Chapitre 4 – Intuition Partie 2

10 mins

– Qu’est-ce que tu suggères ? interrogea Simon, plongé dans ses notes.

– Il faut interroger les chercheurs qui ont quitté le laboratoire et les inciter à témoigner. Cela nous permettra de confirmer la première théorie et du coup peut- être nous donner la possibilité de montrer quelle pourraient être les motivations d’Andrews ainsi que sa probable implication dans la mort de son frère.

– Tu crois vraiment qu’Andrew serait impliqué dans la mort de son propre frère ? Qu’il aurait orchestré tout cela, simplement pour s’attribuer le succès du traitement pour les personnes séropositives ? s’enquit Jack dubitatif.

– Hm, c’est une bonne question. A vrai dire, je pense c’est bien plus profond que cela. D’ailleurs je suis tombée sur un fait assez surprenant. Le lendemain du rachat du laboratoire, Andrew a rencontré le secrétaire d’État à la défense, au Pentagone. Aucune presse n’a eu vent de cette rencontre et personne ne sait de quoi il était question. Cependant Christopher a déclaré, au moment de sa démission, que Andrew ainsi que le Pentagone devait assumer la responsabilité de leurs actes, sinon il y aurait d’autres Sarah Penninghton. Je me suis penchée sur ces déclarations, et j’ai contact un de mes indics dans la police qui m’a fourni les rapports d’enquêtes sur le meurtre de Sarah. En lisant ses antécédents médicaux, j’ai appris avec étonnement que Sarah a participé au test d’arme proposé par VANHOOD Industries. C’est d’ailleurs ce test qui l’a poussé à se rendre sur le front et non un désir de combattre l’ennemi. Je me suis demandée pourquoi la fille d’un des hommes les plus riches du pays voudraient participer à un programme destiné à des jeunes en situation de précarité ? J’ai donc consulté les archives de VANHOOD Industries, sous couvert d’anonymat mais il n’y avait plus aucune trace de ce test. Tout ce que j’ai réussi à obtenir c’est une annonce recherchant des volontaires pour tenir un journal de bord concernant les faits de guerre et l’utilisation des armes de VANHOOD Industries dans les zones de guerre. Seulement, selon les documents accessibles, aucune trace de journaux de bord, ou de volontaire. Rien. J’ai donc contacté les journaux qui ont publié l’annonce, mais aucun d’entre eux n’en avait entendu parler. VANHOOD Industries n’avait fait aucune demande de volontariat pour un test d’arme ou pour la réalisation de ce reportage. Rien. Je me suis donc tournée vers le service de communication et de renseignements VANHOOD Industries, en utilisant un faux nom. Personne n’était au courant d’un soi-disant test d’arme. J’ai donc fouillé dans mes affaires, retrouvant alors cette fameuse annonce. Celle à laquelle mon propre frère a répondu il y a cinq ans, avouai-je en posant au centre de la table ce petit encart, mal découpé, que j’avais conservé en guise de souvenir.

  Simon et Jack prirent ce morceau de papier froissé par le temps, lisant avec attention ces mots qui m’avaient littéralement plongé en enfer.

– Après cela, j’ai visionné le témoignage d’Aziza EL Mehri à l’ONU quelque temps avant sa mort, où elle désigne VANHOOD Industries comme le diable. D’ailleurs une phrase à particulièrement retenu mon intention, poursuivis-je avant de relire mes notes, « Vous avez créés une armée de monstre que vous avez utilisé, instrumentalisé par des tests d’armes, en leur garantissant de l’argent jusqu’à la fin de leur vie. Mais avec vos créations, c’est tout un peuple que vous avez détruit. » Et cela ne s’arrête pas là, quelques jours après sa mort, afin de calmer la colère de certaines personnes qui suite à ces déclarations réclamaient une enquête, VANHOOD Industries a décidé de s’installer en Syrie, en Libye et en Irak. Ils ont garanti la reconstruction des villes touchées par la guerre. Pourtant, peu de temps après leur installation sur ces territoires, les voix se sont tues. L’association présidée par Aziza a mystérieusement disparu. Plus personne n’a fait mention de ce que VANHOOD Industries a fait là-bas. C’est donc là-bas que se trouve le véritable secret d’Andrew Van Hood, concluais-je avec certitude.

– Pourquoi cacherait-il sont secret dans ces pays détruits ? me demanda Joseph, même s’il connaissait déjà la réponse.

– Parce que personne n’irait chercher là-bas.

– Tu crois qu’il achète le silence des habitants de la région ?

– Exactement. Et j’irai même encore plus loin. Il a pris le contrôle de ces territoires et le Pentagone ferme les yeux sur tout. Ils savent très bien que si la vérité éclate, ils perdront tout.

   Tous restèrent silencieux, pendant de longues minutes. Simon hocha la tête, ses yeux plantés dans les miens. Jack finissait de prendre des notes. Jack était le parfait opposé de Simon. C’était un homme qui assumait et revendiquait son homosexualité, que ce soit dans ses paroles ou dans ses choix vestimentaires. Il portait souvent des pantalons moulant avec des chemises aux couleurs bariolées, mais faisait toujours attention de ne pas tomber dans le cliché du gay efféminé. C’était un homme assez grand et fin, avec des cheveux de jais toujours impeccablement coiffé en arrière, se laissant pousser une barbe fine sur l’arête de sa mâchoire. Jack était aussi un garçon très naïf contrairement à son meilleur ami. Il se laissait facilement flatter par les belles paroles, et qui agissait souvent de manière impulsive. Il n’avait pas froid aux yeux, et comme il aimait dire, il n’avait rien à perdre. Simon quant à lui, était difficilement corruptible. Toujours méfiant, il agissait avec prudence et ne parlait jamais de façon hâtive. C’était quelqu’un que l’on ne pouvait pas impressionner facilement. En effet, il avait connu pas mal d’horreur et aujourd’hui plus rien ne pouvait le surprendre. Le duo insolite qu’ils formaient était certainement le plus solide que le Globe connaissait. Leur reportage avait souvent été encensé par les critiques.

– Bien, lança Joseph en tapant ses grandes mains sur la table. Jack et Simon vous partez en Syrie dans deux jours. Je vous laisse là-bas un mois et vous me rapportez des infos sur la situation actuelle. J’ai un ami qui a été reporter pour Fox News, je vais lui demander de vous transmettre toutes les infos qu’il a pour garantir votre survie. Quant à toi, Kaylah, j’ai quelque chose qui pourrait t’intéresser. Cela dit, je ne vais pas te cacher que cela est assez risqué, et qu’il te faudra une bonne couverture.

– Chef, vous n’allez tout de même pas…répliqua Simon avant d’être coupé net par le regard assassin d’Edwing.

– Parmi les actionnaires de VANHOOD Industries, nous avons une informatrice, Elizabeth Hawkwood. Elle s’est tournée vers nous après la mort de Sarah Penninghton, doutant de l’honnêteté d’Andrew.

– C’est elle qui a demandé à ce que l’on fasse un dossier d’investigation. Elle nous a donné tout ce qui concerne les finances de l’entreprise, précisa Jack pour m’aider à comprendre.

– Effectivement. Dans trois jours Andrew réunit tous les actionnaires et les salariés de VANHOOD Industries pour un cocktail. Du moins, il a prévenu les investisseurs importants qu’il avait une annonce importante à faire concernant le Laboratoire Penninghton. Elle a d’ores et déjà signalé qu’elle ne pourrait pas s’y rendre, mais leur a assuré que sa fille ainsi que son gendre seraient présents afin de la tenir informée. Au départ, Isabella devait y aller, mais pour les raisons que nous connaissons elle ne pourra pas s’y rendre. Quant à Jack, et Simon, ils seront en Syrie. Donc est-ce qu’il vous…

– C’est inconscient, souffla Simon en secouant la tête pour marquer sa désapprobation.

– J’irai. Je peux avoir une couverture assez rapidement, assurai-je avant qu’il ne revienne sur sa proposition.

– Il y aura probablement Charlie, rétorqua Simon comme s’il était en train de lâcher une bombe sur la table. S’il sait que tu es là, ou s’il te voit, l’enquête sera compromise et on aura fait tout ça pour rien.

– Il ne me reconnaîtra pas, répliquai-je sachant parfaitement quels moyens utilisés pour passer incognito.

   J’étais consciente que Charlie représentait une véritable menace. C’était un vrai chien de garde, dont il fallait que je me méfie. Je jouais à un jeu dangereux mais je n’avais pas d’autre choix. Je ne pouvais pas renoncer à cette investigation, j’en savais beaucoup trop maintenant. Je devais aller au bout. Je voulais découvrir la vérité. Obtenir les réponses à toutes les interrogations que ce dossier soulevait, peu importe les conséquences. Mon futur mariage ne constituait pas un frein, bien au contraire. Je désirais savoir dans quel monde j’allais évoluer en assumant le nom de Van Hood. Edwing clôtura alors la réunion en fixant la prochaine dans un mois. J’avais une heure et demie pour rejoindre Charlie au Plaza. Je m’apprêtai donc à quitter la salle de réunion quand Joseph m’interpella. Je me retournai face à lui, enfoncé dans son siège.

– Est-ce que je peux te poser une question ?

– Je vous en prie.

– Pourquoi t’engager dans quelque chose qui pourrait détruire ton couple ? Qui pourrait te mettre en danger ? s’enquit-il, comme si mes motivations lui échappaient.

– Comme je vous l’ai dit, mon frère a participé à ce test d’arme. Il en est revenu totalement changé. Je ne le reconnais plus et je veux savoir pourquoi. Qu’est-ce qu’il a subi pour être l’homme qu’il est devenu aujourd’hui. Donc, vous pouvez me croire, cela mérite tous les sacrifices. Je suis prête à sacrifier tout ce que j’ai pour connaître la vérité, répondis-je, sentant les larmes border le coin de mes yeux

– Je comprends, soupira-t-il sur un ton désolé. En tout cas tu as fait un très bon travail mais soit prudente Kaylah. Je n’aimerai pas perdre une journaliste aussi douée que toi, ajouta-t-il avant de retourner à son bloc-notes.

   Je souris victorieuse avant de quitter la salle. Je m’avançai dans le couloir, cherchant mon téléphone dans mon sac avant d’emprunter l’ascenseur. Les lourdes portes métalliques furent bloquées par le pied de Simon qui me rejoignit dans cette étroite cabine.

– Ça va ? articula-t-il gêné comme s’il avait envie de dire quelque chose mais ne trouvait pas ses mots.

– Oui…je suis juste en retard pour un dîner d’affaire, maugréai-je les yeux rivés sur mon téléphone qui me signifiait que Charlie avait tenté de me joindre à deux reprises.

– D’affaire ? releva-t-il en haussant un sourcil.

– Charlie veut que je l’accompagne pour un dîner avec des investisseurs. Il dit que ma présence fera qu’ils seront plus à l’aise, avouai-je en un long soupir abandonnant mon smartphone au fond de mon sac.

– Oh. Je vois….

– Il faut que j’agisse normalement, pour qu’il ne se doute de rien.

– Bien sûr, je comprends, dit-il avant de rester silencieux quelques secondes. En fait Kaylah, je voulais te dire commença-t-il tandis que nous sortions du bâtiment, que je n’étais pas vraiment d’accord avec la décision d’Isabella. Je n’étais pas le seul, Edwing aussi a fait part de ses doutes. Nous n’étions pas certains que tu prennes le risque de faire imploser ton couple. En plus, c’était un peu délicat dans la mesure où Andrew est ton beau-père…enfin tu vois. Isabella ne voulait pas revenir sur sa décision, alors que nous considérions tous que c’était assez…

– Inconscient, l’interrompis-je face à lui sur le parking.

– Oui… Enfin toujours est-il que tu m’as vraiment surpris ce soir. Tu as un fait du bon boulot. Je suis content que tu sois là.

– Merci, Simon. Ça me touche, avouai-je sentant la vraie Kaylah danser dans ses chaînes.

– Bon et bien…À dans un mois.

– Soyez prudent.

– J’essayerai de faire en sorte que Jack le soit surtout, dit-il en souriant amusé avant de partir.

    Mon inconscience brûlait en moi, incroyablement fière d’avoir déroutée, ceux qui m’entouraient, ceux qui pensaient me connaître sans les avoir éloignés de moi. Elle narguait ma raison, tournant autour d’elle répétant sans cesse qu’elle s’était trompée. La vraie Kaylah semblait de plus en plus confiante, prenant davantage de place. Ma raison, méfiante, continuait de la retenir, pressentant le drame à venir. Je démarrai ma voiture, activant le pilote automatique. J’en profitai pour saisir mon téléphone, regardant l’écran où son nom était affiché en toute lettre. J’hésitais. Ma conscience me hurlait à quel point c’était de la folie tandis que l’autre s’agitait comme un feu follet excité par cette idée. Je finis par prendre ma décision. J’envoyai mon message, attendant le cœur battant sa réponse. Anton ne tarda pas à me répondre. Il me demanda pourquoi Charlie ne m’accompagnait pas au cocktail de VANHOOD Industries. Je prétextai qu’il avait une réunion à l’autre bout du monde. Quelques secondes, plus tard, il accepta. J’esquissai un sourire en coin, tout en reprenant la conduite de mon véhicule. Au fond de moi, je savais que c’était mal. J’avais parfaitement conscience des pensées qui étaient les siennes. Cependant, il était le seul à pouvoir compléter le plan que j’avais en tête. 

   J’arrivai enfin chez moi, me précipitant sous la douche. Je n’avais pas beaucoup de temps. Charlie avait déjà tenté de m’appeler à trois reprises. Ce qui signifiait que j’étais vraiment en retard. Je me retrouvai sous l’eau brûlante qui venait mordre chaque recoin de mon corps. Je profitai de cette chaleur pour m’accorder quelques secondes de répit. Je fermai les yeux. Je sentis les gouttes chaudes glissées sur ma peau, contournant les plis de mes traits avant de s’attacher à mes lèvres. Mes cheveux tombant dans mon dos laissaient couler ce filet brûlant sur ma chute de reins. Mon esprit, respirant les vapeurs qui enveloppaient mon corps, s’enfonça dans les profondeurs de mon imagination. Libérée de toute raison. Je sentis mon cœur battre à tout rompre contre ma poitrine. Cette fièvre m’envahit à nouveau, comme une douce vague s’échouant sur les rives de ma conscience. Je souris. Il était là. Il semblait m’attendre. Ses yeux brillants se plantèrent dans les miens. Il s’avançait vers moi, avec cette démarche lente, féline. Son visage souriant avec malice, se tenait à quelques centimètres du mien. Je pouvais sentir son souffle sur ma peau, ses mains caressant mes épaules, son regard renfermant les secrets du danger le plus pur, de la tentation la plus brute. J’avais le souffle court. Mes mains sur son torse, je ressentais les vibrations de son rythme cardiaque. Son emprise se resserra autour de mon âme comme un étau, auquel je ne pouvais pas résister. Il m’ordonnait de me laisser aller, de me révéler à lui. Chaque cellule de mon corps était agitée par un désir ardent qu’il m’était impossible d’éteindre. Son menton piquant sur ma peau, réveillait un appétit charnel irrépressible. J’approchai mon visage du sien, sous le joug d’une attirance contre laquelle je n’étais pas capable de lutter.

     Ma raison me ramena avec violence à la réalité. Chassant du revers de sa main sévère toutes ces illusions. J’ouvris les yeux. J’étais à bout de souffle. Je sentis cette buée épaisse et tiède remplir mes poumons. Cette eau qui brûlait ma peau. J’arrêtai tout, m’enveloppant dans mes serviettes. J’enlevai la pellicule humide sur la surface lisse du miroir, pour apercevoir mon reflet. C’était une autre femme qu’il y avait devant moi. Vulnérable, ses yeux brûlant d’une flamme qui m’était inconnue. Ses joues rougies par la chaleur de ses désirs. Ses lèvres étirées en un sourire béat. Cette Kaylah, qui avait été endormie dans les tréfonds de mon âme, venait à nouveau me chercher. 

   Je ne pouvais pas la laisser faire. Baissant les yeux, je laissai ma conscience œuvrer pour la ramener d’où elle venait. Cette femme libre, légère, et heureuse avait été réveillée par un seul homme. Noah Elsen. Il avait, par un simple regard, rendu ses chaînes faibles. Il lui avait insufflé une force qu’elle ne soupçonnait même pas. Je ne l’avais pas revu, mais il hantait littéralement mon imagination. Il était devenu cette main qui me permettait durant un instant de m’échapper de cette réalité étouffante. Il permettait à la vraie Kaylah d’échapper au contrôle de ma raison. Seulement, je ne devais pas flancher. Il me fallait garder les pieds sur terre. Je ne le reverrais probablement jamais, et c’était probablement mieux ainsi.

   Je m’habillai d’un pantalon blanc fluide qui couvrait mes chevilles, et d’une simple veste blazer de la même couleur, avec juste en dessous, un soutien-gorge noir. Je mis également un collier plongeant en argent, incrusté de quelques diamants, ainsi que des boucles d’oreilles assorties. Je misai sur un maquillage assez sombre, recouvrant mes paupières d’une poudre noire, appliquant un crayon sombre et gras sous mes yeux qui fit ressortir le vert perçant de mes iris. J’allongeai mes cils d’un coup de mascara. Je recouvris mes lèvres d’un gloss qui donnait l’impression qu’elles étaient plus volumineuses et laissai mes cheveux onduler le long de mon visage. Je me chaussai d’une paire d’escarpins noir qui s’accordait avec mon long manteau en laine et ma pochette vernie. Je jetai un rapide coup d’œil au miroir avant de claquer la porte de mon appartement.

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