Je la revis quelques semaines plus tard. Je sus tout de suite que c’était elle. Devant la fenêtre close, elle se balançait au bout d’un fil de soie. Quoi de plus naturel pour une araignée. Il y avait un peu de vent ce soir là.
Pourtant quelque chose m’intriguât. Alors que je passais d’un mouvement largo à un allegretto, je vis du coin de l’œil, le rythme de l’oscillation de ce pendule vivant changer et s’accorder au rythme plus rapide de la musique. La bestiole était remontée le long de son fil pour raccourcir le pendule et le rythme en avait changé d’autant. Je m’interrompais et vis aussitôt une petite boule noire descendre jusqu’à l’appui de la fenêtre et s’immobiliser. Quant à moi, je m’immobilisais devant mon piano, à la recherche d’explications rationnelles. Je n’ignorais rien de l’influence de la vie intra utérine sur le devenir des humains. Etait-il possible, que cette araignée, baignée de musique depuis le tout début du développement de l’œuf dont elle était issue, ait subi une imprégnation la rendant sensible à la musique ? Après tout, au fil des années, n’avais-je pas entendu certains oiseaux reprendre dans leurs chants des phrases musicales longuement travaillées au piano ?
Toute la matinée, je travaillais divers morceaux, passait de Schubert à Brahms, à Bach. Le pendule restait fidèle à la succession des rythmes.
Plus aucun doute n’était permis. Les conditions de son développement avaient fait de cette araignée un animal mélomane.
Tout au moins sensible aux rythmes. A mes yeux une sorte de métronome vivant.
Rien de bien spectaculaire après tout.
Et puis les beaux jours revinrent et avec eux portes et fenêtres ouvertes sur le jardin.
l’ARAIGNEE QUI VOULAIT DEVENIR PIANISTE : chapitre 2
< 1 min