Je ne suis pas en train de grelotter au fond de mon lit avec de la fièvre. J’expérimente le fait d’être totalement aveugle du nez et de la bouche. Ce n’est pas « avoir le nez bouché » avec des crottes de nez à foison dans les narines qui empêchent l’air de circuler et de sniffer ce que tu manges. Non. C’est autre chose. Un truc que même les scientifiques n’expliquent pas encore.
Je sens l’air circuler dans mon nez qui pique. C’est comme si j’allais éternuer en permanence mais le cerveau bloque l’éternuement car sinon, ça serait un éternuement sans fin. Au début, j’avais mal à la tête et je ressentais de la panique à cause des médias. C’est un « étoufflement » dans la poitrine qui m’empêche d’être tranquille. C’est plus fort qu’un essoufflement et moins trash qu’un étouffement. C’est comme si quelqu’un marchait sur ta poitrine mais qu’il n’y met pas tout son poids. Et puis, je dors, je dors beaucoup. Je mets mon nez dans une bougie à la vanille ; rien. Je vais me recoucher. Je me fais trois crêpes : une nature, une au sucre, une au chocolat. Les trois sont semblables. A présent, je mange des bols de tomates cerises. Je veux des carottes à la moutarde et je me fais du citron pressé en cul-sec. Les kinders et la clope n’ont plus d’intérêt et je ne différencie plus l’eau chaude d’un café.
En quelques heures, le corona a pris l’essence de ce que j’aimais : Sentir et ressentir. Surtout en ce début de confinement où on est « obligé » d’être centré sur soi, d’être à l’arrêt, j’ai déjà l’impression d’oublier. Oublier l’odeur de la tête de mon chien quand je lui fais des bisous, le goût d’un jus d’orange pressé, l’odeur de mon maquillage ou d’un gel douche, l’odeur d’un autre être humain. Je n’arrive plus à me sentir. Mes symptômes me font vivre le fait que l’existence n’a plus d’odeur.
Le « vide » dans l’appellation de cette maladie prend tout son sens. J’expérimente l’absence.
Je vois (peut-être à tort) du Despentes dans la forme. J’aime bien.