(Avant tout du jeu. De mots, de scène, des clichés…)
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Victoire ! Victoire ! Je m’appelle Victoire,
Mon père voulait que je m’appelle Victor. Mais il était parti. Mobilisé.
Pour la guerre. La grande guerre. Mon père, il n’est jamais revenu.
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La sage femme, qui a fait accoucher ma mère a fait « Hiiiiiii»,
quand elle m’a vu.
Elle a fait « Hiiiiiii, Mon Dieu comme il est flapiiiiiii… ».
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Enfin bref, ma mère m’a expliqué plus tard, que c’était à cause de ce « Hiiiiiii »,
qu’elle a voulu ajouter un « i », à Victor.
Me faisant passer de Victor, à Victoire.
Sans chiffres derrière, hein, je ne suis pas devenu Victoire 14-18,
Je suis juste devenu Victoire.
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Je suis né à 10H10 un 14 juillet, il y a bien longtemps.
C’était un jour de Fête…
Mon père, ce héros, est mort le même jour.
Dans un gigantesque Feu d’Artifice.
Dans un bombardement qui a fait des milliers de morts.
Tuant en vagues dans les deux camps.
Aaaargh, C’est con !…. Ouais… C’est con !.
Pour chacun des deux camps, c’est con !…
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Moi je trouve que, Victor, ça aurait été bien.
Aujourd’hui j’aurais pu dire, par exemple, sur une scène
« Victor, Vas-y, « Vas-y Victor. Vas-y Victor ! Victor ! Victor !
Victor Huuu, GO ! ».
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« Victor Hugo », je m’y crois un peu… Ho Ho… Je m’crois en haut…
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A propos du jour d’aujourd’hui, Victor Hugo a dit :
« Aujourd’hui est le premier jour du reste de ma vie !».
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« Mais demain? » « Demain ?»
« Qui peut prévoir demain ? »
Les voyantes ? les médiums ? les politiques ?
Mais demain ? Mais que sera demain ?
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Pour demain… Pour demain, j’en sais rien.
Mais aujourd’hui, aujourd’hui c’est vous, c’est nous
Et c’est aussi ici à … (lieu ou événement où je joue « Victoire !»)
Et c’est aussi (ici, le, à, pour… le 1er…, il fait beau,…,)
Et aujourd’hui… Aujourd’hui c’est le 1er jour du reste de notre vie !
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Il paraît que je me la pète. Il paraît que c’est de famille.
Il paraît que mon père se la pétait, lui aussi.
En tous les cas, ça a bien pété pour lui, en ce jour de Fête.
Il a perdu la vie, sa famille et son identité.
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On l’a déclaré soldat inconnu. Comme tant d’autres. Devenus inconnus.
On ne les a pas retrouvés, on ne les a pas reconnus, ils sont devenus inconnus.
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Des inconnus qui deviennent connus, ça, ça arrive. ça arrive tous les jours.
Mais l’inverse est vrai aussi, et il y a aussi des gens connus qui deviennent des inconnus.
Ça, ça arrive, ça arrive aussi.
Oui, il y a des gens connus qui finissent inconnus !
Ça, ça arrive plus souvent qu’on ne croie et ce n’est pas assez…
Et ce n’est pas assez… ? … quelqu’un ?
Et ce n’est pas assez… ? …
Mais non !
(« Mais non !» vers la personne qui a parlé, mais les 2 pouces en même temps qui disent « Merci. Ok Super. Bravo. »)
Ce n’est pas assez dit !
Ce n’est pas assez dit et ce n’est pas assez répété !
Parce qu’il faut le dire ! Et le répéter !
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Ma mère m’a dit aussi, et elle m’a répété ! je ne sais pas si c’est vrai,
Mais elle m’a souvent dit que la sage femme a pété un plomb !
Tellement j’étais long !
Elle en avait plein les bras, le jour où je suis né…
Et oui ça a pété pour elle aussi, en quelque sorte…
L’écho ? Peut-être…
Mais je crois que si ma mère m’a si souvent dit ça,
C’était pour me faire sourire. Pour me consoler en fait.
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Et puis… tout ce temps… En fait, avec le recul, aujourd’hui,
Je crois aussi que si ma mère a voulu que je m’appelle Victoire,
Je crois que c’est surtout pour moi, pour son fils !
Je crois que c’était sa façon à elle, d’essayer de conjurer le sort.
Et puis, peut-être pour éviter que je sois appelé, en cas d’une autre bataille.
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Victoire ! Victoire ! Je m’appelle Victoire, je suis né un jour de Fête !
Victoire ! Victoire ! Je m’appelle Victoire, et je ne fais que vous exposer des fait(e)s.
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Marco O’Chapeau le 8 mars 2023
Photo libre de droits de Alina Skazka
(Texte écrit sur une thématique de spectacle
*Ce texte m’a apporté mes premiers bravos au théâtre.
C’était au Théâtre du Grand Parquet à Paris, lors de sa 1ère en Public.)
Bonjour Marco O’CHAPEAU,
Pour mener bataille, se saisissant de mots pour toute arme, ta mère a eu bien raison, mieux vaut Victoire que victime ! Merci de nous avoir laissé en Paix !
Très joli texte Marco, j’aurais bien aimé t’entendre le dire sur scène, en tout cas je t’applaudis moi aussi !!!