Chapitre 2 – Zone d’ombre

5 mins

Les journées paraissaient très longues pour Desideria. Elle n’avait que peu de visites même si Aiolia venait de temps à autre afin de prendre de ses nouvelles. C’est ainsi qu’elle sut comment elle était arrivée au sanctuaire. Cela faisait trois semaines qu’elle restait enfermée dans la chambre à regarder par la fenêtre depuis son lit. Elle ressassait sans cesse cette atroce scène qu’elle gardait en mémoire. Cet homme qui la poursuivait voulait sa mort. Il l’avait traité de sorcière avant qu’elle prenne la fuite. Les gens sont totalement stupides et pourtant c’était de sa faute s’ils pensaient cela. Elle n’aurait jamais dû ouvrir sa bouche au sujet d’un orbe fantomatique qu’elle avait vu étant plus jeune. Rien ne se serait passé. Si elle en avait parlé au Grand Pope, l’aurait-il cru ? Ou l’aurait-il plutôt prise pour une folle ?

Dès qu’elle eut l’accord du médecin, la jeune femme commença à marcher à nouveau avec la béquille sous le bras. Elle avait encore un peu mal mais c’était bien plus supportable qu’avant. La demoiselle resta à l’entrée de l’infirmerie, se réchauffant grâce au soleil. Le ciel semblait bien dégagé et était fendu par moment par les oiseaux chanteurs. Elle entendit des cris de douleurs venant d’un côté, rythmés par des bruits étranges et des coups. La jeune femme se dirigea doucement et curieusement en direction de cette cacophonie. Elle progressa lentement vers le stade où deux guerriers s’affrontaient. Quelques personnes assises dans les gradins observaient et analysaient le combat. Cela devait être un entraînement. Les coups étaient rudes, brusques et certains dépassaient l’entendement. Mais où se trouvait-elle ? Ces guerriers étaient-ils des sorciers ?

« Nous sommes les chevaliers d’Athéna. Tu ne viens pas d’ici, qui es-tu ?

La jeune femme tourna la tête sur sa gauche et vit un grand homme. Ses cheveux sombres descendaient jusqu’aux épaules. Il était habillé en jaune et portait une armure d’argent.

– Je m’appelle Desideria. Je suis arrivée ici il y a environ trois semaines.

– Moi c’est Astérion des Chiens de chasse. Tu t’es battue ?

– Quoi ? Non, je ne suis pas une guerrière.

– Alors comment t’es-tu blessé le pied ?

– Je suis tombée dans les montagnes. « D’ailleurs je maudis cet homme qui m’a poursuivi, pensa-t-elle. Pourquoi a-t-il fallu qu’il me pourchasse ? J’aurais dû partir bien avant. Oh, j’espère que d’autres ne s’en prendront pas à ma famille. Ils doivent être morts d’inquiétude. Il faut que je guérisse rapidement. Je ne peux pas rester ici éternellement. »

– Tu sembles préoccupée. Si tu as des soucis, on peut envisager de trouver une solution.

– C’est gentil mais je ne voudrais pas vous ennuyer.

– Tu sais le Grand Pope n’aime pas les cachotteries.

Desideria fut surprise par cette remarque. « Le Grand Pope se doute donc que je ne lui ai pas tout dit ? Mais je ne peux pas tout lui dire, il me prendra pour une folle. C’est ridicule, je ne peux pas avoir un tel don. » Elle tenta de cacher sa crainte.

– Pourquoi me dites-vous ça ?

Astérion n’eut pas le temps de répondre. Un autre jeune homme blond aux yeux bleus, d’une grande taille et portant aussi une armure d’argent était venu les rejoindre. Il s’agissait de Misty du Lézard.

– Pourquoi embêtes-tu cette demoiselle Astérion ? C’est toi la fille qui fait l’objet des rumeurs ?

– Quelles rumeurs ?

– On dit juste qu’une femme a réussi à s’infiltrer dans le sanctuaire.

« Mais enfin, je n’ai pas cherché à m’infiltrer. Je n’ai pas eu le choix. »

– N’aie pas peur, reprit Misty. Si le Grand Pope voulait t’emprisonner, tu serais dans une cellule depuis longtemps.

– Excusez-moi mais, il a dit qu’on allait rechercher mon agresseur. L’avez-vous trouvé ?

– Pas encore, répondit Astérion, on continue les poursuites. Argol est sur le coup et je suis sûr qu’il le trouvera. Au fait, ça fait trois semaines que tu es là. Mais où vis-tu ?

– Pour le moment je reste à l’infirmerie. Après je ne sais pas où j’irai.

– Tu peux venir vivre chez moi, suggéra Misty. Je serais ravi de t’accueillir.

La demoiselle n’appréciait pas vraiment cette idée. Ces hommes lui étaient inconnus. En fait elle ne connaissait pas grand monde.

– Elle est à peine arrivée que tu veux déjà lui mettre le grappin dessus Misty, fit Astérion en souriant. Mais tu serais en sécurité avec lui Desideria.

– Desideria ? Quel nom ravissant. Je peux te servir de garde du corps si tu veux.

Elle lança un sourire jaune.

– C’est gentil. Je vais retourner dans la chambre, je commence à rattraper mal.

– Veux-tu que je te porte ? questionna Misty.

« Non, non, non ! Surtout pas. » pensa-t-elle.

– Non merci, ça va aller, répondit-elle bien sagement. L’infirmerie n’est pas si loin.

– Tu ne veux pas être dans les bras du plus beau des chevaliers ? Non du plus bel homme sur cette Terre.

« Alors comment lui dire sans le frustrer que la beauté est très subjective ? »

– J’aimerais retrouver mon autonomie le plus vite possible. M’assister ne m’arrangera pas.

– Je peux au moins t’accompagner ? Au cas où tu tomberais.

« Mais quel pot de colle ! Se rend-il compte qu’il est effrayant plutôt qu’autre chose ? »

– Bon d’accord, si vous y tenez.

– Ne te déshabille pas trop vite Misty, se moqua Astérion. Ne fais pas peur à notre invitée. Je dois aller voir le Grand Pope. »

Desideria n’était pas du tout rassurée. Elle s’éloigna en étant suivi de près par le jeune homme. « Tu ne veux vraiment pas que je te porte ? Tu peines à marcher » insista le jeune blond. Mais la jeune femme refusa en se contenant. Toutefois elle espérait qu’il la laisse tranquille une fois arrivée. Seulement celui-ci resta un moment. N’avait-il pas besoin de s’entraîner lui aussi ? Le jeune homme ne parla de lui. Il paraîtrait que personne ne l’avait vaincu et qu’il avait envoyé au tapis ses adversaires en un seul coup. Était-ce vrai ou était-il juste beau parleur ? Astérion se présenta au palais du Grand Pope. Bien ancré dans son fauteuil, celui-ci l’écoutait attentivement. Le chevalier l’avertit que la demoiselle n’était pas aussi nette qu’elle voulait le faire croire. Et Argol n’avait pas encore donné de nouvelles concernant l’autre intrus. Si jamais on le retrouvait, peut-être pourraient-ils en savoir davantage sur elle.

« Je ne pense pas qu’elle soit dangereuse pour nous. Elle semblait plus inquiète pour sa famille que pour elle-même.

– Je m’interroge sur la raison de sa poursuite. Ce n’était certainement pas pour rien qu’il la pourchassait. J’espère qu’Argol reviendra vite avec de bonnes nouvelles. On ne peut pas laisser vagabonder cet individu sans surveillance. De ton côté, essaie de lui soutirer quelques informations. Fais-lui comprendre qu’elle ne doit pas nous prendre pour des imbéciles.

– Il faudra également la surveiller. Je ne pense pas qu’elle restera ici sans faire une tentative de fugue.

– Je lui offrirai une autre chance de me dire la vérité. Si elle refuse, je donnerai des directives.

– Bien Grand Pope.

– Tu peux disposer. »

Le chevalier d’argent s’inclina et tira sa révérence. Le chef n’avait pas du tout apprécié que Desideria lui cache certaines choses. Cependant il s’en doutait quand même. Astérion venait simplement de lui confirmer ses soupçons. Le chevalier d’argent lui avait parlé d’un don. Mais de quel don s’agissait-il ? Finalement elle pourrait être plus dangereuse qu’il ne le croyait. Elle ne devait pas se mettre en travers de son chemin, surtout pas ! Elle lui avait promis de ne pas aller au Star Hill. Tiendra-t-elle sa parole ? Il s’inquiétait sûrement de trop. C’est une femme menue, faible et sans défense. Elle serait incapable d’y accéder. Ce lieu est truffé de pièges. Il la voyait mal se rendre là-bas. De plus elle avait l’air farouche lorsqu’il est allé la voir. Il ne l’imaginait vraiment pas lui désobéir. Il valait mieux pour elle si elle ne voulait pas finir dans une sombre cellule jusqu’à la fin de sa vie. Toutefois, Astérion soupçonnait une éventuelle tentative de fugue. Il faudra donc renforcer la surveillance.

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