En Forêt Noire, dans un village appelé Schönwald, une horloge coucou accrochée au mur d’une cuisine était soucieuse. La maison dans laquelle elle se trouvait elle la connaissait bien, elle y vivait déjà depuis plusieurs générations. On prenait bien soin d’elle, elle était astiquée et ses rouages mécaniques bien huilés. Cependant à son grand désarroi elle constata que son oiseau mécanique déraillait quelque peu, le son perdait de sa clarté et la tonalité devenait moins juste.
Même le vrai coucou du jardin, quelque peu jaloux d’une concurrence déloyale, reprenait de son assurance et venait à se moquer d’elle. A chaque nouvelle heure celui-ci s’approchait de la fenêtre et chantait en même temps qu’elle, lui démontrant ainsi une différence de son très notable ! Il exultait de ce retournement de situation, quelle joie pour lui !
Marie, la maitresse des lieux, tout en cuisinant se rendit compte des nombreux couacs de l’horloge. Il n’y avait pas qu’elle d’ailleurs, les enfants eux aussi constatèrent cet état de fait. Ils se dirent qu’ il faudrait vraiment changer de pendule. Désappointée et inquiète, l’horloge coucou dans son fort intérieur pensait : ” Mon dieu que va t-il m’arriver ? Ils vont me jeter au rebut ou alors ils vont me décortiquer et me vendre en pièces détachées ?”. Elle était une pièce de collection, elle le savait, que pouvait-elle faire d’autre ? A chaque moment où elle devait entrer en action, quelques instants avant, elle se concentrait et recentrait autant qu’elle le pouvait toute sa mécanique mais cela ne suffisait plus, le son n’était plus aussi beau. Epuisée, son bois se ternissait et perdait de son lustre, elle devenait un objet quelconque, presque inutile. Désespérée elle s’apprêtait au pire. Même si elle souhaitait se cacher dans un trou de souris pour ne pas voir sa déchéance elle s’efforça de faire du mieux qu’elle pouvait.
Un jour, Marie excédée la décrocha du mur et l’emmena chez l’horloger. Le diagnostic n’était pas favorable, la pièce à changer ne se faisait plus, elle était trop ancienne. Marie fût contrariée par cette nouvelle et le soir au moment du diner la petite horloge fut l’objet d’une discussion familiale. Qu’allait t-on faire d’elle ? Il n’existait pas cette pièce détachée et pourtant on ne pouvait pas s’en séparer c’était un souvenir de famille.. Soudain le benjamin dit: “Maman pourquoi ne pas la créer au laser en 3D ? à l’école ils le font “.
Chose dite chose faite, la pièce fut conçue et remplaça l’autre défectueuse. La petite horloge fit un essai, quel chant voluptueux ! Le miracle était là et c’était encore bien mieux qu’avant ! Le son était net et encore plus pur à celui du vrai coucou. Folle de joie elle reprit sa place dans la cuisine, très fière d’elle. A nouveau elle resplendissait, son bois redevenait scintillant et son ensemble illuminait la pièce.
Pourtant elle pensait à l’oiseau du jardin. Elle lui proposa aux heures de la journée d’alterner leurs “coucous”, la famille n’y verrait que du feu ! La différence était si subtile .. C’est ainsi que l’horloge et le coucou se perfectionnèrent ensemble, les passants s’arrêtaient même pour mieux entendre ce cantabile. Au fil du temps ils devinrent amis et les oiseaux de la forêt en fins connaisseurs ne les appelèrent plus les coucous mais” les inséparables”.
Ce petit mot “inséparable”, qui ne fait pas de différence entre le vrai et le faux, ne signifie t’il pas tout simplement qu’une bonne entente peut engendrer une perfection que chacun est à même de savourer ?