Anthony était en train de sortir le gâteau d’anniversaire du four quand soudain, il entendit sonner à la porte.
L’homme jeta un œil à sa montre et esquissa un sourire, c’était elle! la star de la fête, pour qui il se donnait tant de mal.
Il ouvrit lentement la porte, pour faire durer le suspense.
C’était Hailey sa petite voisine de palier, elle portait une robe mauve et tenait dans ses bras un encombrant ours en peluche beige.
La fillette fit signe à Anthony de s’agenouiller à sa hauteur, puis elle lui murmura à l’oreille : « j’ai invité Monsieur Tweeney, je ne voulais pas qu’il se sente seul, tu comprends ? »
Pour toute réponse, l’homme serra solennellement la patte de la peluche, et dit avec un large sourire : « bienvenue Monsieur Tweeney ! »
Il fit entrer la fillette dans le salon.
Anthony avait accroché des ballons et des peluches colorées sur les coins des murs, au centre de la pièce se trouvait une petite table décorée de petites breloques étincelantes.
Les yeux d’Hailey pétillaient, Anthony n’était pas peu fier.
– C’est trop beau, tu es le meilleur voisin du monde Anthony ! S’exclama la gamine.
– Oh ce n’est pas grand-chose, répondit l’homme en feignant la modestie.
Clara, sa femme était partie travailler tôt ce matin.
Il était enfin seul avec la petite, cela faisait si longtemps qu’il attendait ce moment.
– Bon ! le gâteau est presque prêt, tu peux aller t’installer.
Hailey obéit et s’assit sagement à la table d’anniversaire. Elle enfila un petit chapeau pointu, et posa Monsieur Tweeney à ses côtés.
Anthony ne tarda pas à revenir avec le gâteau et un sac de bonbons, Hailey se mit à frapper dans ses mains avec enthousiasme.
C’était un gâteau au chocolat traditionnel agrémenté de crème chantilly, Anthony avait placé huit bougies.
Tout était parfait songea le jeune homme, la décoration et le gâteau plaisaient à la petite, ils étaient seuls, personne ne pouvait troubler ce moment parfait.
Alors qu’ Hailey avait soufflé ses bougies et était en train d’engloutir sa part, Anthony se racla la gorge et dit : “tu sais Hailey, tu comptes beaucoup pour moi.
“
– C’est normal, on est amis ! répliqua la fillette.
– Oui, mais c’est bien plus que cela, nous partageons un lien très précieux tous les deux, tu comprends ? Hailey, tu m’écoutes ?
Le regard de la fillette fixait avec intensité quelque chose au plafond.
Anthony se retourna, quand brusquement, une peluche rose pâle en forme lapin tomba sur le gâteau, en plein milieu de la table.
Hailey porta une main à sa bouche et se retint d’éclater de rire.
– Ah, c’est pas vrai ! fulmina Anthony.
– Ce n’est pas si grave, ne t’inquiète pas répondit la fillette en prenant une poignée de bonbons. Anthony ne répondit pas, il prit le maudit lapin et se dirigea vers le lavabo, mais au moment où il s’apprêta à le rincer, la peluche glissa littéralement entre ses doigts et se mit à flotter au-dessus de la pièce.
Anthony sentit un frisson d’angoisse le parcourir, il ne pouvait pas croire à ce qu’il voyait, il était en train de rêver, c’est sûr !
L’homme se tourna vers Hailey, la petite fille était montée debout sur sa chaise, son visage était partagé entre l’inquiétude et l’excitation. Elle pointa du doigt le plafond, une fois de plus.
Anthony faillit sursauter lorsqu’il vit trois animaux en peluches qu’il avait pourtant attachés ensemble, en train de léviter au dessus de sa tête.
Les peluches foncèrent droit sur lui, l’une d’elles le heurta violemment à la tempe.
Anthony tomba au sol, presque assommé. Ce n’était pas normal, comment était-il possible qu’ une peluche douce et soyeuse puisse lui causer un tel choc ? C’était absurde, et pourtant…
L’homme massa sa joue endolorie, quand il ouvrit les yeux, Hailey se tenait à quelques centimètres de son visage.
Elle faisait peur à voir, son visage était comme figé, son sourire formait un rictus tordu et moqueur qui ne lui correspondait pas du tout.
– Hailey ? Que se passe -t-il ? murmura l’homme avec effroi.
Pendant quelques secondes, le visage de la fillette demeura impassible, puis elle dit d’ une voix étrangement rauque : « tu voulais jouer avec moi Anthony ? Alors jouons maintenant ! »
Puis elle se précipita de nouveau sur sa chaise et étreignit son ours en peluche.
Anthony se redressa péniblement sur ses genoux, et commença à ramper en direction de la fillette, tel un lion affamé.
– En garde ! s’écria -t-elle de sa voix de nouveau enfantine, en lançant une poignée de confettis dans les airs.
Anthony n’eut pas le temps de comprendre ce qu’il se passait, quand soudain des dizaines de peluches de toutes les couleurs lui tombèrent dessus, ralentissant sa progression. Pendant ce temps, Hailey frappait joyeusement dans ses mains en dansant sur sa chaise.
Anthony parvint à se relever, mais les peluches le frappaient de partout : un coup dans la tête, dans les jambes, la mâchoire, les côtes, encore et encore !
Il avait beau se débattre et en repousser quelques unes, elles revenaient toujours sur lui, comme si elles étaient animées d’ un désir de vengeance.
Et la jeune Hailey continuait de danser joyeusement, était-t elle en transe ?
– Hailey, arrête ça tout de suite ! cria l’homme à bout de nerfs.
La fillette lui lança un regard sombre, puis d’un coup l’électricité se coupa, et toute la maison entière fut plongée dans le noir.
Anthony sursauta et cligna plusieurs de fois des yeux, c’était un véritable cauchemar, comment était-ce possible ? Il se pinça le bras, non c’était bien réel, mais où était passé Hailey ? Et les peluches en folie ?
Anthony marcha dans le noir en essayant de tâter les murs de la pièce, mais il n’y avait absolument plus rien autour de lui.
Il avait beau appeler Hailey, elle ne donnait pas le moindre signe de vie.
Bientôt il entendit un rire enfantin, l’homme se laissa guider et courut en direction des petits rires moqueurs.
Soudain, Anthony sentit un poids s’abattre sur ses épaules, et des petites mains caressant tendrement son cuir chevelu.
– Hailey ? Qu’est-ce que…qu’est-ce que tu fais ? bégaya l’homme en maintenant la fillette sur ses épaules, pour éviter une chute malencontreuse.
– Hailey… Qu’est-ce que…qu’est-ce que… répéta la gamine comme un perroquet, tout en abattant ses mains sur les yeux d’Anthony.
– Tu vas être aveugle toute ta vie maintenant !
– Arrête ça suffit!
Anthony serra violemment les jambes de la petite entre ses mains, mais la fillette riposta en lui tirant vigoureusement les cheveux, puis elle se volatilisa d’un coup.
Anthony pesta, en remettant ses cheveux blonds en ordre.
Le jeu avait assez duré, et ce n’est pas du tout ce qu’il avait prévu, il fallait en finir.
Comme si ses pensées les plus sombres avaient été entendues, un mur de peluches multicolores apparut dans l’obscurité et s’étendit de plus en plus, jusqu’à former un cercle pour l’emprisonner.
Au centre de la muraille, se trouvait ce maudit Monsieur Tweeney, son air sympathique prenait une tout autre dimension pour Anthony.
L’homme se redressa et tenta de s’échapper, en vain, il tenta de creuser des espaces entre les animaux touffus, mais il se fit engloutir.
Noir, tout était noir.
L’homme se réveilla en sueur, et lança des regards inquiets autour de lui, mais tout était calme dans la chambre.
Sa femme dormait profondément.
Anthony se calma, et enfouit son visage dans l’épaisse chevelure de Clara.
Ce n’était qu’un rêve, ce n’était qu’un rêve…du moins il l’espérait.
Chargé d’émotions, troublant, cet écrit est pour moi très fort. Les circonstances et les causes sont différentes, mais elles me remémorent les nombreuses années où les nuits étaient rythmées de cauchemars et de terreurs nocturnes…
Merci beaucoup! le travail artistique de Mike Kelley m’ a inspiré cette petite histoire.
Cet artiste questionne le monde de l’enfance, son aspect inquiétant/ l’intime/ l’humour noir…
J’ai adoré, merci Maéva !
contente que cela t’aie plu!