Le commissaire divisionnaire Dolent, stature de rugbyman, costume bien coupé et cravate flamboyante parait à l’étroit dans son bureau. Son nom ne reflète pas du tout ni sa carrure athlétique ni son caractère. Il a mené sa carrière tambour battant et certains pensent qu’il finira sa carrière à un haut poste à responsabilité à la préfecture de police de Paris.
__ « Paris, pas pour moi » pense le commissaire Lavisse. « Un week end ou une semaine de vacances, pas plus. Trop de monde, trop de bruit, trop de bousculade. »
__ « Alors Lavisse, ce noyé du canal, ça avance ?
__ « Hélas non monsieur le divisionnaire. »
__ « Bilan provisoire ? »
__ « D’abord un appel téléphonique anonyme qui nous informe d’une voiture tombée dans le canal. Une voiture bricolée sûrement volée avec des fausses plaques. Mais quel est l’intérêt de mettre des fausses plaques sur une voiture volée ? Ensuite le noyé : il a d’abord été assommé avec une brique puis mis dans la voiture. On l’a d’abord identifié comme étant Robert Lavigne mais ses empreintes ne correspondent pas. Ce sont deux sosies. Ensuite nous avons retrouvé les papiers de Lavigne dans les poches du noyé. La piste Lavigne est la seule que je peux suivre pour le moment.
__ « Qu’est ce qu’il devient ? »
__ « Il a été condamné pour cambriolage et il est sorti de prison il y a trois ans. Depuis personne ne l’a revu dans la région ni ailleurs, disparu des écrans radar. »
__ « Recherchez ses anciens complices. »
__ « C’est un solitaire. J’irai plutôt chercher du coté des receleurs. »
__ « Solitaire mais pas futé. Bien Lavisse, vous avez tous les éléments en mains. Bouclez moi cette affaire rapidement. »
D’un ample mouvement du bras, il consulte sa montre :
__ « Bon, faut que j’y aille sinon je vais être en retard chez le préfet ».
__ « Au revoir monsieur le divisionnaire. »
Monsieur Gérard Lafalaise, octogénaire, reçoit le commissaire Lavisse dans son pavillon à l’écart du centre ville.
__ « Rien de grave monsieur le commissaire ? »
__ « Non, non, rassurez vous, juste quelques questions de routine. Vous êtes bien le propriétaire d’une Citroën Xantia ? »
__ « Oui »
__ « On ne vous l’a pas volé ? »
__ « Non, elle est dans le garage, pourquoi ? »
__ « Parce que ce matin nous avons repêché une voiture dans le canal avec des fausses plaques qui correspondent aux vôtres. On ne vous a pas volé vos plaques récemment ?
__ « Non, non, j’en suis sûr. »
__ « Bon, fausse piste, le faussaire à fait les numéros au hasard et c’est tombé sur vous, pas de chance, je vous rassure vous êtes hors de cause. »
__ « J’aurai préféré gagner à la loterie. »
__ « Oui, bien sûr, mais dites moi monsieur Lafalaise, vous conduisez ? »
__ « Non bien sûr je ne conduis plus, vous voyez bien, j’ai déjà du mal à marcher avec une canne, faut être raisonnable. Et puis à mon âge je suis plus près du fauteuil roulant que de la Cadillac. »
__ « Ah, vous avez gardé le sens de l’humour. Donc personne ne se sert de votre voiture ?
__ « Si, ma petite fille, quelquefois la semaine et le week end. »
__ « Bien monsieur Lafalaise, je vous dérange pas plus longtemps, au revoir. »
__ « Au revoir, monsieur le commissaire. »
__ « Dis Machin, toi qui est écossais, t’as pas un tuyau pour du bon whisky pas cher ? »
__ « Je suis français comme toi señor Raul Santamaria. »
__ « Yes mister Mac Machin Truk. »
__ « Mélange pas tout. »
__ « N’empêche que ton grand père vous a pas gâté. »
__ « Oui, mais ça a commencé avant avec mon arrière grand père. »
__ « Alors raconte, j’ai oublié un détail. »
__ « Mon arrière grand père comme la majorité des habitants du comté s’appelait Mac Intosh. Banal. Il a été le premier du comté à acheter un camion pour faire une entreprise de transport et c’est là qu’il a hérité de son surnom : Mac in truck, Mac dans le camion. Jusque là ça va, c’est à cause de mon grand père que c’est parti en vrille.
__ « Celui qui a fait le débarquement de Normandie ? »
__ « Oui, et après la guerre quand il est rentré en Ecosse, il s’est rappelé que malgré la guerre il avait passé des bons moments en France et qu’il y avait des bons souvenirs dont ma grand-mère. Il est retourné en France se sont mariés s’est installé et il a décidé de se faire naturaliser français. Et c’est là que ça s’est vraiment mal goupillé. Il devait être bourré quand il a rempli son dossier, et s’est déclaré sous le nom de Mac Intruck. Le gars de la préfecture devait être bourré aussi, a accepté le dossier et en plus a francisé Mac Intruck en Machin Truk. Et voila, dossier validé, signature, coup de tampon, bienvenue en France monsieur Machin Truk. »
__ « Ça n’a pas pu se modifier pour les générations suivantes ? »
__ « Non, à cause d’une tradition à la noix qui veut que le fils aîné porte le même nom que son père. A la naissance de mon père, le gars de l’état civil à tiqué, mon grand père à dit que c’était la tradition et il a soutenu mordicus (avec mauvaise foi) que Machin était un prénom comme Malcolm, Martin, Maël etcétéra, et comme il y avait un précédent officiel, on ne pouvait pas revenir dessus.
__ « Ouais, c’est pas ordinaire ton histoire, tu dois lui en vouloir à ton grand père. »
__ « Non non, pas du tout, c’était un grand père en or, un papy gâteau, toujours à inventer des histoires pour nous faire rire et c’est chez lui que j’ai passé mes plus belles vacances quand j’étais gamin. »
__ « Hé bien, tu es …. Tu le connais le gars qui arrive ? »
A suivre…