Terra Nova

Aujourd’hui, il fait beau, aujourd’hui il fait vert, du néant émerge la vie, la terre attend fermement ses résidents. Par souci d’originalité, ils vont chercher à se différencier. On distingue ainsi deux communautés de choses vivantes : 
– Les choses vivantes qui bougent
– Les choses vivantes qui ne bougent pas.
Comme si ça ne suffisait pas, ces choses vivantes comportent plusieurs sous-parties, parmi les choses vivantes qui bougent, nous trouvons deux parties fondamentales : 
– Les choses vivantes qui font des oeufs 
– Les choses vivantes qui ne font du lait 
Parmi les choses qui font des oeufs nous trouvons des reptiles très imposants, à l’intelligence relative, des lézards pourvus de testicules stratosphériques qui n’ont pas eu la finesse d’anticiper les énormes rochers qu’ils vont se prendre en pleine gueule, c’était surement pas écrit dans l’horoscope, on imagine. 
L’horoscope c’est un truc pour les connasses, parole de gros lézard, on a pas de temps à perdre avec ces conneries ésotériques, ça va pas nous ramener le gibier, sans déconner. 
C’était plutôt bien vu, le lézard à grosses couilles défend une certaine idée de la virilité. De par son statut, il doit avoir l’air invincible, tenir le buste bien droit en toute circonstance, les étoiles peuvent attendre.
Les choses vivantes qui font du lait, elles, ne disposent pas du tout des mêmes caractéristiques, elles ont souvent le poil doux, n’éprouvent aucune gêne quant au fait d’être esclaves d’autres choses vivantes qui font du lait mais avec deux jambes, c’est bien normal, elles s’expriment très mal, les négociations tournent court.
Nous reviendrons plus tard sur cette espèce sur-développée. 
Ces deux catégories de choses vivantes, sont comme l’huile et le vinaigre, elles ne se mélangent pas, c’est comme ça, les intérêts ne sont pas les mêmes. 
Les fabricants d’oeufs sont et ce jusqu’à la chute de gros cailloux, les maîtres du monde et c’est bien normal, ils sont le sommet de la pyramide, ils peuvent à peu près manger tout le monde à l’exception des arbres et des montagnes, ils incarnent la réussite, la testostérone, la rigueur. Les fabricants de lait, eux, sont donc logiquement les grands perdants, ils se cachent en permanence, vivent dans l’angoisse au jour le jour, développent d’autres qualités comme l’odorat, l’audition et l’endurance, ils souffrent certes, mais vont finir par prendre le dessus définitivement lors des giboulées de pierres évoquées précédemment. Nous allons maintenant aborder les choses vivantes qui ne bougent pas. Il est difficile de s’en intéresser avec profondeur, de par leur non-mobilisme, on s’ennuie rapidement à leur contact, nous avons longtemps étudié le langage d’une pomme de terre, la coopération de cette dernière est quasi-inexistante, de même avec les pommiers ou les géraniums. Tout ce que nous savons, c’est qu’elles ont l’air de vivre correctement, de ne causer de tord à personne ce qui est déjà preuve d’un altruisme non-négligeable. Elles apparaissent juste après le Grand Boom et sont présentes juste avant les choses qui bougent, certaines d’entre elles peuvent atteindre une longévité défiant toute logique vitale, entre la tortue de mer et Lucette Destouches veuve d’un médecin célèbre, dont la longévité a beaucoup moins défié la logique vitale même s’il a bien vécu quand même. Toutes ces choses vécurent en harmonie, longtemps, sans crises d’égos, ni guerres diplomatiques, sachant qu’elles n’avaient ni connaissance des termes “égo” et “guerres diplomatiques”. Elles survécurent aux grandes sécheresses avant même la création de la crème hydratante par les lobbys pharmaceutiques, aux tempêtes de neiges avant la création des pneus-neiges et à la propagation du Sida dans les milieux underground culturels des années 80.
Enfin, nous trouvons une large étendue de bleu, appelée vulgairement la flotte ou flottasse, elle sert avant tout à séparer les futurs grands espaces terrestres, mais peut aussi permettre à des choses vivantes de pratiquer le dos crawlé. Longtemps, les experts sous-estimèrent l’importance capitale de la flottasse, snobant complètement son usage éventuel, ils demeurent aujourd’hui portés disparus.