L’Ange Noir, partie 11b

  Trois heures, il me restait trois heures avant le début de la réunion organisée par le Sylvarium. 

  Mes enregistrements de mon écran de détection des êtres surnaturels, toutes les créatures imaginables qui peuplaient la Terre, m’avaient confortée dans mon intuition. Le bordel. Celui où j avais envoyé Skylar à plusieurs reprises pour des missions d espionnage.. C était là que le Corps avait disparu. C était là  que je perdais la trace de nombreux esprits.    C’était là que les Harpies se retrouvaient en nombre régulièrement comme ce jour. Pas de doute. Le bordel était bien un lieu de transition pour les âmes. Je devais y aller. Il y avait forcément un autre passage vers les enfers là-bas. Et peut-être y trouverais-je une piste pour trouver l’enveloppe charnelle du Corps avant qu il ne soit trop tard ! Et je voulais comprendre pourquoi je n’avais jamais vu ce Corps sur mon écran avant qu’il n’ apparaisse chez O.de la Forge. 

-Sky, préparons nous pour une mission secrète au bordel !

– Nous ? Tu n y penses même pas ! Il est hors de question que tu ailles dans ce terrier de démons !

– Je ne te demande pas ta permission.  Nous n’avons pas de temps à perdre. 

– Je peux y aller seule !

– Non  pas cette fois. J ai besoin que tu montes la garde pendant que je cherche par où et comment le Corps a été emmené en enfer aussi vite. Ils te connaissent en temps que réceptionniste. Tu n auras pas accès aux chambres du sous-sol.  

– Mais…

– Tu sais que j ai raison. 

  Nous nous préparâmes. Skylar enfila sa tenue de réceptionniste. Quant à moi, je ressortis mes talons hauts, mis une jupe courte en cuir noir avec des bas résilles par dessus mon petit string rouge, le même que pour la soirée au Bluewings avec Etherwood.  Pour le haut, un petit top au décolleté plongeant, sans soutien gorge inutile. Du mascara noir, un rouge à lèvres bien rouge. Mon boulet et sa chaîne pour une fois seraient un atout pour mener à bien cette mission. J étais prête.

  Skylar entra la première et prit place derrière le comptoir après avoir prétexté à sa collègue que le boss lui accordait son après-midi. 

  Dix minutes s’écoulèrent. Je fis mon entrée sans que personne ne me remarque.  Enfin si, les hommes venus satisfaire leurs besoins primaires, me suivaient du regard…et ne se gênaient pas pour me mettre des frappes au derrière. Il y en a même un qui réussit à me pincer les tétons ! Entravée par le boulet et la chaîne qui pendait à mon cou, il m’ était difficile de les éviter. Après avoir repoussé un certain nombre de sado-maso qui essayaient de m’attirer dans leurs jeux pervers, – j’avais l’accoutrement parfait pour eux – , j’atteignis soulagée  la porte menant au sous-sol. 

  Dès que je franchis la porte, essoufflée et déjà fatiguée de tirer le poids de fer, je sentis  une atmosphère d’un tout autre genre. Ça puait le démon, mais pas n’importe lequel. Les Harpies étaient bel et bien là parmi les autres créatures maléfiques. Leur odeur de reptile mêlé à des senteurs carbonisées était unique. Il y avait forcément une entrée vers les enfers ici. 

  Je pris le risque d’avancer, en traînant la boule de métal sur le sol terreux de l endroit, au milieu des démons qui forniquaient dans des orgies dignes des pires fêtes romaines de l’Antiquité. Ils m’ignoraient tous jusqu’à ce que je m’approche d’une stèle en pierre recouverte d’un drap noir. Quand ma main se posa sur le tissu, des flammes en jaillirent et je me retrouvai au sol comme propulsée après une explosion.

  Les Harpies furent les premières à ouvrir leurs ailes et à se précipiter sur moi. J étais découverte. Ces ravisseuses d’âmes, mi femmes, mi oiseaux de proie étaient prêtes à me saisir de leurs serres acérées. L’une d’elle aurait pu me lacérer…mais j’ignore pourquoi, après m’avoir scrutée de ses yeux de vautour et reniflée de si près que j’ en eu des nausées, elle s’ en retourna à ses bacchanales. Les autres la suivirent. 

  J’allais déguerpir lorsque j’aperçus sous la stèle une lumière noirâtre, comme une suie phosphorescente. Il y avait un passage sous la stèle. 

 J’hurlai lorsqu un griffon posa sa patte griffue sur moi…si les Harpies ne s’intéressaient pas à moi, ce n était pas le cas des griffons. Et celui-là était de taille imposante. D’autres tournaient autour de moi, j’étais une proie au milieu d une meute. J’avais été vraiment stupide de croire que je pourrais sortir d’ici vivante ! 

“Elle est à moi ! Lâchez la !”

  Je connaissais cette voix…Un bruit de porte fracassée ne me laissa pas le temps d y réfléchir davantage. Les griffons firent demi-tour pour combattre la nouvelle intrus. Skylar. Toujours là pour me protéger. Elle pulvérisa plusieurs Harpies et Griffons avec son Glock rose, parfaite imitation du modèle 43.  En réalité, il dissimulait une arme à ondes énergétiques dernier cri conçue avec l’aide du père Ronce. Nous voulions qu’elle puisse se défendre lors de ces missions d’ espionnage si cela tournait mal. Au final, c’était pour me sauver, moi, que Skylar s’ en servait !

  Je profitai de la diversion pour fuir vers la sortie. Les ailes de Skylar m’offraient un bouclier de plumes.

  Je vis alors ce que O.de la Forge m’avait décrit lors de notre première rencontre : les rails, les bogies emplis d’âmes ligotées et recroquevillées derrière les barreaux de leurs cages. Le train du Purgatoire vers l’enfer ! Plus loin, se tenait un monstre hideux …je reconnus le Thérianthrope Sanguinaire, un homonculus à cornes, une bête énorme à la tête couverte de vaisseaux sanguins. Son corps arborait de multiples ailes au plumage multicolore. Le même que le perroquet insolent…Je croisai son regard sombre dans lequel un brasier scintillait de rage. Le même que j’avais vu dans les yeux d’Etherwood ! 

“Je te retrouverai  !” hurla-t-il à mon intention.

  Nous réussimes à nous échapper par je ne sais quel miracle. J’avais perdu connaissance. Skylar avait dû me porter et traîner mon boulet  jusqu’à la chapelle. Elle avait perdu quelques plumes dans la bataille. Je soignai ses plaies avec des baumes de calendula. Je savais que je lui devais ma survie…mais il y avait aussi eu cette voix qui avait interdit aux griffons de me toucher, les harpies qui s’ étaient éloignées d’elle même…le thériantrope qui me voulait…J’ étais allée au bordel chercher des réponses,  j’en revenais avec plus de questions !

Pourquoi les Harpies m’ont elles rejetée ? Pourquoi le Thérianthrope me veut-il ?Etais-je à ce point maudite ? Était- ce le moment de juger mon âme ? Etherwood était il le Thérianthrope ? Le perroquet était-il Etherwood ?