Chapitre 3 – Un regard fascinant

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Quelques jours après sa rencontre avec les deux chevaliers, Desideria eut la visite du Grand Pope. Cette fois, elle fut plus stressante que la première. En fait, elle ne s’attendait pas à le voir si tôt et cela la perturbait. D’ailleurs le grand chef sentait sa crainte si palpable. Il était assit sur une chaise juste en face du lit et fixait la jeune femme. Le masque qu’il portait la protégeait finalement d’un regard accusateur. Il resta un long moment sans prononcer le moindre mot, laissant planer une atmosphère tendue afin de déstabiliser la demoiselle. Puis il brisa brutalement le silence d’une façon inattendue.

« Comment va votre blessure ?

Au vu de la gêne qu’elle ressentait à son égard, elle fut stupéfaite par cette question. Elle s’attendait plus à un regrettable interrogatoire.

– Elle guérit plutôt facilement. Le médecin dit que je pourrai bientôt sortir.

– Tu sais que tu dois rester aux alentours du sanctuaire. Tu ne viens pas de Rodorio, sinon je t’aurais déjà aperçu.

– Rodorio ?

– Le seul village auquel tu es autorisée à aller. Il y a une maison située entre le sanctuaire et Rodorio. Il y a longtemps qu’elle est abandonnée. Tu t’y installeras. Tu seras assez près du village pour aller faire tes courses. Aussi tu resteras à portée du sanctuaire.

– Pourquoi ne puis-je pas partir ? Je ne pourrais jamais revoir ma famille ?

– Personne ne doit connaître l’emplacement du sanctuaire, excepté les gens qui ont affaire avec nous. Je ne peux pas prendre le risque que tu sois interrogée.

Desideria baissa les yeux, marquant une profonde déception.

– N’aie pas l’air surprise. Je t’avais prévenu que tu resterais au sanctuaire. Et ne songes pas t’exiler en douce, tu ne ferais que revenir sur tes pas.

– Mais si j’ai su venir, lui fit-elle en le regardant à nouveau, il doit bien y avoir moyen de repartir.

– Je te l’interdis ! Sinon je devrais te faire exécuter !

– Mais pourquoi ? Je ne dirai rien personne.

Le Grand Pope se leva furieusement.

– C’est un ordre ! Tu resteras parmi nous, que ça te plaise ou non !

La demoiselle eut si peur qu’elle recula dans le fond de son lit en le fixant telle une bête effrayée. « Tu vois bien que tu lui fais peur, lui fit remarquer l’autre, je pense que tu l’as suffisamment dissuadée. » Le chef se rendit compte de son emportement alors il prit un instant pour se calmer.

– Tu m’obliges à te crier dessus Desideria. Je ne le voulais pas. Les ordres que je te donne sont pour ta propre sécurité, même si tu ne les comprends pas. Je ne voudrais pas qu’il t’arrive malheur à cause de nous, prétexta-t-il. Tout fuyard est considéré comme un traître et est d’office exécuté ; telle est notre loi. Je ne pourrai pas y déroger si tu tentes une fugue. Ne me déçois pas. »

Après cette intimidation, le Grand Pope sortit de la chambre. La jeune femme sentit les larmes lui monter aux yeux. Elle maudissait cet homme de l’avoir attirée ici ! Pourquoi a-t-il fallu qu’il la pourchasse ?! Pourquoi Aiolia l’avait amenée au sanctuaire ! Il suffirait qu’elle retrouve le chemin emprunté pour arriver dans ces montagnes. Mais vers où se tourner ? Inconsciente durant le trajet, il lui était impossible de le savoir.

La semaine suivante, le médecin l’autorisa à partir de l’infirmerie. Elle ne devait pas faire de folie mais elle pouvait aller aisément sans le bandage. Astérion fut chargé de l’accompagner jusqu’à sa nouvelle maison. Cette fois, il y avait plus de monde dehors ; beaucoup de chevaliers d’argent et quelques uns portaient une armure d’or. Le Grand Pope aussi était présent. Elle s’éloigna à pas modéré, son sac besace mis en bandoulière. Mais Arlès lui demanda de s’arrêter et de venir le voir. Alors la jeune femme s’avança doucement. Que pouvait-il bien lui vouloir ? Elle espérait ne pas être grondée comme la dernière fois. Elle se dirigea vers lui un peu déconcertée.

« Toute seule dans cette maison, tu va finir par tourner en rond. Ne reste pas enfermée. Il n’y a pas uniquement des cours et entraînements au combat ici. Il y a aussi une bibliothèque et un conservatoire. Je vais voir où tu pourrais postuler. As-tu une préférence entre les deux ?

Ce discours surpris grandement la demoiselle. Le Grand Pope serait-il lunatique ?

– La bibliothèque me plairait assez.

– Bien, je vais voir ce que je peux faire. Tu peux y aller. »

Desideria le salua timidement puis s’en alla avec Astérion. En regardant autour d’elle, la demoiselle aperçut les quelques chevaliers d’or qui étaient là et un duo retint son attention. L’un des deux avait une telle prestance ; elle le trouva fort élégant. Les cheveux foncés allaient de paire avec ses yeux bleus. Son regard semblait strict et pourtant si captivant. D’ailleurs elle eut du mal à s’en défaire. Devait-elle le craindre ou être plutôt admirative ? Néanmoins elle remarqua que son collègue affichait un air rieur sans toutefois le manifester à outrance. Le regard de la jeune femme prit alors la fuite. Elle suivit Astérion sans se prononcer davantage. Elle se doutait que ce chevalier d’or faisait des messes basses à son sujet au bel homme.

La demoiselle eut un doute. Elle s’interrogeait sur le poste. Elle aurait peut-être plutôt dû choisir le conservatoire. Elle aimait aussi le chant, elle faisait partie de la chorale de son village. C’est une chose qui risquerait fortement de lui manquer. Toutefois il était trop tard. Elle ne voulait pas faire tourner bourrique le grand chef. Finalement la maison était assez proche du sanctuaire, cependant elle avait un cruel besoin d’entretien. Elle était petite et possédait une pièce à vivre avec un foyer, une chambre et les sanitaires. Elle était pleine de poussières. Même le balai, croulant sous cette tonne de toiles d’araignées, semblait supplier pour être épousseté.

« Un autre lit va arriver. Tu ne vas pas dormir sur cette vieille paillasse miteuse. Des hommes viendront tout à l’heure te l’amener. Elle acquiesça en lui souffla un triste merci. Ça ne va pas ? Si tu as besoin d’un coup de main, je peux appeler quelqu’un ?

Elle hocha la tête.

– Quand j’étais à l’infirmerie, je ne me rendais pas compte que j’allais vraiment rester ici. Le Grand Pope m’avait parlé de cette maison, pourtant ça me semblait loin dans le temps. Maintenant je suis là, ça se concrétise. « Je me sens vide à un point tu ne peux pas t’imaginer » pensa-t-elle.

– Pour les chevaliers aussi c’est difficile de s’isoler de leur famille. Certains n’en ont pas alors c’est plus facile pour eux. Si tu te sens seule, viens au sanctuaire. Misty te tiendra compagnie. « Oh non pas lui, pensa-t-elle, surtout pas lui je vous en prie. » Astérion se mit à sourire. Tu n’as pas l’air emballé par le plus beau des chevaliers.

– Je suis navrée pour lui mais, bien qu’il ne soit pas désagréable à regarder, il n’est pas mon genre d’homme.

– Je vois. Tu as vu plus élégant que lui, n’est-ce pas ?

Elle se mit à rougir d’un coup.

– Euh… J’ignore de quoi vous voulez parler, fit-elle innocemment.

– Arrête, ça s’est vu à des lieux. Tu veux un rencard ?

La demoiselle cacha ses yeux avec sa main droite.

– Je ne vais plus oser retourner au sanctuaire. C’est bon, je vais finir ma vie ici.

– Oh, tu ne veux pas revoir ton beau Camus, fit-il d’un air taquin. Il vit au onzième temple, celui du Verseau, d’où son nom Camus du Verseau.

– Je crois que je ne reviendrai pas au sanctuaire avant un moment. Je dois d’abord remettre cette maison en état, affirma-t-elle déjà découragée par l’ampleur du travail.

– Je te tiendrai au courant pour ta mise en poste. D’ici-là, tu auras peut-être une invitation au onzième temple.

– Roh, mais ça suffit oui !

Astérion se moqua ouvertement.

– Ouh la miss a le râlant. Au fait, tu as le droit d’assister aux concerts donnés par le conservatoire, si ça t’intéresse ; et même d’y participer. Je te laisse, moi aussi je dois poursuivre mon entraînement. À bientôt. »

Astérion prit congé tandis que Desideria balaya la pièce du regard. Par où commencer ? Il y avait tellement à faire. D’abord elle ramassa les morceaux d’un pot en terre cuite qui qui jonchait le sol. Elle examina les tiroirs seulement la plupart étaient vides. Elle trouva dans un petit cagibi un chiffon, un plumeau, une brosse à poils durs, une serpillère, une raclette et un seau. C’était mieux que rien du tout. Et pour les fenêtres ? Non il n’y avait pas de vitres, juste des volets en bois. Il y avait un puits non loin de là. La jeune femme partit chercher de l’eau mais cela l’ennuyait de ne pas avoir de produits pour nettoyer. Elle aurait voulu secouer le chiffon afin d’enlever un maximum de poussières mais il était tellement dessécher que ce fut impossible. Elle le trempa alors dans l’eau, le frotta et retirera un maximum de saleté. Après cela elle pouvait changer son eau car elle était déjà devenue noire, mais le chiffon avait meilleure mine.

Le nettoyage prit un temps considérable. Elle lava d’abord la chambre étant donné que les hommes étaient censés venir avec un nouveau lit. Ensuite elle s’occupa des sanitaires avant d’accueillir les agents. Ceux-ci lui installèrent le lit et le matelas. On lui fournit également quelques affaires : des produits nettoyants, un nécessaire de toilette, de la literie, des robes de différentes couleurs et des nuisettes. Il y avait même un panier de fruits. Pour le coup la demoiselle fut ravie. Un des hommes lui affirma que cela venait du Grand Pope. « C’est gentil de sa part, répondit-elle, adressez-les lui mes remerciements. » Elle irait bien lui dire en face mais elle était trop occupée avec son emménagement. Pour le moment, le colis fut posé dans sa chambre. Desideria termina de nettoyer la maison. Avec les bons produits, elle devint plus propre et fraîche. Ce n’est qu’en fin de journée qu’elle put enfin faire son lit. Elle fit sa toilette au lavabo avant de se changer, mangea quelques fruits et se glissa dans le lit pour une nuit de sommeil bien méritée.

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