CHAOS³ Chap. 22 / 02 : Apocalypse Now

5 mins

    « Comment allons-nous faire pour nous sortir de cette purée d’enfoirés ? Désespéra Marina.

    Faut qu’on arrive à s’extirper de cette bande de connards qui veulent à tout prix prendre l’ascenseur. Au fait, il fonctionne ?

    Oui, ils ont démonté tous les éléments de sécurité et de blocage, et l’ont relié à une centrale électrogène. Le truc ressemble plus à un monte-charge de chantier qu’à un ascenseur. On peut y monter qu’à dix. Autant dire qu’on a le temps de voir la tour s’effondrer avant de pouvoir le prendre.

    Faut que l’on puisse accéder à la cage d’escalier. Elle se trouve où ?

    Juste à côté. De l’autre côté du hall. Mais ça va prendre des plombes pour descendre la cinquantaine d’étages à pied.

    On n’a pas le choix. Mais comment évacuer en passant à travers cette bande d’abrutis.

Soudain des coups de feu se firent entendre. La pression du flux de la foule se détendit un peu. Une voix nasale hurla à travers la mêlée.

« Putain d’enfoirés, laissez-moi passer. Laissez passer votre chef !

Des têtes se tournèrent vers le fond du couloir. Un silence partiel s’installa. Des gémissements de souffrance flottaient au sol, des grognements de peur et de colère émergeaient de la foule.

« Va te faire voir vieux débile ! fais comme nous, fais la queue !

    Ou jette-toi par la fenêtre, enfoiré ! T’arriveras plus vite en bas.

Une rafale de pistolet automatique arrosa le couloir. Des dizaine de corps tombèrent. L’entassement des nazis s’ouvrit comme la mer Rouge devant Moïse. Apparu le corps rachitique de A.H. encadré par le molosse qui m’avait tant martyrisé tenant une arme à feu fumante.

« Dégagez ! laissez-moi passer si vous ne voulez pas prendre du plomb dans le fion.

Irine accompagnait juste derrière le colosse, leur chef suprême. Nous nous recroquevillions un peu plus à couvert derrière les caisses en bois pour ne pas être vu. Des membres apeurés s’écartèrent sur les côtés du couloir, certains nous masquant un peu plus avec leurs jambes.

« C’est bien vous êtes de bons fidèles. Protégez votre bienfaiteur.

A la vue du canon de l’arme du colosse, la foule s’écarta petit à petit. A.H. progressait fièrement vers le hall comme si on lui faisait une haie d’honneur.

Une nouvelle forte explosion ébranla la tour. Elle vacillait dangereusement. Cette nouvelle déflagration fit éclater le semblant d’organisation du flux. La panique reprit de plus bel. Les nazis se désintéressèrent de leur gourou et du pistolet menaçant. Prendre une balle dans le dos, ou mourir dans l’incendie ou l’effondrement de la tour, quelle différence ? A.H. était bousculé de toutes parts. Le colosse mitrailla à tout va devant lui pour se frayer un chemin sur un lit de corps. Ils passèrent devant nous sans nous remarquer. Des hommes fidèles au leader fachiste gardait l’accès au monte-charge et avaient réussi à contenir la foule enragée. Le mur et l’encadrement de l’ascenseur avaient été démontés pour faciliter l’installation du nouveau système de traction par le groupe électrogène ne laissant aucune protection contre les chutes. Dans la bousculade, plusieurs personnes avaient déjà basculé dans le vide. La garde commençait à être submergée. Quelques-uns étaient agrippés et disparaissaient sous les coups de la foule, d’autres étaient poussés et tombaient rebondissant à mainte reprises sur les parois du puit de circulation de l’ascenseur.

Nous profitâmes de l’avancer du petit groupe qui composait la garde rapprochée de A.H. se frayant un chemin à coups d’arme à feu. Nous nous collâmes discrètement derrière deux hommes, à quelques centimètres à peine d’Iris et du molosse. Nous progressions plus surement à leur suite. Au moment d’accéder au grand hall d’ascenseur, nous nous extirpâmes de ce groupe de malheur, longeâmes le mur du hall vers un espace moins encombré de monde ; la cage d’escalier. Plusieurs personnes, un peu plus intelligentes que la moyenne, s’étaient déjà engagées dedans et d’autres suivaient à nos côtés. Je ne savais pas s’ils nous reconnaissaient ou pas, mais ils ne nous portaient pas plus d’attention que ça. L’important était ailleurs. Sauver sa peau à tout prix. Avant de pénétrer dans ce profond puit de marches, nous entendîmes de nombreuses déflagrations de pistolets, des hurlements, un claquement métallique violant et une succession de bruits assourdissants plongeant à travers les étages. C’était surement la chute de l’ascenseur qui avait cédé sous la charge, les balancements, et l’usure des points de fixation du système entier, surement aidée par les secousses répétées des impactes de missiles. J’espérai que cet horrible individu de A.H. se trouvait dans cette ascenseur en chute libre, et qu’il allait s’écraser comme une merde. Le haut de mon corps n’était que souffrance, mais mon instinct de survie m’avait redonné un regain d’énergie dans les jambes. Tant mieux, c’était l’outil principal pour descendre cette cinquantaine d’étages. Bras dessus bras dessous avec mon assistante de vie Marina, nous dévalions les marches à une vitesse insoupçonnée. Nous arrivions déjà au 25ème étage quand une forte déflagration d’une grande intensité fit trembler l’immeuble, faisant pleuvoir des bouts de plâtre et de béton sur nos têtes. La secousse nous déséquilibra et nous chutâmes la tête en avant. Fort heureusement, il ne nous restait plus que trois marches avant d’accéder au palier de l’étage. La chute fut quand même douloureuse. Nous glissâmes de tout notre long sur le béton ciré avant de percuter le mur du fond. Même pas le temps de penser à la douleur ou aux blessures que cela avait pu provoquer, nous reprîmes notre descente infernale de plus belle. L’accumulation des virages dans ce manège sans fin commençait sérieusement à me donner le tournis. 15ème, 10ème, 5ème étage, nous y étions presque. Une chape de chaleur envahissait la colonne d’escalier. Pourvu que nous ne soyons pas coincés par un incendie, par un mur de flammes. La mort par le feu me terrorisait au plus haut point. Je crois que je préférais mourir par le froid, une lente léthargie glaciale, un sommeil pour le trépas. Surement une mort que je fantasmais. Les quatre derniers étages étaient une épreuve, une plongée dans une étuve brulante. Plus de doute, un incendie se propageait dans ces niveaux. La cage d’escalier nous protégeait encore des flammes. La fournaise se dissipa quelque peu, arrivés au dernier étage. Le rez-de-chaussée devait encore échapper au feu. Nous l’espérions de tout cœur. Plus le temps de cogiter. Nous arrivions à la porte coupe-feu de sortie sur le RDC. Deux fuyards nous précédant ouvrirent le passage sans précaution. Nous avions stoppé notre descente au palier intermédiaire craignant un souffle de flammes. Rien ne se passa. Les individus s’engagèrent dans le grand hall d’accueil. Sans attendre nous les suivîmes. Aussitôt dans le hall, une forte chaleur au-dessus de nos têtes nous fit nous baisser. Le faux-plafond s’était embrasé. Les flammes dansaient comme les ondulations d’une mer flamboyante inversée. Des plaques entières tombaient transformant l’accès vers la sortir de la tour en parcours du combattant. Une forte explosion meurtrissait à nouveau le bâtiment. Nous n’étions plus loin du coup de grâce. Des parois de plâtres basculèrent pour éclater sur le sol dallé. Les carreaux de marbre se disloquaient et dansaient sur le sol comme le mélange de pions avant le choix des lettres d’une partie de scrabble. Les portes extérieures semblaient si proches, et si loin en même temps. Nous nous regardâmes une dernière fois pour rechercher le surplus de courage dans les yeux de l’un et de l’autre. Puis nous courûmes à perdre haleine.

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