L’espace d’un instant où tout bascule 1ère partie 1 réactualisé 04/02

35 mins
    Ce texte est le premier que j’ai écrit. Il date de décembre 2013. A l’époque, je voulais m’essayer à un roman « autobiographique » pour lequel j’avais réuni de nombreux feuillets manuscrits, tout cela en supposant que je ne saurais sans doute pas imaginer une autre histoire que la mienne. Un jour pourtant, je me suis décidée à écrire un “roman” au travers d’un personnage qui de loin me ressemblait. J’ai pris, cette fois, mon ordinateur et je me suis « lâchée ». Les mots sont venus les uns derrière les autres, formant des phrases puis une histoire. J’inventais au fil des pages et la sensation fut extraordinaire. Je n’avais pas prévu que le matin en me levant, j’écrirais comme j’aurais pu lire, manger ou respirer, c’était très jouissif, je ne vois pas d’autre mot aussi fort qui puisse exprimer aussi bien ce que j’ai pu ressentir au cours des trois semaines qu’il m’a fallu pour le terminer.
    Dans ma tête, les idées se bousculaient, elles me réveillaient parfois la nuit avec cette envie de m’installer à mon bureau face à mon ordinateur. C’était une situation étonnante que je n’avais jamais ressentie auparavant dans tout ce que j’avais pu entreprendre de motivant au cours de toute ma vie. J’étais devenue accro, j’éprouvais un besoin insatiable, boulimique d’inventer et de donner vie à mes personnages.
    Bien entendu, c’est un premier roman, je suis bien consciente que ce livre a surgi de mon cœur, et a été écrit avec mes tripes, avec toutes les erreurs qu’une telle spontanéité peut engendrer, alors pardonnez-moi pour cela.
    Depuis je l’ai relu mille fois et fait lire aussi autour de moi pour tenter de corriger des fautes de syntaxe, d’orthographe, de présentation, de descriptions trop longues, de phrases trop lourdes. Des erreurs il en restent sans doute mais j’aime ce texte et j’aimerais savoir si la trame, l’intrigue ou le déroulement de mon l’histoire pouvaient susciter le moindre intérêt à vos yeux, je serais vraiment ravie de connaître vos avis, en tant que lecteur car n’est-ce pas le lecteur le plus important dans l’histoire. Ce n’est pas lui qui vous publie certes mais à quoi cela sert-il d’être édité si vous n’êtes pas lu.
    Alors merci pour vos messages.
Je poursuivrais mon texte s’il vous plait sinon je passerai au suivant puis à un autre … J’en ai quelques-uns dans ma besace !!!
 
L’espace d’un instant où tout bascule 1ère partie
    
        Mille questions se bousculaient par sa tête et aucune ne trouvait de réponse. Il était trois heures du matin et elle était réveillée comme en plein jour ou peut-être était-elle en train de rêver les yeux ouverts. Marie s’obligeait à fermer les yeux et à se relaxer. Elle allait enfin trouver le sommeil et le lendemain tout irait mieux. A bout de fatigue, elle s’assoupit enfin l’esprit calme mais cette détente ne dura pas longtemps.  
        Une jeune femme l’interpella en l’appelant par son prénom, puis en lui demandant ce qu’elle faisait.
       Marie n’en pouvait plus d’entendre sans cesse ces petites voix dans le peu de sommeil qu’elle avait, des conseils, des intimidations… Et pourtant lorsqu’elle réussissait à s’endormir, elle rêvait de vacances, de partir loin, de prendre le temps d’enfin s’occuper d’elle-même. Cette fois une personne s’adressait à elle plus distinctement que d’habitude, de façon familière comme si elles se connaissaient très bien. A bout de force, Marie décida de se lever et d’aller se préparer un thé. Malgré cela, la voix ne cessa pas, c’était une femme qui l’appelait sans discontinuer.
        Commencerait-elle à perdre la tête ? Elle devait certainement avoir quelque chose de grave pour se mettre dans de tels états. Le manque de sommeil devait la faire délirer ou bien rêvait-elle … La voix insistait tant et si bien que Marie se retourna pour vérifier que personne ne se trouvait dans sa chambre. Comment se pouvait-il que quelqu’un puisse s’y trouver, elle n’avait ouvert la porte à personne à moins que ce ne soit un cambrioleur, à tout prendre elle préférait se trouver face à un voleur. Elle constata qu’elle était désespérément seule dans son appartement, seule dans le grand lit qu’ils avaient acheté avec son époux peu avant son départ. Dieu qu’elle avait pleuré… Sans ses enfants où serait-elle aujourd’hui. Elle n’avait plus eu de goût à rien. Elle avait fini par se calfeutrer seule chez elle des jours durant, ne voyant âme qui vivent. C’était eux qui avaient pris les choses en main et lui avaient proposé de retourner s’installer dans le village où elle avait grandi. Avec sa meilleure amie, Maïlis, ils avaient organisé cette belle fête pour ses cinquante ans. Ce fut également elle qui lui avait trouvé son joli appartement à Carnon aux portes de Montpellier. Il est vrai que tout était beau là-bas, et Marie n’y avait que de bons souvenirs. Ceux que l’on n’oublie jamais, ceux qui vous ont forgés le caractère, ceux de votre adolescence où les amis ont plus d’importance que tout le reste. Ceux qui vous font croire que plus jamais vous ne quitterez l’endroit où vous avez grandi, joué, aimé, pleuré souvent beaucoup ri, vécu tout simplement. Ici elle devait l’avouer, elle avait réappris à vivre autrement, sans son époux. Elle s’était plongée dans le travail et avait repris l’activité qu’elle avait délaissée à la naissance de ses enfants. Désormais, elle avait une agence de conseils en immobilier, sa clientèle était locale et fidèle au fil du temps, elle s’était fait connaitre sans publicité, de bouche à oreilles par l’ensemble des personnes avec lesquelles elle avait collaboré et qui étaient satisfaites de ses prestations. L’année dernière elle avait même embauché une jeune femme pour la seconder qui n’avait d’ailleurs pas fait l’unanimité auprès de ses amis. Pourtant elle n’avait pas regretté d’avoir fait confiance à son instinct, Samantha s’était avérée particulièrement efficace et dynamique malgré son look peu conventionnel, elle passait très bien auprès de la clientèle.
        Une voix autoritaire la sortit de ses pensées, celle-là même qu’elle entendait régulièrement dans certains de ses rêves, toutefois à cet instant précis, elle ne rêvait pas :
– Marie, il te faut réagir mais pas de cette façon.
– De quelle façon ? avait-elle lancé tout aussi spontanément. Elle était en train de parler à quelqu’un d’imaginaire vraisemblablement. Aurait-elle des tendances schizophrènes ?
        Marie se surprit à répondre :
– Oui, qui êtes-vous ? Où êtes-vous ?
– Là, dans le salon, j’admire les photos de tes enfants.
        Passant de la cuisine au salon, Marie se trouva effectivement face à son interlocutrice :
– Comment êtes-vous entrée chez moi ? Je ne me rappelle pas vous avoir ouvert la porte… Nous nous connaissons ?
    Puis un dialogue s’instaura presque naturellement entre cette inconnue et Marie :
– Oui et non, je m’intéresse plus particulièrement à ce tu fais, dis ou pense, depuis ces dernières semaines.
– Où nous sommes-nous rencontrées ?
– Je ne sais plus exactement, nos chemins se sont croisés le jour où tu as décidé de vivre ta vie pour toi sans t’occuper des autres. Je ne peux pas te laisser faire ça et je dois te remettre dans le droit chemin.
    Tout à coup un homme d’une quarantaine d’années environ s’interposa. Sa voix lui était familière pourtant son visage ne lui disait rien. Comment s’était-il retrouvé dans son appartement lui aussi. Marie était dans un état de grand stress or elle ne voulait surtout pas qu’ils s’en aperçoivent. Tout avait une cause et un effet et très vite tout rentrerait dans l’ordre se disait-elle. Quand l’homme prit à son tour la parole, il s’adressa non pas à Marie mais à l’autre femme sur un ton ferme et rempli de reproches :
– Oh là !!! De quel droit voudrais-tu remettre Marie dans le droit chemin et comment sais-tu que la voie qu’elle se décide à prendre n’est pas la bonne ?
    Enfin quelqu’un qui défendait sa cause. Marie était ravie de confirmer son attitude et d’indiquer à cette femme qu’elle n’avait aucun droit de lui dicter sa conduite. L’homme surenchérit cette fois à l’intention de Marie tout en narguant visiblement l’autre femme. Il lui précisa qu’elle ne devait pas se laisser faire et qu’elle pouvait compter sur son soutien. Il jetait à cet instant sur Marie un regard qu’elle avait du mal à soutenir. Il avait des yeux d’un bleu profond qui semblaient lui dire « Ne t’inquiète pas, je suis à tes côtés, fonce ».
        Et elle avait envie de le croire or c’était sans compter sur son invitée surprise. Les voilà qui se mettaient à discourir tous les deux comme si elle n’était pas présente. Ils semblaient se connaitre mais pourquoi ne pouvait-elle pas à se remémorer leur nom.
        Au fil de leur échange, Marie apprit qu’elle s’appelait Sophie et lui Max. Elle avait beau chercher dans sa mémoire, elle n’arrivait pas à se souvenir d’un Max ou d’une Sophie qui lui soit si proche pour qu’il la tutoie. Elle fouillerait tout de même plus tard dans ses fiches et ses réseaux sociaux pour trouver qui ils étaient et d’où ils se connaissaient. Revenant vers eux, elle les entendit spéculer sur son avenir. Marie se décida à intervenir en leur demandant de cesser l’un comme l’autre de faire comme si elle n’était pas présente, leur précisant qu’ils n’avaient ni l’un ni l’autre à lui dicter ses actes, ses paroles ou ses pensées.
        Sa patience avait des limites et elle était en train de les atteindre. Heureusement quelqu’un sonna à l’interphone et elle en profita pour s’esquiver. C’était Jules, son fils. Elle aimait quand il venait à l’improviste la voir car ces derniers temps, il était plus préoccupé par sa petite-amie que par sa mère, normal mais un peu frustrant tout de même. Ils étaient si complices lorsqu’il était plus jeune. Ils partageaient mille choses et ils discutaient beaucoup de tout et de rien. Un fils pour une mère est un peu le centre de son monde même si elle aimait tous ses enfants avec le même amour. Un fils est un fils surtout étant le premier et l’unique garçon. Elle avait l’impression de l’avoir aidé à devenir l’adulte qu’il était aujourd’hui. Lui-même lui avait dit à maintes reprises. C’était sa fierté… Et c’était un peu à cause de lui qu’elle s’éloignait de tout et de tous. Disons, qu’elle ne se sentait plus autant indispensable qu’elle l’avait été à une époque, tant dans sa vie personnelle comme mère, femme, amie que dans sa vie professionnelle. Dès lors, elle avait eu envie de tout remettre en cause.
        Marie embrassa son fils et lui demanda comment il allait. D’un ton toujours égal à son humeur enjouée, Jules lui répondit :
– Bien Mamoune et toi ? Et sans attendre de réponse, il dit à sa mère qu’il devait se rendre le surlendemain à Brest pour trois jours. Il avait un rendez-vous, et il lui demandait si elle pouvait lui laver deux ou trois trucs.
        Voilà à quoi une maman en était réduite parfois, et évidemment, elle disait toujours oui, même si dans son for intérieur elle se demandait pourquoi sa petite-amie ne prenait pas tout ça en charge. Les nouveaux couples étaient étonnants. Ils partageaient tout et pourtant ils faisaient chacun de leur côté des choses séparément avec leurs amis respectifs. Elle avait l’impression de faire partie d’une autre génération, si différente. Elle n’aurait jamais pu à l’époque imaginer profiter de ses loisirs pour une soirée entre filles ou avec des amis sans proposer à l’amour de sa vie de se joindre à elle. C’était peut-être une autre époque.
        Marie confirma que tout serait prêt pour le lendemain. Heureux, il fila tout aussi rapidement qu’il était arrivé, expliquant qu’il était déjà très en retard. En retard, était le life motif de cette jeune génération qui vivait un peu comme Monsieur Lapin dans « Alice aux pays des merveilles », ils couraient toujours après le jour, les heures ou les minutes. Pourtant, ils savaient tout de même prendre le temps de s’amuser. Son fils le premier savait saisir toutes les occasions pour rire, faire la fête, tant et si bien qu’occasionnellement, il mettait un peu plus de temps que d’autres à faire ce qu’il avait à faire, prenant ici et là une année sabbatique. Le frère de Marie, Jérôme, lui avait dit un jour « Si j’avais su m’amuser autant que ton fils durant mes études, je les aurais certainement plus appréciées. Ton fils s’est fait durant toutes ces années scolaires des souvenirs extraordinaires qu’il n’est pas près d’oublier ».
        Marie n’avait pas pu l’embrasser qu’il était déjà parti. Elle avait parfois envie de pleurer tellement elle avait le cœur serré et puis elle le voyait si heureux que c’était tout ce qui importait à ses yeux. Heureusement, ses filles lui donnaient encore l’impression de servir à quelque chose. Pendant des années ou devrait-elle dire, dès qu’elle avait eu ses enfants et jusqu’à ces dernières années, son angoisse avait été de tomber malade ou de disparaître du jour au lendemain. Elle avait eu tellement l’impression d’être le centre de leur monde, qu’elle cauchemardait à l’idée que certaines circonstances indépendantes de sa volonté puissent l’obliger à les abandonner. Elle avait beaucoup prié pour qu’il ne lui arrive rien et que ses enfants ne se retrouvent jamais dans ce cas de figure. Sa démarche pouvait paraître très égoïste, en fait, elle ne l’était pas. Ses enfants seuls l’avaient préoccupée, leur bien-être, les aider à grandir jusqu’à ce qu’ils puissent un jour se débrouiller sans elle. Et puis, ce jour était arrivé plus vite que prévu. C’était autour de ses cinquante ans. Elle avait senti ses enfants suffisamment préservés si jamais quelque chose devait lui arriver. Elle en avait d’ailleurs parlé avec la plus jeune de ses filles, Margaux, qui avait été outrée qu’elle puisse avoir une telle pensée.
      Margaux horrifiée par une telle idée lui avait dit d’un air de reproche :
– Je ne veux même pas y penser, j’ai encore besoin de toi, tu es ma Mamoune d’amour.
        Marie avait regretté instantanément ses paroles et elle avait justifié sa réaction ainsi :
– Je sais chaton, mais on ne sait jamais, s’il devait m’arriver quelque chose, il faudra que tu avances et tu réussisses, ta réussite sera, pour moi, la mienne à travers toi.
         C’était à cette période que Marie avait commencé à se dire qu’elle pourrait enfin s’occuper d’elle-même, de son bien-être, de ses envies. Elle s’était mise à faire des projets de voyage, puis à réfléchir à cette nouvelle condition de femme seule, d’une cinquantaine d’années, encore assez jeune pour profiter de la vie. Non pas, qu’elle n’en ait pas profité jusqu’à ce jour, c’était différent. Elle voulait désormais s’occuper d’elle avant tout sans se soucier de qui que ce soit. Elle devait faire ce que son frère lui avait maintes fois répété « Préserve-toi sœurette et pense aussi à toi ». Il y a quelques années, elle l’avait envoyé aux pelotes, aujourd’hui elle comprenait mieux ce qu’il avait voulu dire et elle allait suivre ses conseils.
        Sophie rejoignit Marie et sortit de sa réserve pour affirmer qu’elle ne pouvait pas se désintéresser de ceux qui l’entouraient et qui comptaient sur elle. Max, toujours présent lui aussi, n’avait pas l’intention de laisser Sophie prendre le contrôle de la situation en soutenant le contraire :
– Et pourquoi ne pourrait-elle pas le faire ?
        Et les voilà, ces deux-là qui sortant de nulle part, reprenaient leur conversation là où elle en était restée. D’où sortaient-ils d’ailleurs ? Elle ne se souvenait pas de leur présence lors du passage de son fils.
– Tout à l’heure, tu étais la personne que tu as toujours été : sensible, attentionnée, gentille, douce, aimante, … avait dit Sophie.
        Max ne la laissa pas terminer sa phrase pour prendre la parole à son tour.
– Ça y est, les grands mots !!! Marie est toujours la même, si ce n’est qu’elle veut juste penser un peu à elle. Et elle en a le droit, le devoir même, avait-il ajouté.
        Décidément ce Max plaisait vraiment bien à Marie. Il prenait sa défense. Il était évident qu’elle avait le droit de penser enfin à elle et elle allait leur prouver sur le champ. Marie décrocha le combiné du téléphone et composa un numéro.
– Allo, bonjour, je suis intéressée par votre voyage en Scandinavie.
– ……….
– Oui, 12 jours cela me convient.
– ……….
– Le prochain départ a lieu jeudi prochain.
– ………
– Très bien, je souhaite une réservation.
– ………
– Vous reste-t-il d’autres places au cas où une personne pourrait m’accompagner ?
– ………
– Je vous envoie mon chèque d’acompte demain.
        Sophie fut horrifiée par ce quel venait d’entendre et renouvelait ses objections quant aux décisions que Marie était en train de prendre. Elle refusait de croire qu’elle pourrait partir ainsi sans se soucier si ses enfants n’avaient pas besoin d’elle. Marie restait sur ses positions et ne comptait pas céder. Alors Sophie mit en avant des arguments qui auraient dû faire mouche, affirmant que sa fille, Margaux allait avoir besoin d’elle dans les prochains jours. Elle s’apprêtait à passer des examens très importants et aurait besoin du soutien de sa maman. Sophie choisissait les mots qu’elle employait pour faire plier Marie. Néanmoins, Marie coupa court sans le laisser poursuivre plus avant ses incriminations. En tant que mère responsable, elle savait ce qu’elle avait à faire. Jamais elle n’avait été à l’encontre de ce qui était bon pour ses enfants. Elle prenait toujours le temps de discuter avec eux et sa fille serait tenue au courant de sa démarche. Marie savait en son for intérieur que sa fille irait dans son sens. Max resté silencieux jusqu’à présent, semblait très fier d’elle et continua à la soutenir :
– Vous vous êtes assez sacrifiée toutes ses années, vous devez désormais penser à vous, avait ajouté Max.
        Marie ne comprenait pas pourquoi elle discutait. Ils commençaient sérieusement à l’agacer tous les deux en s’immisçant dans ses pensées. Marie était tout à fait capable de prendre en charge des décisions qui ne regardaient qu’elle. Elle en avait prises tant, toutes ses vingt-cinq dernières années pour sa famille, qu’elle se sentait prête à en prendre encore pour elle-même sans mettre quiconque en danger. Alors qu’elle se retournait pour leur dire sa façon de penser, ils avaient disparu tous les deux. Assurément elle avait quelques difficultés à les comprendre, ils venaient se permettre de juger ses faits et gestes puis ils disparaissaient sans explications.
        Le reste de la journée se déroula comme d’habitude, elle occupait l’essentiel de ses journées à la gestion de son agence immobilière, ses rares heures de liberté étaient consacrées à sa passion pour la musique. Elle avait, fut un temps, créé une association artiste dont le but était d’aider quelques musiciens à promouvoir leur style. C’était enthousiasmant mais c’était devenu de plus en plus difficile, la conjoncture elle-même n’était pas facile. Les musiciens professionnels avaient tant de charges que souvent le prix de leur concert était trop excessif pour des petites communes qui se rabattaient sur des artistes locaux. La plupart d’entre eux étaient des amateurs, non qu’ils aient été moins bons, certains de ces artistes étaient mêmes quelquefois excellents, cependant leurs cachets étaient sans commune mesure avec des artistes déclarés en tant que tels. A la fin d’un concert, on leur remettait leur cachet, souvent en espèce, tout le monde était content et rien n’apparaissait auprès des administrations concernées. C’était une des raisons qui avait poussé Marie à consacrer une partie ses loisirs, et parfois un peu plus, à aider des artistes professionnels.
        Dans l’après-midi, comme souvent le week-end, elle mettait à jour son courrier et ce jour-là elle lava le linge de son fils puis le repassa. Marie sursauta en apercevant à nouveau ces deux interlocuteurs sortis de nulle part l’interpellant.
– Quelle maman formidable tu es et tu continueras d’être, était intervenue Sophie d’un ton admiratif.
– C’est tout à fait exact mais aujourd’hui elle a le droit de penser un peu à elle, sans pour autant ne plus être cette maman formidable qu’elle a toujours été , avait surenchéri Max tout sourire.
– Encore vous deux, vous m’agacez. J’aimerais avoir la paix chez moi. Je n’ai aucune envie d’être jugée ni par vous ni par personne d’autre d’ailleurs. Je ne sais même pas pourquoi je discute avec vous puisque de tous les façons vous n’existez pas. La fatigue doit ne faire délirer, il me faudra prendre rendez-vous chez le médecin pour faire un bilan si ces hallucinations perdurent. Marie avait parlé à haute et intelligible voix et fut surprise en constatant qu’elle parlait à nouveau toute seule. Sa conscience était en train de lui jouer des tours et elle devait prendre garde à ce que personne de son entourage ne la voit ainsi discuter dans le vide.
        Le téléphone sonna, c’était sa fille Margaux qui l’appelait. Elle lui raconta sa journée de cours et Marie lui parla de la sienne. Chaque soir Margaux prenait des nouvelles de sa mère dès lors qu’elle la savait seule. Chacun de ses coups de téléphone la remplissait de joie. Et même lorsque Margaux était occupée et qu’elle ne pouvait joindre sa maman, elle lui envoyait un petit sms : « coucou maman tout va bien je bosse je tapel 2min JTM ma Mamoune ». Chaque jour, elle remerciait le ciel de ce qu’elle avait, elle remerciait celui, si tant est qu’il y ait quelqu’un, de lui avoir permis de mettre au monde les trois enfants merveilleux qu’elle avait.
        Ce soir Margaux annonça à Marie que la semaine suivante, elle commençait ses concours blancs et de son côté, elle lui précisa qu’elle pourrait partir avec un groupe faire le tour de la Scandinavie sauf si elle avait besoin d’elle, elle pourrait reporter son voyage de quelques jours.
– Ne qu’inquiète pas maman, j’irai chez Suzanne ou elle viendra à la maison et puis je ne suis plus un bébé, je peux également me débrouiller toute seule. Tu m’appelles avant de partir, avait-elle proposé.
        Marie eut juste le temps de raccrocher le combiné que celle qui se disait son amie se mit à aboyer.
– Comment peux-tu être aussi égoïste ? Ne vois-tu pas qu’elle a besoin de toi or elle ne veut pas être une charge pour toi ….
– Fiche lui la paix, Marie a passé vingt-quatre ans à penser aux autres et à sa famille en particulier, cela suffit. Et puis ce n’est pas parce qu’elle va s’occuper un peu d’elle que la terre va s’arrêter de tourner et qu’elle ne va plus aimer ses enfants, avait ajouté le charmant Max.
     Marie trouvait Max vraiment sympathique et elle était agréablement surprise qu’il aille dans son sens. Elle n’avait pas l’impression d’être égoïste, juste un peu plus personnelle. Ses enfants étaient de jeunes adultes et il lui semblait qu’elle pouvait désormais s’occuper enfin un peu d’elle avant d’être trop vieille ou trop malade pour faire les choses avec plaisir. Quand elle pensait à son mari qui s’était sacrifié toute sa vie, enfin pas vraiment sacrifié, tout ce qu’il avait entrepris, il l’avait fait pour leur faire plaisir, cependant toutes ses actions le rendaient parfaitement heureux lui aussi. Et puis il n’avait pas eu l’occasion de profiter de sa retraite largement méritée. Une cochonnerie l’avait emporté si vite que personne, même pas Marie, n’avait pas pu prendre la mesure de ce qui était en train de se produire.
 – Ce qui s’est produit avec ton mari, ne doit pas te rendre méfiante sur l’avenir. Le ciel est toujours clément avec ceux qui sont bons et c’est ton cas. Ne faiblis pas et reste la mère attentionnée que tu as toujours était, avait surenchéri Sophie, très sure d’elle.
– Pourquoi mon mari n’était pas assez bon pour mériter de disparaître si jeune. Il nous a permis d’élever nos enfants et m’a offert une vie des plus agréable. N’est-ce pas suffisant ? avait répondu Marie sur le même ton.
– Les choses ne se déroulent pas toujours comme nous le voudrions…
– Qui nous ??? J’aimerais bien savoir au nom de qui vous prenez la parole tous les deux et puis je voudrais également savoir pourquoi nos chemins se croisent sans cesse ?
        Le temps de se retourner, ils avaient disparu. Marie commençait sérieusement à se demander si elle n’était pas en train de perdre le nord. Elle parlait toute seule, c’était évident. Comment des personnes pouvaient venir ainsi à tous moments dans son appartement ? Il fallait absolument qu’avant de partir en voyage, elle fasse un bilan de santé complet. Elle pourrait reporter sa petite virée en Scandinavie de dix ou quinze jours. De toutes les façons, elle n’était pas vraiment pressée et ainsi elle pourrait être présente la semaine suivante au cas où Margaux aurait besoin d’elle. Après ses propres examens, Marie aurait peut-être besoin du soutien de sa fille. Là encore, elle se rendait compte que quelque chose ne tournait pas rond. Par le passé, elle était toujours positive alors que là, elle voyait les choses en noires !!!
        Dans la foulée, elle décrocha le téléphone pour joindre le cabinet médical et prendre un rendez-vous avec son médecin. Elle pourrait également joindre son frère qui pourrait la soutenir si nécessaire. Il était inutile d’inquiéter prématurément les enfants. Elle pourrait lui proposer de l’accompagner en Scandinavie, souvent ils en avaient parlé de ce voyage.
– Allô, Jérôme, coucou c’est ta sœurette, comment vas-tu ?
– Pas mal et toi, tu es chez toi en ce moment, car je voulais venir te rendre une petite visite.
– ça tombe très bien, je t’appelais pour te proposer de venir me voir.
– le temps de préparer mon sac et de sauter dans ma voiture et j’arrive. Ça va, tu es sûre, tu as une drôle de voix.
– Oui, je suis juste un peu fatiguée en ce moment et je dois faire, la semaine prochaine, quelques examens et je ne voudrais pas être toute seule pour les résultats.
– Tu m’inquiètes, que se passe-t-il ?
– Viens et je te raconterai le reste quand on se verra. A priori, je dramatise les choses.
– Je suis là après-demain dans l’après-midi.
– Je suis impatience.
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        Marie n’avait pas reçu son frère depuis quelques temps or ils s’appelaient presque tous les jours. Surtout quand ils s’étaient retrouvés seuls tous les deux presque à la même période. Marie avait perdu son mari juste après que son frère ait perdu sa femme. Tandis qu’elle descendait dans le midi, il était parti s’installer chez leur mère, il avait eu du mal à continuer à vivre dans leur appartement. Marie adorait son frère, ils étaient très complices, pourtant il n’en n’avait pas toujours été ainsi. Enfants, ils n’avaient rien en commun. Bien qu’ils aient à peine deux ans d’écart, ils n’avaient pas eu les mêmes amis, pas les mêmes loisirs, tout juste les mêmes géniteurs … Puis après le divorce, ils avaient été en opposition sur plusieurs points et notamment leurs relations respectives vis-à-vis de leurs parents. Marie avait coupé les ponts avec son père, qu’elle ignorait pour ne pas dire haïr, tandis que Jérôme était tantôt chez l’un, tantôt chez l’autre. C’était à cette période où Jérôme tiraillé entre chacun d’eux avait commencé s’isoler. Ils avaient renoué des liens après le mariage de Marie et la naissance de son premier enfant, Jules. L’oncle prenait plaisir à venir dîner le samedi soir. Avec les années, ils s’étaient rapprochés de plus en plus, au point de passer de longues heures à parler ensemble de tout et de rien, à philosopher sur la vie. Marie lui racontait tous ses soucis quotidiens et il l’écoutait lui remontant le moral lorsqu’il était en berne, ce qui arrivait rarement à l’époque.
        Quand ils avaient déménagé, ce fut la fin des petits repas en famille et des longues balades en bord de Seine où ils refaisaient le monde. Marie ne regrettait pas son départ, elle était heureuse, mais parfois, souvent même, elle se sentait seule surtout dès lors où la plus jeune de ses filles avait pris un studio pour se rapprocher de son lycée. Marie avait essayé de prendre de nouvelles activités au sein d’une MJC pour tenter de mieux s’intégrer dans le village où elle vivait. Dans le sud de la France, la population locale n’ouvrait pas sa porte aussi facilement. Ils vivaient beaucoup en famille et se fréquentaient avec les amis d’enfance, tous passionnés pour les fêtes votives et les traditions taurines, ce qui n’était pas tout à fait du goût de Marie cependant elle faisait tout pour se fondre dans le paysage, sans grand succès. Bien que très appréciée pour son dynamisme et sa convivialité, elle connaissait presque tout le village quelques semaines après son emménagement, elle avait rarement été invitée à pénétrer les cercles familiaux.
  
        Heureusement, elle avait son travail. Son emploi du temps avait radicalement changé depuis son installation dans le sud, il lui arrivait de se retrouver, au détour d’une visite chez un client, en bord de mer. Elle n’hésitait pas à s’y arrêter quelques instants pour savourer ce qui s’offrait à ses yeux. Certes elle travaillait énormément depuis le jour où elle avait créé son agence, néanmoins elle se trouvait plutôt chanceuse, même si la vie n’avait pas été facile surtout après le décès de son époux. Elle avait su reconstruire un petit monde entouré de ses enfants et amis d’enfance dans une région où elle avait toujours été heureuse et où il faisait bon vivre. L’année de son arrivée, elle eut l’impression contrairement au long et froid hiver parisien d’avoir sauté cette saison et même s’il pleuvait abondamment en quelques heures au point de ne pas pouvoir mettre le nez dehors, le soleil était souvent présent et il y avait la mer … Elle  faisait, accompagnée de ses chiens, de longues balades sur des plages qui n’en finissaient pas, admirant tout au long de l’année des sportifs s’adonnaient à leur sport favori, kitesurf, planche à voile, canoë,…., quand d’autres flânaient, se baladaient, rêvassaient ou se doraient au soleil. Tout ce petit monde cohabitait ou se tolérait.
        Souvent elle se promenait des heures durant, elle faisait des photos ou elle s’asseyait sur le sable sous un soleil brûlant, elle écrivait de la poésie, des nouvelles ou tout simplement les idées qu’elle voulait sauvegarder. C’était de véritables passions qui dataient de son adolescence et qui remplissaient le peu d’espace libre qu’elle s’octroyait. Et là, elle savourait les jours qui défilaient doucement se remémorant le passé où elle ne cessait de courir, comme son fils, après le temps lorsqu’elle vivait à Paris puis en région parisienne. En y repensant, elle n’aurait jamais imaginé que l’on puisse à la fois travailler d’arrache-pied et se sentir un peu en vacances. Les parisiens ou les résidents de grandes villes habitués à vivre ainsi, ne faisaient même plus attention au rythme qu’ils s’imposaient, trouvant presque normal leur situation. Marie avait toujours eu beaucoup de chance lorsqu’elle vivait à la capitale, son travail se trouvait à quelques minutes de son lieu de résidence quand d’autres n’avaient pas cette opportunité. Son frère faisait le matin et le soir plus d’une heure de transport. Quand elle y réfléchissait aujourd’hui et en reparlait avec avec lui qui, comme elle, avait quitté la région parisienne pour s’installer à La Rochelle, une petite ville de province à trois heures à peine de Paris en TGV où la mer et le soleil n’étaient pas en reste non plus, elle avait encore du mal à réaliser la décision qu’ils avaient prise tous les deux pour fuir Paris et se refaire une autre vie essentiellement remplie de plaisir, de soleil et de paix. Enfin fuir était un mot un peu dur tout de même, la vie là-haut n’était pas non plus une mine de charbon, il est vrai qu’ils couraient beaucoup et que certains résidents parisiens n’avaient pas toujours le loisir de profiter de cette ville magnifique autant qu’ils l’auraient souhaité.
        Aujourd’hui alors que Marie vivait à Carnon, à quelques minutes du centre de Montpellier, si elle devait monter à Paris, elle savait désormais prendre le temps qu’il fallait pour apprécier et flâner dans les rues. Elle revenait d’ailleurs régulièrement rendre visites à ses amis et éventuellement traiter une affaire or elle courait beaucoup moins et profitait beaucoup plus.
        En ce jeudi de début de printemps, elle s’assit à un café au bord de la plage presque toujours ouvert et elle rêvait. Il était midi trente, à cette période, la terrasse était déjà ouverte et quelques vacanciers ou badauds, comme elle, s’y prélassaient. Le soleil était presque chaud, certains avaient même réclamé un parasol, pour elle c’était juste parfait, ni trop chaud ni trop frais, idéal pour se ressourcer. C’était sans doute en partie grâce à ce déménagement qu’elle avait pu supporter le décès de son mari, et au soutien de ses enfants, évidemment…
        Elle était heureuse de savoir que son frère allait venir la voir. Pour reprendre leurs longues et profondes discussions sur la vie. Ces échanges avec lui étaient la chose qui lui manquait le plus. Ce n’était pas tant la solitude qui lui pesait que ce manque de contact avec les autres. A Paris déjà, elle avait pris l’habitude de vivre plus ou moins toute seule, avant même le décès de son époux. Il voyageait beaucoup à l’étranger parfois pour de longs séjours, aujourd’hui bizarrement, la solitude lui pesait infiniment plus qu’avant. Dès qu’elle avait vu ses enfants devenir des adultes indépendants, elle avait eu l’impression d’avoir été mise à la retraite dans son rôle de maman. Avant, elle se sentait presque indispensable tant pour tous les aspects matériels, même si son époux prenait en grande partie cet aspect, que sur la prise en charge de l’éducation de ses enfants. Elle était toujours à leurs côtés pour leurs études, lorsqu’ils avaient besoin d’un conseil et parfois sentimentalement pour dénouer un problème quelconque et bien entendu pour leur offrir tout son amour. Elle était évidemment toujours présente pour eux, or aujourd’hui, deux de ses enfants étaient à la veille de trouver un travail et, de plus, ils avaient chacun un ami, avec qui ils s’étaient installés, sans doute partageraient-ils un jour leur vie avec eux. Bientôt ce serait à leur tour de créer leur propre famille. Mon dieu, elle ne se sentait pas prête à cela, même si elle savait pertinemment qu’elle adorerait ses futurs petits-enfants. Elle essaierait d’être aussi présente pour eux que sa mère ou sa grand-mère l’avait été avant elle. Elle savait que si chacune d’elles avaient eu la chance de vivre près de ses petits-enfants, elles auraient pu en profiter encore plus, en allant les chercher à l’école, en les prenant quand leurs parents travaillaient. Des grands-mères cent pour cent gagas.
        Marie contrairement à son époux, qui retrouvait instinctivement les réactions qu’il avait eu avec ses propres enfants lorsqu’il était en contact avec un bébé, était encore réticente à l’idée de faire des risettes à un nouveau-né. Elle se sentait distante, parfois même agacée par les enfants des autres qui piaillaient, gesticulaient, touchaient à tout. Elle avait peur parfois de ne pas devenir une grand-mère aussi patiente, attentionnée, tendre comme elle avait pu l’être en tant que mère. Sa propre mère à l’inverse avait souhaité être grand-mère du jour où sa propre fille, Marie en l’occurrence avait atteint un âge raisonnable, dix-huit ans ; comment avait-elle pu exprimer aussi clairement cette envie à l’époque ? C’était sans doute l’une des raisons qui avait poussé Marie à profiter de chaque moment de cette disponibilité qui lui donnait l’impression de liberté. Avait-elle tort de vouloir s’échapper, de vouloir vivre sans contrainte, sans obligation, parfois sans règle, la tête dans les étoiles avec cette impression de vivre ailleurs en toute irresponsabilité … elle aurait aimé partager ses instants avec son mari avant qu’ils ne deviennent vieux et dépendants. Ils auraient pu devenir à sa retraite, de jeunes seniors libres de leur temps, des célibataires comme à l’époque où ils s’étaient connus, cette fois, ils auraient été des célibataires-retraités avec des moyens qu’ils n’avaient pas avant de se marier. Ils auraient eu le droit, après avoir élevé leurs enfants et les avoir aidés à devenir eux-mêmes des adultes responsables, de redevenir ces personnes-là à nouveau, susceptibles de faire ce dont ils avaient envie sans rendre de compte à personne ou presque. La vie en avait décidé autrement, Marie se retrouvait toute seule dans sa vie de femme et presque toute seule dans sa vie de mère avec un sentiment d’inutilité qui grandissait à vue d’œil. L’avenir lui faisait peur, voilà pourquoi elle devait se reprendre avant de sombrer dans une belle déprime. Elle ne pouvait pas devenir cette personne triste et aigrie, ce n’était pas elle, et si ses examens médicaux ne révélaient rien de méchant, elle s’était promis de faire cette croisière avec son frère pour réapprendre à sourire, à s’amuser, à danser, pour se sentir vivante et libre.   
        En réalité Marie avait peur de l’avenir, peur qu’il arrive quelque chose à sa mère et qu’elle soit obligée de s’en occuper. Elle ne pourrait pas rester indifférente si elle avait besoin d’elle, elle se sacrifierait sans doute pour elle comme sa mère avant elle l’avait fait avec sa propre mère. Sacrifierait était un terme un peu fort car elle le ferait avec plaisir, cependant c’était l’un des motifs pour lequel elle préférait faire ce dont elle avait envie tant qu’elle en avait encore la possibilité. La soirée se poursuivit sans qu’elle s’en aperçoive, même si, après dîner elle resta des heures à feuilleter ses albums photos. Durant toute cette période de sa vie, Marie avait été très heureuse, elle ne pouvait pas dire qu’elle s’était sacrifiée car cela pouvait signifier qu’elle avait eu quelques réticences à faire ce qu’elle avait accompli. Au contraire, tout ce qu’elle avait vécu jusqu’à présent lui parut merveilleux. Le sommeil, ce soir-là l’avait surprise, elle s’assoupit au milieu de toutes ses photos et de ses souvenirs. Elle se réveilla le cœur plus léger. Dans la matinée elle avait plié et repassé toutes les affaires de son fils puis elle lui avait laissé un message sur son portable lui indiquant qu’il pouvait passer à la maison reprendre son linge.
        Marie restait songeuse, pouvait-elle vraiment changer aujourd’hui et ne plus être comme elle avait toujours été, attentive, soucieuse de ceux qui l’entouraient et qu’elle aimait. Ses enfants et ses amies proches étaient les seuls à pouvoir lui donner l’impression d’être utile et donc d’exister sans l’homme avec lequel elle avait tout partagé pendant presque ces trente dernières années. La sonnerie de son interphone la tira de ses rêveries.
– Bonjour Marie, c’est Max. Je voulais vous inviter à déjeuner, êtes-vous libre ?…
– Max !!! avait bredouillé Marie.
        Le temps de réaliser qu’elle ne rêvait pas, elle déclencha l’ouverture de la porte située sous le porche du hall de son petit immeuble tout en se dirigeant vers la console où se trouvait au-dessus un joli miroir qui avait appartenu à sa grand-mère. Elle se regarda, se recoiffa et vérifia qu’elle était présentable. Elle se sourit tout en s’apprêtant à ouvrir la porte d’entrée. Lorsque Max se présenta devant elle, elle resta un instant, tétanisée. Son regard d’un bleu profond la transperça et son cœur s’emballa. Pourquoi se sentait-elle si bizarre, elle n’avait pas ressenti ces sensations en dehors de la période où elle était au lycée et où elle avait rencontré son futur mari. Elle avait l’impression d’avoir 15 ans ! Elle avait la sensation d’être sur un petit nuage et aux questions de Max, elle répondait bêtement par monosyllabes.
– Bonjour Marie,
– Bonjour …
– Ma proposition vous tente ?
– Oui …
– Je ne vous dérange pas ?
– Non …
– Vous êtes prête ?
– Oui, eh non, …
– Vous voulez que je repasse vous prendre plus tard ou bien à un autre moment ?
– Oui, eh non, …
– Vous me semblez préoccupée, rien de grave ?
– Non, eh …
– Eh bien, une petite sortie ne peut que vous faire du bien,
– Je ne sais pas, eh … mon fils doit passer prendre son linge.
– Quand doit-il passer ?
– Je ne sais pas, en fin de journée sans doute, …
– Nous serons rentrés depuis longtemps, j’imagine,
– Oui, sans doute, mais …
– Il n’y a pas de « mais », je vous emmène. J’aurais beaucoup de plaisir de déjeuner avec vous, nous pourrons ainsi discuter et apprendre à mieux nous connaitre.
        Il n’avait pas fini sa phrase que Marie lui demandait quelques minutes pour terminer de se préparer. A la vitesse de l’éclair, elle partit en direction de la chambre, changea son corsage et ses chaussures, passa par la salle de bains pour un coup de peigne et mettre un peu de rouge à lèvres. En revenant vers Max, il constata qu’elle était très en beauté et qu’elle avait fait très vite, pour une femme !!!! Cette remarque la fit rougir comme une collégienne. Cela faisait une éternité qu’un homme ne l’avait pas complimentée, à part son fils, évidemment l’impact n’était pas le même. A peine avait-elle mis la clé dans la serrure qu’elle s’était retrouvée dans la rue. Elle avait envie de lui faire confiance ; se laissait porter était si agréable et elle n’avait pas l’habitude de se laisser dorloter par des inconnus. Max n’ayant pas de voiture, il décida de héler un taxi, tout naturellement Marie proposa de prendre sa voiture s’il le souhaitait. Il ne lui fallut que quelques secondes pour se retrouver assise dans son petit cabriolet avec Max assis à ses côtés. Durant une période qu’elle ne chercha même pas à estimer, elle roula en suivant les conseils de Max. Ils arrivèrent, au milieu de nulle part, dans un endroit qu’elle ne reconnaissait pas. Une charmante petite auberge les accueillirent, tout semblait hors du temps, Marie elle-même semblait hors du temps. Elle ne marchait pas, elle volait et elle se sentait si bien qu’elle se laissa entraîner sans réfléchir. Le restaurant semblait vide, sans doute était-il encore un peu tôt. Ils s’installèrent au fond de la salle, sous une verrière qui donnait sur un joli parc où serpentait un ruisseau. Il faisait beau … Ils étaient à peine installés qu’un serveur leur amena deux flûtes et du champagne. Cet homme était vraiment étonnant, une perle rare vraisemblablement. Cependant qu’ils discutaient de choses et d’autres, le même serveur leur amena une entrée qu’ils n’avaient même commandée, sans doute Max en réservant la table avait-il pris la peine de choisir le menu.
        
        Marie allait de surprise en surprise, cet homme qu’elle ne connaissait pas, semblait, lui par contre, la connaitre parfaitement. On lui servit une salade de chèvre chaud avec des lamelles de magret, son entrée favorite. Marie le regarda avec une telle stupéfaction qu’elle eut l’impression de le mettre mal à l’aise.
– Cette entrée ne vous convient pas ?
– Si, si, c’est mon entrée préférée.
– A votre santé et à votre vie à venir … Avait dit Max en levant son verre pour trinquer.
– A votre santé également et à vous, merci d’avoir insisté pour me faire sortir. Je refuse presque toujours les invitations de mes amis sous des prétextes souvent sans fondement, je devrais faire des efforts car je dois parfois les peiner. Mes amis sont si gentils que je devrais avoir honte d’une telle attitude, ne pensez-vous pas ?
– Je ne sais pas, vous avez accepté la mienne, alors je ne peux pas imaginer ce que j’aurais pensé dans le cas contraire, et je dois vous avouer que je n’ai pas envie d’y songer.
        Max n’avait d’ailleurs pas eu beaucoup à insister. Marie était même étonnée d’avoir accepté si facilement cette invitation. Elle connaissait si peu ce Max. A y songer, elle ne savait absolument rien de lui … Et pourtant, à cet instant précis, Marie aurait aimé lui dire qu’elle le trouvait tout à fait charmant voire même très beau. Il avait des yeux magnifiques qu’elle avait déjà remarqués lors de leur première rencontre. Il était bien bâti, plutôt grand, sportif et pourtant il dégageait de lui beaucoup de délicatesse, de prévenance dans ses gestes comme dans la façon dont il avait de la regarder qui donnait à Marie follement envie de l’embrasser. Était-ce vraiment raisonnable ????? Ou était-ce le bon moment ??? Elle devait être rationnelle et patiente. Que penserait-il si tout à coup elle se jetait sur lui et l’embrassait. A cette pensée, elle sourit car cela faisait longtemps que personne n’avait pris soin d’elle ainsi. Elle avait presque oublié combien c’était agréable de se sentir désirée. Et comme s’il avait deviné ce qu’elle pensait, il aborda le sujet de sa vie. Il lui demanda pourquoi dès qu’elle avait eu ses enfants elle avait mis sa vie entre parenthèses. Il ajouta qu’elle était une belle femme, intelligente et pleine de charme. Prêchait-il pour sa paroisse, que voulait-il lui dire par là ? C’était un assez étrange personnage à qui elle avait pourtant envie de faire confiance. Elle aurait aimé qu’il cesse de parler pour la prendre dans ses bras et la couvrir de baisers. Marie dût rougir à cet instant présent et il en profita pour insister davantage.
– Vous avez durant toutes ces années consacrées votre vie à vos enfants, à votre mari, aux autres et pourtant vous avez aussi su en parallèle devenir une femme brillante et redoutable en affaires. Vous avez aujourd’hui le droit, voire même le devoir de penser un peu à vous. Vos enfants sont grands, adultes pour deux d’entre eux, votre fille cadette est encore jeune. A son âge, où étiez-vous et que faisiez-vous ? Je ne me fais aucun souci pour elle, elle tient tant de vous que vous n’avez rien à craindre pour elle, elle suivra les traces de sa maman, avait-il ajouté très naturellement comme s’il parlait à une amie de toujours.
        Effectivement, à l’âge de Margaux, Marie faisait des études et travaillait, elle était déjà indépendante. Elle aurait pu lui demander comment il connaissait si parfaitement tous les détails de sa vie, elle aurait pu se méfier de lui, car comment aurait-il pu savoir tant de choses sur elle ? Aurait-il pu faire une enquête sur elle-même et sa famille ? Elle aurait dû fuir et ne pas lui faire confiance si facilement. Son mari lui répétait souvent  « Les gens ne sont pas tous aussi gentils que tu crois, prends garde à toi ma chérie, je ne serai pas toujours là pour te protéger, tu dois t’en rappeler, n’est-ce pas ? » Il avait dit cette phrase peu après qu’ils se soient connus alors que Marie avait vu une annonce pour une proposition de travail apposée dans une cabine téléphonique parisienne, tandis qu’elle téléphonait à ses parents. Spontanément, elle avait relevé le numéro et avait appelé. La personne au bout du fil, lui avait expliqué qu’il ne pouvait la recevoir que très tôt le matin, avant l’ouverture de sa société, vers six heures. Elle devait le rappeler pour lui confirmer sa venue. En relatant cette histoire à son ami de l’époque qui n’était autre que celui qui deviendrait par la suite son époux, il l’avait mise en garde contre ce genre de rendez-vous qui pouvait mal finir. Après de longues discussions, elle avait cédé. Il est vrai qu’à cette période, cet ami était policier. Il avait peut-être raison, pourtant elle s’était interrogée sur le fait que son métier avait pu le rendre tout simplement trop soupçonneux sur tout et tout le monde. Si à cet instant présent il pouvait voir que Marie était à nouveau  confrontée à une situation similaire malgré ses mises en gardes régulières, il serait fou de colère.
        Marie avait un grand cœur et voulait croire que l’homme était bon par nature. C’est la raison pour laquelle, elle avait accepté l’invitation d’un inconnu qui l’avait conduite dans un endroit insolite au milieu de nulle part, où elle pourrait disparaître sans éveiller les soupçons de quiconque. Elle n’avait prévenu personne de son départ. Elle n’était vraiment pas prudente. Mais voilà, l’homme est ainsi fait qu’il a du mal à renier sa nature et Max lui semblait si gentil, si attentionné qu’elle avait du mal à voir le pire en lui.
    Durant la soirée ils continuèrent à parler d’elle presque exclusivement, de ce qu’elle avait entrepris toutes ces années, des bons et des moins bons moments. Au fur et à mesure que Marie lui dévoilait ce qu’elle avait ressenti tout au long des événements importants de sa vie, elle prenait conscience qu’effectivement elle avait été forte, patiente et au fond tout s’était plutôt bien passé, notamment pour mes enfants, pour son couple, son mari l’avait beaucoup aimée et mise à l’abri du besoin. La seule chose qui ne s’était pas passée comme elle l’aurait voulu, avait été la disparition brutale de son époux. Tout était arrivé si vite que personne, même pas elle, n’avait pu réagir. Il était jeune encore, à peine quarante-cinq ans, en pleine fleur de l’âge, c’était injuste. Les larmes lui montaient aux yeux et ce fut à cet instant qu’elle réalisa que malgré cette perte terrible, elle trouvait le moyen de rire et de se sentir bien. Elle avait un peu honte d’elle-même. Max dut s’en apercevoir car il lui prit la main en lui disant qu’il était toujours triste de voir une vie se terminer sur terre surtout vis-à-vis de ses proches. Il rajouta que cette vie se poursuivait pour la plupart des gens en devenant nos anges gardiens. Tous ceux que nous avions aimés ne souhaitaient qu’une seule chose, que nous poursuivions notre vie avec courage. Ils attendaient de nous que nous avancions, sourions à nouveau, pour eux notre bonheur serait leur bonheur. Ce message faisait mouche auprès de Marie. N’avait-elle pas tenu le même discours à sa fille Margaux. Cette idée la séduisit et lui redonna le sourire.
        Plus la soirée avançait et plus elle était sous le charme de ce bel inconnu. Elle l’écoutait lui dispenser ses conseils et s’efforcer de lui remonter le moral, qui durant cette fameuse soirée n’en avait nul besoin. Malgré quelques très brefs coups de blues, elle était aux anges. Et bien qu’elle fût attentive à tout ce que Max lui disait, elle ne pensait qu’à une seule chose : comment cette soirée allait-elle se finir ?? Allait-il l’inviter chez lui ou devrait-elle lui proposer de venir boire un ultime verre chez elle ? Sans doute devrait-elle le raccompagner chez lui puisqu’ils étaient venus avec sa voiture. Elle avait l’impression d’être une adolescente à l’occasion d’un premier rendez-vous. C’était très existant et un peu terrifiant pas tant pour ce qu’il pouvait se passer mais plutôt pour ce qu’il risquait de ne pas se passer … Elle était en plein délire, la tête lui tournait tellement qu’elle dut fermer les yeux pour ne pas tomber de sa chaise. Elle avait sans doute un peu abusé du bon vin qu’on leur avait servi à volonté.
– Nous devrions rentrer, vous semblez fatiguée, avait suggéré Max.
        Elle n’avait eu pas le temps de réagir qu’il passait derrière elle pour déplacer sa chaise et lui prendre le bras. Si elle avait pu penser que la galanterie avait disparu des mœurs ces dernières années, ce soir, il lui avait prouvé le contraire. Il lui proposa de prendre le volant, ce qu’elle accepta volontiers. Durant le voyage du retour, il continuait à lui parler doucement, si doucement que ces mots la firent rêver et que bientôt elle s’assoupit. Quelle honte ! A leur arrivée devant son appartement, il avait dû passer gentiment sa main sur sa joue pour la réveiller. Marie se confondit en excuses et se maudissait en même temps sans comprendre ce qui lui était arrivée. Après avoir fait le tour de la voiture, il ouvrit sa portière, et il lui rendit ses clés en déposant un long baiser sur sa main qui commençait à trembler. Ils se dirigèrent tous les deux vers le porche puis avant de prendre congés, il l’embrassa tendrement sur la joue et il lui proposa de la rappeler dès qu’il rentrerait de son déplacement qui durerait sans doute plusieurs semaines. Il partait le lendemain matin très tôt.
Marie souriait d’un air bête or elle avait envie de pleurer, de crier, de se gifler tellement elle se trouvait stupide et nulle. Comment avait-elle fait pour laisser échapper une telle occasion. Alors que Max faisait tout ce qui était en son pouvoir pour la séduire, elle s’assoupissait …. Sa chance avait tourné, il devait supposer qu’elle n’était pas intéressée par lui, par sa conversation ou ses conseils, pas intéressée au point de comater. En rentrant chez elle, elle avait imaginé tout cassé et à son grand étonnement ce fut l’inverse qui se produisit. Elle regagna sa chambre et elle se jeta sur son lit avec l’envie de pleurer. Là encore, elle n’avait pas le souvenir d’avoir versé une larme, au contraire, elle s’était sentie si apaisée qu’elle s’endormit presque aussitôt en rêvant de cette merveilleuse rencontre.
        Elle était à demie-réveillée quand la soirée qu’elle avait passé la veille lui revint en mémoire. Tout lui semblait trop beau pour être réel, et pourtant elle avait encore en tête ce moment incroyable, en bouche lui revenait le goût des cailles aux truffes, elle ressentait aussi l’odeur de vanille qui flottait dans la salle de restaurant. Elle se fit la promesse de se rattraper lorsque Max la rappellerait au retour de son déplacement, si toutefois il la rappelait un jour après l’affront qu’elle lui avait fait dans la voiture. Au fond, qui était-il donc, ce Max, que faisait-il, à aucun moment de la soirée il n’avait parlé de son métier, de sa vie, de lui tout simplement. Tout avait tourné autour de Marie, de sa vie, de sa famille, d’elle et uniquement d’elle. Il était en droit de la trouver particulièrement égoïste et nombriliste pour ne s’intéresser à rien d’autre qu’à sa petite personne.
Retour de Max chez lui

– Le Patron veut te voir tout de suite, à mon avis tu vas recevoir un sacré savon !!! Avait lancé à l’attention de Max l’un de ses collègues.
Max était le grand sujet de conversation en ce moment auprès des membres de la communauté très fermée dans laquelle il vivait. Chacun ici commentait ses réactions et spéculait sur les conséquences de ses actes des jours précédents.
– N’avez-vous pas mieux à faire ? Avait rétorqué Max à tous ceux qui l’observaient du coin de l’œil.

Dès lors où Max avait occupé ce poste aux côtés du Patron, Il n’avait jamais eu à se plaindre de son attitude ou de son travail. Il était le plus consciencieux d’entre tous. Jamais il ne ménageait sa peine. Il savait traiter plus de dossiers que n’importe qui ici sans jamais faillir. Cependant il savait que cette fois-ci, il n’avait pas fait preuve d’autant de distance que d’habitude et il n’arrivait pas à s’expliquer pourquoi. Bien sûr, il y avait eu l’attitude de Sophie. C’était peut-être un test que le Patron lui faisait passer et il devait se ressaisir et prendre garde à ses propres réactions car certains seraient sans doute ravis de le voir enfin échouer une mission, ce qui signifierait qu’il était comme tous les autres et que son avancement pourrait être compromis. Certains même seraient prêts à le pousser à la faute. Son charisme et son attitude toujours parfaite irritaient. Sa vigilance devait être encore plus soutenue. Ici où tout le monde était censé faire preuve de charité, de compassion et autre gentillesse vis-à-vis des mortels, il n’en était pas toujours de même entre eux. Sur ces quelques réflexions, Max se dirigea chez le grand Patron.
– Bonjour Max, j’attends ton rapport.
– Bonjour Monsieur, j’ai fait ce que j’avais à faire. Marie est une femme courageuse, toujours prête à aider son prochain, très attentionnée vis-à-vis de ceux qu’elle aime, prête à se mettre en retrait ou à se sacrifier pour les autres. Or dès le décès de son mari, elle a mis sa vie encore plus entre parenthèses et cette situation me semblait injuste. Il fallait qu’elle sache qu’elle avait le droit de s’occuper un peu d’elle aussi et tout ce que j’ai fait, je l’ai fait dans ce sens.
– Sophie est venue se plaindre de ton attitude et j’ai pu constater qu’elle avait de bonnes raisons pour le faire. Depuis quand prenons-nous des décisions qui ne soient pas programmées préalablement et voulues dans le sens des intéressés. Nous devons nous conformer à leurs souhaits et non pas provoquer chez eux des doutes pour changer ces souhaits. Nous sommes là pour leur permettre de vivre au mieux le moment présent, en aucun cas nous ne sommes habilités à modifier le cours de leur vie.
– Sophie vous a-t-elle précisé qu’elle était intervenue dans la vie de Marie sans avoir eu de directive pour la démarche qu’elle avait faite. Je n’ai rien fait que remettre Sophie à sa place en permettant à Marie de se poser les bonnes questions et par-dessus tout à trouver d’autres réponses aux questions qu’elle se posait. Je n’ai en rien modifié sa vie, je lui ai simplement permis d’entrevoir d’autres possibilités que celles que Sophie tentait de lui imposer.
– Sophie est très fragile, elle n’a pas encore fait son deuil, voilà pourquoi elle est intervenue sans aucune directive, ce n’est pas une raison pour que toi, tu en fasses autant. Fais attention à toi, tu joues sur les mots, et même si je comprends ta démarche, je dois rester impartial. Tu es en ligne de mire de tous ici, et ton avenir dépend de l’issue de ce que tu as entrepris vis-à-vis de Marie, rien d’autre ne pourra désormais prendre le dessus, quoi que tu fasses ou aies fait avec d’autres. Même si je comprends tes actes et si j’essaie de discuter avec tes détracteurs du bien fondé de ta démarche, tu dois savoir que peu de choses peuvent te faire basculer, et il te faudra alors choisir de rester parmi nous ou de t’éloigner à jamais. Une fois ta décision prise, il n’y aura aucun retour possible, aucune issue qui ne te rende différent de Marie ou de ses congénères. Tu es seul juge de ce qui est bon pour toi-même, et ce, même si j’avais d’autres projets pour toi ici à mes côtés.


C’est ainsi que leur rendez-vous pris fin. A cet instant précis, Max compris que son attitude avait pu choquer certains mais il était sûre également que nombre d’entre eux auraient aimé être à sa place. Il n’était pas donné à tout le monde de rencontrer un être dont on se sentait si proche au point de tout laisser derrière soi et quand bien même cela pouvait se produire, très rares étaient les occasions où le choix se fasse dans ce sens. Ici le Patron veillait sur nous tous tandis que nous veillions sur tous les autres, ceux d’en Bas. La vie était pour la plupart d’entre nous très agréable, jamais de mauvaises choses ne venaient troubler notre quiétude. Même si nos emplois du temps étaient particulièrement chargés, nous n’avions aucune raison de nous plaindre, si ce n’est de cet amour charnel que tous nous avions un jour connu et qui nous était désormais impossible. Cet amour qui pouvait rendre fou de rage, fou de jalousie et par-dessus tout fou d’amour. Max avait oublié tout ce qui se rapportait à ses émotions depuis fort longtemps et il n’avait pas assimilé les instants passés aux côtés de Marie à ce genre de sentiments ou se cachait-il un peu la face. Avec le recul et l’échange qu’il avait eu avec Le Patron, il prenait conscience que peut-être il s’était fourvoyé au travers de l’aide qu’il avait voulu apporter à Marie.
Il aimait ce qu’il faisait ici et il n’était pas prêt à tout remettre en cause. Il était un des rares élus à pouvoir vivre ici et en bas. Il prenait conscience de toutes les causes qu’il avait défendues et il aimait ce qu’on lui permettait de faire ici comme ailleurs. Il avait vis-à-vis de ses collègues la réputation d’être un bourreau de travail, toujours prêt à s’investir davantage pour arriver à mes fins, toujours respectueux de ce qui était juste ou correct. Cette fois plus que jamais il avait pris faits et causes pour Marie qui lui semblait si fragile, si pure et si gentille avec tous ceux qui l’entouraient qu’il avait peut-être outrepassé ses pouvoirs. Il devait prendre un peu de recul et observer la situation pour voir comment Marie allait se comporter, en espérant que Sophie ne remettrait pas le doute dans son esprit. Il avait réagi ainsi sans doute car il avait trouvé l’attitude de Sophie trop impliqué elle aussi, n’avait-elle pas provoqué sa réaction en quelque sorte. Il devait s’entretenir avec elle sur ce point afin de clarifier la situation.

Désolée pour les puces dans le textes que je m’arrive pas à maîtriser 😉 et/ou les coquilles
J’attends vos critiques …

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