Il est penché sur la feuille le stylo à la main. Il réfléchit, comment expliquer les raisons de son départ ? Il a 60 ans et sa vie est faite. Ses enfants sont pratiquement autonomes alors il désire faire son choix. Celui du cœur ou de la raison? Il a décidé celui de la raison. Il est propriétaire et sans emprunt, après tout son départ ne peut nuire à personne financièrement, seuls les sentiments des siens peuvent se trouver en exergue mais comme on dit ‘l’argent peut adoucir la douleur”. Oh non ! aucune ironie ni perfidie quelconque à ce sujet, son choix est là.
Pour la santé, il “toussote” beaucoup et ça ce sont ses cigarettes fumées, si récentes et si anciennes. Il est fatigué, il a l’impression que la vie est un éternel recommencement ; tant de situations déjà vues et revues… C’est comme une soupe que l’on ressort tiède…fadasse… Il se gratte le dos, le pull en laine épaisse n’est pas du meilleur confort mais ça il le sait, alors pourquoi il n’a pas choisi un autre vêtement ? hé bien parce qu’un jour ou l’autre il le remettra par inattention, à quoi bon ?
Comment décider de son départ ? à la maison ou en Suisse chez certaines sociétés qui pratiquent l’euthanasie ? Oh certes il y a pensé maintes fois, pourquoi subir sa mort plutôt que de la choisir ? Il est encore sain d’esprit et de corps, c’est le moment ou jamais, il souhaite rester maître de son corps et de sa vie même si celle-ci a été si souvent malmenée. Il surfe sur internet et annote les informations recueillies à ce sujet là, le temps passe comme une inadvertance de la vie.
La tombée de la nuit qui l’oblige à éclairer la pièce le fait tressaillir, le temps lui est imparti, vite il faut agir ! Sa compagne Germaine doit arriver d’un instant à l’autre et rien n’est préparé il avait complétement oublié ! Il lance le feu de cheminée et prépare sa marinade pour des gambas qui seront flambées au pastis. La dorade, elle, sera cuite au four avec du thym sauvage, huile d’olive et une lichette de vin blanc. Tout sera prêt à temps pour le souper. Une fois tout en ordre , il allume une cigarette et se dit : ” Ce soir tous les deux on va se régaler et pour Internet ça peut attendre”.
Le sourire qui se dessine sur son visage, à cet instant précis, n’est que le paysage de la joie, celle de profiter de l’instant présent . L’instinct de survie et la vie elle-même nous amènent à savourer des moments précieux qui peuvent nous faire changer d’avis .