nouvelles idées le rendait tout chiffon. Il se sentait trahit. Les principes enseignés par l’école de chevalerie commençaient à vaciller. Harold, qui avait sans doute moins bu que ses camarades, mit sur le tapis un sujet presque délaissé :
– Dites, avant que vous ne soyez trop fait ; il n’était pas question de faire des recherches à la Grande Bibliothèque ?, demanda t-il sa pipe à la bouche.
– C’est pas faux mon cher prêtre, lui répondit Ela. Mais on doit avoir quitté ces fans de palmipèdes avant la première heure demain matin. Est-ce que l’on doit envisager une effraction ?, demanda t-elle en faisant danser sa choppe.
– J’avais quasiment oublié ça avec tout les événements de la journée, se désola Sorn en regardant le fond de sa bière.
– Il doit bien y avoir un autre moyen de découvrir où se localise cette vilaine boule, non ? Harold, une idée ?, proposa Ela.
– J’en ai peut-être une en effet.
Le silence intervint, mais Ela le brisa avant qu’il ne prenne trop ses aises :
– Accouche ! Tu sais vraiment comment pénétrer la bibliothèque avec deux types à moitié ivres ?
– Il y a des chances que oui. Lorsque j’exerçais encore pour mon temple, je venais souvent ici pour étudier. Il se trouve qu’il y a une entrée du personnel. Elle n’est pas ouverte aux visiteurs normalement, mais avec le temps je me suis fait des connaissances et même des amis là-bas. La bibliothèque m’était ouverte à toute heure du jour et de la nuit. Il est fort probable qu’un de mes comparses y soit de garde.
– Qu’est-ce qu’on attend alors ?, lança Sorn en se levant brusquement.
– Je me le demande, dit Ela.
– Pourvu que je ne me trompe pas , pria Harold.

La rue était encore un peu agitée, il était possible de croiser, entre deux danseurs de gigue dépressive (Colver, ville austère), des mendiants que les autorités poussaient dans les recoins les plus sombres ou encore des hommes à la moustache bien taillée qui emmenaient des dames bien taillées, elles aussi, au spectacle ou dîner chez quelques mondains pour assister à quelques comédies humaines sérieuses, mais aussi deux ou trois moines qui n’auraient pas dû se trouver là. Les bâtiments, sous couvert de lanternes à chandelles, prenaient de l’ampleur et dominaient le passant. La ville austère ne l’était pas moins dans sa version nocturne. Pour rejoindre la bibliothèque, il fallait sortir un peu de la ville. Elle avait été bâtie à l’entrée de Verte-la-Forêt, au milieu des premiers arbres, afin d’être éloigné de la folie urbaine. Cet endroit était sans aucun doute le lieu le plus accueillant de Colver, même si à cette heure là, l’ambiance était tout à fait colveroise. L’atmosphère sonore, et le manque de lumière oppressait le voyageur de passage. La bibliothèque était une bâtisse imposante, de plusieurs étages, surplombée par une tour centrale. Sorn leva sa lampe pour mieux cerner la construction de granite, mais il ne pût distinguer qu’une vague silhouette qui se détachait sur la toile céleste. Harold dirigeait encore une fois les opérations. Sans hésitation il se dirigea vers l’arrière du bâtiment. Une porte éclairée par une lanterne annonçait l’entrée. Harold frappa à la porte une imitation d’un air à la mode, et un regard apparut à travers un judas grinçant :
– Qui va là ?
– L’encyclopédie du con, n’hésita pas Harold.
Après un instant, la paire de pupilles s’illumina :
– Harold, c’est toi ?
– Moi même ! La porte tourna sur ses pivots, et une paire de bras bourrus attrapa la paire d’épaules osseuses.
– Vieux brigand ! Ça faisait longtemps que je ne n’avais pas entendu ce mot de passe. Tu sais tout de même que le Cercle de Invertueux c’est terminé ?
– Oui je suis au courant, dit Harold gêné et désignant les autres d’un petit hochement de tête.
– Oh, je n’avais pas conscience que nous n’étions pas seul, pardonne moi.
Harold sentit l’œil inquisiteur d’Ela sur sa nuque. Il dû déglutir pour se débarrasser de cette sensation.
– Peut-on en savoir un peu plus sur ce “cercle” Harold ?
L’intéressé éluda la question en prétextant y répondre plus tard. Bien que la faible lueur de la torche atténuait les traits faciaux, il était possible de lire l’embarras sur le visage du prêtre.
– Oublions ça, s’excusa le veilleur, et dites moi tout.
Sorn s’expliqua : le concours, l’Orbe, les Premiers, etc. Le veilleur de nuit hochait la tête pour signifier qu’il comprenait. Au fond de lui, il trouvait que son interlocuteur parlait un peu trop.
– Malheureusement, j’ai bien peur que ce genre d’information ne fasse partie des dossiers sensibles. Malgré toute notre amitié, je risque ma place ici si ça se sait. Il faut que vous reveniez demain, que vous réserviez un créneau horaire, et que vous attendiez que votre demande soit acceptée. Ensuite vous devrez confirmer votre venue, et il vous sera confirmé que l’on a bien reçu votre confirmation. Seulement à ce moment là alors vous aurez accès à cette partie de la bibliothèque.
– Tu ne pourrais pas nous faire une faveur ?
– Non, navré.
– Même pas pour moi ?
– Même avec les Premiers aux basques ?, renchérit Ela.
– Même, répondit le veilleur.
– Bon viens avec moi, j’ai quelque chose à te proposer.
Harold entoura les épaules de son ancien complice avec son bras, et l’entraîna à l’écart :
– Voilà ce que je propose, tu nous laisses l’accès et je t’offre ce sachet d’herbe cultivé dans les royaumes du sud.
– L’offre est tentante, mais je me dois de refuser.
– Il n’y aurait pas quelque chose qui te ferait changer d’avis ?
– Non, rien.
– Rien du tout, du tout ?
– Attend, laisse moi réfléchir. Peut-être… Oui ! Voilà qui me plairait beaucoup !
– Je suis tout ouïe.
– Je veux le nu de cette déesse exotique que tu gardes toujours dans ta besace.
– Hors de question ! J’y tiens comme à la prunelle de mes yeux, cracha Harold.
– Dans ce cas je crains ne rien pouvoir faire pour toi.
Harold fît volte-face, et se dirigea vers la sortie. Il intima tout le monde de le suivre, mais le monde fît du surplace. Ela s’enquit des négociations, et Harold bougonna plus qu’il ne formula de réponse. Le gardien attendait, excité à l’hypothétique idée de récupérer l’œuvre érotique. Sorn s’informa auprès du veilleur :
– Qu’est-ce qu’il vous à proposé ?
– Rien, c’est moi qui lui ait fait une proposition. Décente en plus !
– Et qu’est-ce c’est ?
– C’est entre lui et moi, feula Harold
– … , réagit le monde.
– Harold, s’il te plaît, donne lui ce qu’il veut, peut-importe ce que c’est. L’Orbe est en jeu. Je ne tiens pas à prendre racine ici, gronda Ela
– Jamais !
La voix de Harold monta dans les aigus, Ela lui avait attrapé une patte de cheveux et la tirait vers d’incommensurables hauteurs.
– Maintenant tu vas donner au monsieur ce qu’il veut, d’accord ?!
– Jamais !, insista Harold en proie à la douleur.
Ela tira un peu plus fort.
– J’ai pas bien entendu ?!
– Très bien, très bien. Mais par pitié, lâche-moi !
– Tu vas lui donner ?
– Oui !, éructa le prêtre.
Ela relâcha la touffe capillaire, et Harold donna le portrait au gardien. Celui-ci n’en revenait pas. Ce portrait avait hanté ses rêves des années durant, et désormais, il était sa propriété. Harold, lui, massait son cuir chevelu meurtri, mais ne se remettrait pas de cette perte avant un bon moment. En gardant le regard rivé sur son acquisition, le gardien pointa du doigt une direction, et donna les clés (qu’il demanda à récupérer une fois leurs affaires terminées).

La bibliothèque était d’un silence morbide, personne n’osait dire un mot, seul le bruit des pas battait le rythme. Les étagères, les salles défilaient. Les ombres se mouvaient, effrayantes et gigantesques sur les parois en bois des étagères formant des figures nettement déformées, fuyantes et feutrées. La porte de la tour carrée s’interposa, mais une clé anormalement grande leur offrit un laissez-passer. Depuis le début de leur périple, et comme dans le réseau de tunnels, Sorn avait l’étrange sensation d’être observé. Ses poils se hérissaient, et des frissons lui couraient le long de la colonne vertébrale. Ela le ressentait aussi. Elle cherchait du regard et des oreilles un indice qui confirmerait son pressentiment. Les quelques bières avalées ne l’aidaient sûrement pas dans sa tâche. Dans le silence de la marche, personne ne partagea ses émotions, et l’ascension de la tour débuta. D’après le gardien, les écrits concernant les mythes et légendes hostiles avaient résidence au cinquième et dernier étage. Ce dernier fût facilement atteint. Une autre clé ouvrit une autre porte sans plainte. Les recherches furent engagées à la lueur des lanternes. Des nuages de poussière dansaient au gré du scintillement des lampes à huile. Le bruit des livres fermés abruptement martelait le travail. Sorn ouvraient les livres frénétiquement, cherchant sans réelle méthode un indice sur l’Orbe. Une aiguille dans une botte de foin. Il avait l’impression de se noyer dans la masse d’informations à traiter. Les pages des livres s’égrainaient sous ses doigts, et Sorn commençait a perdre patience. Ela appela Sorn, qui la rejoignit aussi rapidement que faire se peut. Elle tendit un livre ouvert à Sorn. Des pages avaient été arrachées. Ela chuchota :
– Je crois que ces pages concernaient L’Orbe. Quelqu’un est passé avant nous.
– Les Premiers ?
– Peut-être, mais rien n’est moins sûr, ajouta Harold, qui les avait rejoint et tendait un autre ouvrage aux pages déchirées.
– Continuons les recherches quand même, lâcha Sorn, un peu dépité.
– Tu as raison, ils ont sans doute oublié quelque chose, appuya Harold.

Chacun reparti de son côté de la salle, et se remit à l’ouvrage. Sorn se sentait toujours épié. Une ombre étrangère se déplaçait en silence, profitant des ténèbres pour se dissimuler au yeux de tous. L’ombre prenait le temps d’observer ces visiteurs inattendus. Elle voulait être sûre qu’ils étaient une menace avant d’agir. Elle prit Sorn en filature, espérant entendre de quoi les confondre, mais il n’échangea pas un mot avec ses camarades. L’ombre commençait à perdre patience et s’agaçait de la lenteur de ce passage. Le jeune homme déposa sa lampe sur une étagère, et s’attaqua à un livre dont la couverture lui semblait prometteuse. Sans que l’apprenti-chevalier ne remarque quoi que ce soit, l’ombre se faufila derrière lui et lui déposa un couteau sous la gorge. Il n’avait pas eu le temps de réagir. Elle beugla :
– Chuuut, tout va bien se passer ! Qui êtes-vous? Parle !
D’accord, chuchota Sorn.
Excuse-moi ! Je suis un peu sourde, j’ai rien compris ! Parle plus fort !
Pas de problème !, dit Sorn en haussant véritablement le ton.
Voilà qui est mieux ! Dit moi ce que vous êtes venus fouiner ici ?
Je ne suis pas sûr que cela vous intéresse en fait.
Tu as un couteau sous la gorge je te rappelle.
Ho oui, c’est vrai. Je commence à avoir l’habitude alors j’ai tendance à oublier. Alors pour faire court, je suis à la recherche d’information sur l’Orbe de Renaissance. Est-ce que ça vous dit quelque chose ?, dit-il en semi-hurlant.
Je veux, oui ! Tu as des informations relatives à ce sujet ?
Peut-être bien.
Raconte-moi !
Si je vous raconte, je vais perdre la vie non ?
Plus ou moins, mais je ferais ça bien. Tu verras, sans douleur, propre.
Tout ce rafut avait alerté Harold. Il quitta son poste et cavala aussi vite que son corps de non-athlète le lui autorisait. Il surprit Sorn dans les bras de l’ombre. La respiration haletante, il se plia en deux pour reprendre son souffle. Il tendit la main vers Sorn, et essaya de parler mais rien ne sortit de sa bouche. Face à lui, et derrière Sorn, une personne masquée, sous capuche comme un méchant de livre romanesque. Son masque était tout noir et de forme triangulaire. Deux interstices pour les yeux, rien de plus.
Il a l’air d’en chier ton copain non ?, brailla l’attaquante.
C’est un prêtre, il ne faut pas lui en vouloir, répondit Sorn sur le même ton.
– Je vais très bien !, mentit le prêtre, le souffle court. Je manque juste un peu d’entraînement.
Qu’est-ce qu’il dit ?, demanda t-elle en agressant les tympans de Sorn.
Il dit qu’il ne sait pas courir !
Oh ! Je vois !
– Pourquoi est-ce qu’elle crie comme ça celle-là ?, questionna Harold.
Elle est dure de la feuille, répondit Sorn en criant malgré lui.
L’ombre confirma l’information, et Harold tenta d’apaiser la situation. L’inconnue demanda de nouveau des informations concernant l’Orbe. Ce qui lui importait, c’était de savoir ce qu’ils avaient appris, si toutefois ils avaient appris quelque chose. Alors qu’elle était persuadée d’être maître de la situation en gardant le blanc-bec sous son joug, un traitement identique lui fût administré. Ela, qu’elle avait complètement négligée, lui glissa sa lame sous la gorge telle une mise en abyme. Elle n’eût alors d’autre alternative que de lâcher Sorn et son arme. La guerrière fît arracher le masque et tomber la capuche de l’ombre par Sorn. Une chevelure blonde apparût.
– Joli minois, concéda Ela. Pour qui travailles-tu ?
Quoi ?, demanda t-elle.
Pour qui tu travailles ?, repris Sorn.
Tuez moi. C’est tout ce que vous aurez comme réponse, cria t-elle.
– Si tu insistes !
Avant que la dague d’Ela n’eût pût goûter à la chaire de la blonde, le volume trois de L’Ornithologie, ce passe-temps merveilleux et pourtant incompris. C’est dommage, les oiseaux c’est pourtant bien, par Charles d’Aylesbury, percuta avec passion la boîte crânienne de la combattante. Sous le choc d’une telle rencontre, elle percuta une étagère, et tomba au sol libérant la prisonnière. Sorn se précipita pour la relever, mais reçu une soufflante. Ela, qui frottait le point d’impact, ne comprenait pas pourquoi Sorn ne s’était pas lancé à la poursuite des deux individus. Il balbutia quelque chose sur les femmes en détresse et le code, mais s’arrêta devant l’expression de colère de la guerrière. Tout en vociférant, elle écrasa le masque qui gisait au sol et se lança elle-même à leur poursuite et Sorn lui emboîta le pas. Harold, lui resta en retrait, promettant de les rejoindre. Alors qu’ils couraient au milieu des rayonnages, le second individu leur fît face torche à la main. La leur des flammes dansaient sur son masque. Sorn et Ela s’arrêtèrent, comprenant instinctivement la teneur du danger.
– Ne fait pas ça !, supplia Sorn qui pensait aux livres et aux indices que certains d’entre eux dissimulaient encore.
L’ombre numéro deux ne répondit pas. Il leva la torche à hauteur de visage. Le même masque recouvrait ses traits, dommage car il fît son plus beau rictus. Sans coup férir, il apposa a flamme contre un mur de livres qui, après quelques secondes d’indécision, s’embrasa, et disparu. Ela et Sorn se regardèrent :
– Harold !
Ils firent tout les deux demi-tour pour se lancer à la recherche du prêtre qui était resté en arrière. Il était retourné à ses livres, courir après les ennemis n’était pas pour lui. Ela le débusqua, et l’attrapa par l’épaule lui intimant de bouger pour éviter une carbonisation précoce. Le feu, lui, se réveillait tranquillement, grignotant les étagères les une après les autres. Il goûtait à la culture, et se délectait de toutes ces nouveautés universelles. Sorn hurla à qui l’entendrait de sortir, et tous ensemble ils dévalèrent les marches de la tour quatre à quatre. Arrivés en bas, la porte était fermée. Harold fît jouer la clé dans la serrure, le mécanisme fonctionnait correctement, mais le mur de bois résistait à toute tentative. Impossible de l’ouvrir, quelque chose bloquait de l’autre côté. Ils étaient pris au piège. Le feu se découvrait bibliophile, et dévorait tout les livres. Il crépitait de joie, et se trémoussait devant tout cette abondance de bois et de papier sec. Un vrai festin ! En bas de la tour les âmes perdues entendaient les bruits de la ripaille de ce Gargantua chaleureux, et n’en étaient pas moins inquiètes. La porte n’obéissait toujours pas, et le feu devenait de plus en plus euphorique. Il boulottait l’escalier, s’éparpillant de haut en bas, ne sachant plus où donner de la tête. Depuis l’extérieur, la tour ressemblait à une immense torche. Le brasier avait fait son chemin jusqu’aux combles, réduisant à néant la charpente. Sorn ne voyait pas d’un très bon œil cette ruée gourmande. Il avait beau regarder dans tout les coins, aucune solution. Il grimpa pour chercher une issue dans les étages, mais les fenêtres du permier et seconds étages étaient protégées par des barreaux. Dépité, il retourna auprès des autres. Ela frappait la porte à grand renfort de petite épée, refusant de céder sans se battre. Harold s’était allumé une pipe, un peu plus de fumée ne dérangerait personne. Le feu, lui descendait doucement, et réchauffait l’atmosphère. Ela s’en prit au prêtre fumeur :
– Tu pourrais pas nous aider, au lieu de fumer ta pipe ?! On va crever si on ne se bouge pas !
Sorn tournait en rond, inspirant et expirant le plus fort possible tout en se répétant de ne pas paniquer.
– Sorn est le héros, on ne devrait donc pas mourir ici. répliqua Harold
– Le seul moyen que l’on s’en sorte ce serait que quelqu’un nous ouvre la porte. Il n’y a qu’à prier pour que l’on nous vienne en aide !, déplora Sorn.
– En voilà une excellente idée !, remarqua Harold qui se mit aussitôt à prier, espérant être entendu.
Ela grogna plus fort d’exaspération lorsqu’elle le vit fermer les yeux, tirant tranquillement sur sa pipe. Dans la forêt, quelqu’un se mit en action. Le feu descendait soyeusement, et la chaleur se montrait de plus en plus associable. Tout le monde transpirait à grosses gouttes, la cuisson allait être à l’étouffée. C’est alors que la poignée gigota. Quelqu’un s’affairait de l’autre côté de le porte, un bruit sourd résonna, puis la porte vira de bord, et œuvra pour le bien commun. La tête d’Umuss popa dans l’encadrement de la porte, pour le plus grand bonheur de tous. Il les invita à sortir avec déférence. Sans lui rendre la politesse, le trio se précipita hors du piège. Ils coururent jusqu’à la sortie. Le veilleur était étendu par terre, assommé par la fatalité. Le feu continuait à se gaver de tout ce qui lui tombait sous la main. Harold évacua ce qui fût son ami, et profita de son inconscience pour récupérer le portrait. Ils étaient dehors à présent. À l’écart, ils admiraient leur œuvre. Umuss lui était tout excité, par le shot d’adrénaline reçu pendant l’action :
– C’était génial ! C‘est toujours comme ça avec vous ?
Pas de réponse. L’incendie se propageait au dehors de la tour et grignotait le reste de la bibliothèque.

Dans les ténèbres forestières, les deux ombres ne quittaient pas des yeux ceux qui furent leurs opposants dans cette bibliothèque. Ils ne pouvaient pas les laisser s’envoler vers une destination inconnue. Ils représentaient un danger trop grand pour leur entreprise. Ela émit l’idée qu’il ne falait sans doute pas s’attarder dans le coin, et Umuss leur proposa de disparaître dans une charrette laissée là pour être volée. Sorn se demanda si un chevalier passait vraiment autant de temps à voler et tout en baissant la tête, grimpa dans la carriole qui s’enfonça dans la nuit.
– Je crois que tout nos indices se sont volatilisé, soupira Sorn. Il va falloir que je trouve un autre moyen d’obtenir des informations sur l’Orbe.
– J’en ai peut-être un, déclara fièrement Harold.
De sa besace il sortit un vieux livre. La reliure en cuir était épaisse et craquelée. Un dessin étrange entouré de mots dans une langue inconnue paradait sur la première de couverture. Sorn s’empara du vieil objet. Harold lui demanda d’y faire extrêmement attention. L’apprenti-chevalier l’ouvrit, mais la réalité le rattrapa : il faisait noir et il n’y voyait goutte. Harold expliqua que la langue utilisé dans ce grimoire était très ancienne, très laide et qu’il lui faudrait un peu de temps pour la lire : du Semi-Plenus. Du temps serait nécessaire, un abris aussi. Ela proposa un chalet, refuge de montagne peu fréquenté dans lequel ils pourraient tous être en sécurité. La chaîne de la Grande Pointe était localisée à quelques jours. Un accord général fût prononcé, et le véhicule se mit en branle. Tapis non loin, les ombres ne comptaient pas laisser ces importuns fuir aussi simplement. Alors que l’Ombre Blonde allait se mettre à crier, l’Ombre Deux l’en empêcha :
– Je sais. Nous devons les suivre ; ne perdons pas de temps.
Eux aussi se mirent alors en mouvement. En ville, le tocsin sonnait de toute son âme pour obliger la populace à se lever. Les premiers secours s’organisaient, mais il leur fallait du temps pour rejoindre la bibliothèque. Des barriques d’eau étaient hissées sur des charrettes et tandis que d’autres carrioles pleines de fumier s’élançaient en direction de l’incendie. Il leur fallut toute la nuit pour apaiser le brasier. Cet incendie restera connu comme étant le plus grave jamais connu des siècles durant.

C’était le début de l’automne, le soleil grillait encore les peaux les plus fragiles, et ne pas s’hydrater était une mauvaise idée. Les premiers signes de la lente mise en sommeil d’une majorité d’espèces florales étaient présentement visibles. La nuit était elle aussi plus présente et plus froide. Harold ronchonnait chaque jour plus fort. L’automne s’annonçait agréable et coloré. La compagnie continuait son bonhomme de chemin.
– Au fait Umuss ?, interpella Ela.
– Je t’écoute ?
– Pourquoi est-ce que tu es toujours avec nous ? Je veux dire tu nous as sauvé la vie, et c’est très bien, mais ta dette est payée. Tu as le droit de partir.
– Bin, pour tout dire je suis monté dans la carriole, et puis voilà. Maintenant, je crois que je vais rester. Ça à l’air vachement bien ce que vous faite !
– Et en quoi peux-tu nous être utile ?
– En rien, pourquoi ?
– Comme ça, juste pour vérifier ! Bienvenue parmi nous j’imagine.
– Oh merci, je ne vous décevrais pas !
Ela soupira, la route reprit ses droits.

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