XXIV – L’ ÉCLIPSE (24)

5 mins

SOMMAIRE :

PROLOGUE

I– CHARITÉ FUNÈBRE

II– LA MORT RÔDE TOUJOURS

III– SUSPECTIONS COLLECTIVES

IV– JUGEMENT PARTIAL

V– OSTRACISME

VI– LA SÉPULTURE DE PIFANDA

VII– LE POINT DE NON-RETOUR

VIII– LE COURROUX DE BABAGNACK

IX– L’IMPRÉCATION

X– LE FAMLA

XI– CONJURATION MALÉFIQUE

XII– LE COMPTE À REBOURS

XIII– RÉVÉLATION INOPPORTUNE

XIV – DIABOLIQUES !

XV – LA CHASSE AUX SORCIÈRES

XVI – SÉPARATION ÉTERNELLE

XVII – L’ÉVEIL DE LA DESTINÉE

XVIII – PROVIDENCE

XIX – MELAL, L’INDESTRUCTIBLE

XX – L’ÉLIXIR DU SALUT

XXI – RÉDEMPTION

XXII – ÉVOLUTION

XXIII – ERREUR FATALE


XXIV – L’ ÉCLIPSE

            Yingui marchait tardivement dans la nuit, escorté par deux gardes armés de machettes. Il se rendait chez Moutil, son premier notable. Devant sa cagna, l’un des gardes cria son nom :

– Honorable Moutil, sortez dehors. Il y a de la visite pour vous.

– Désolé, je ne suis pas d’humeur, revenez une prochaine fois, il est trop tard.

– Sa Majesté Yingui ordonne que vous lui fassiez l’audience, sur-le-champ.

Pres de dix secondes plus tard, voilà ce craintif apparaissant avec des vêtements portés à l’envers.

– Pour vous servir Majesté…

– Je t’ai nommé premier notable, car tu ne t’es jamais opposé à mes décisions, contrairement à mes anciens honorables, surtout Yohbi. De plus, tu connais bien les rites traditionnels dont tu as hérité de ton feu paternel.

– Oui chef Yingui, tout à fait.

– C’était Ilick…

Il s’arrêta et se mit à sangloter chaleureusement.

– Que vous arrive-t-il maître?

– Tout est de sa faute. Tout ! Quelle machination ! Comment a-t-elle pu me faire cela ?

– Soyez plus clair…

– C’est une sorcière imbécile ! Veux-tu que je te rétrograde ?

– Désolé Majesté, j’ai encore le sommeil dans les yeux… Eh !

– Pardon ?

– La cheffe Ilick est une sorcière…
Dit-il en feignant une certitude.

– Oui, elle l’est, hélas pour moi.

– Comment cela peut-il être possible ?

– Comme si je le savais, idiot ! C’est une damnée un point c’est tout. Je ne peux  point l’exécuter comme un péquenaud commun. Que dois-je faire Moutil ?

– Les sorcières des chefferies ont quatre vies. Ainsi va Ilick. Elle doit mourir quatre fois…

– Occupe-toi donc de tout, d’ici l’aurore !

– D’ici l’aurore ?
Questionna t-il incrédule.

– Oui ! Tu peux disposer !

– … Bien entendu, Majesté !

    Moutil rentra dans sa modeste concession. Sa situation financière ne tardera pas à changer, s’il s’affaire bien de la tâche que le doyen vient de lui assigner. Comment se peut-il que la cheffe Ilick soit une sorcière ? Elle n’a jamais fait de pratiques quelconques. Et si cette condamnation cachait une vérité encore plus sombre ? D’après la coutume, elle doit d’abord être soumise à un jugement. Mais apparemment, Yingui veut s’en débarrasser au plus vite. Le nouveau premier notable arpentait sa cour. Il était perdu dans ses pensées.

– De toutes les façons, je ferais mieux de suivre à la lettre les indications de ce salaud de Yingui. Je ne tiens pas à finir comme ce Yohbi, trop sure de lui. Ce n’est pas encore le moment…

De retour dans sa turne, il s’entretint avec sa femme, au sujet de sa discussion avec le Maître.

– Moutil, ta responsabilité envers le chef est de le soutenir, mais aussi de l’empêcher de sombrer dans l’anarchie. Va immédiatement au palais, et dit lui ça !

Devant la bâtisse de la chefferie, devenue depuis quelques temps magistrale, grâce aux actions diplomatiques qu’a fait gagner Yingui au village de Ndiki-Nen, Moutil le nouveau premier notable attendait dans la vaste cour, jalousement gardée par des soldats.

Le doyen ne tarda pas à descendre la considérable chaîne d’escaliers, suivit par-derrière, de son fils Penyin.

– Moutil, j’espère que tu n’es pas là pour me faire perdre mon temps. Ne me mets pas au défi…

– Majesté, excusez-moi. Je manque encore d’expérience pour exercer cette haute fonction, qui est dorénavant la mienne…

– Va droit au but, ordonna le jeune héritier Penyin.

– Chefs Yingui et Penyin, avec tout le respect que je vous dois, d’après les rites originels ancestraux, c’est avec les quatre éléments qu’on doit exterminer un thaumaturge.

– Asseyons-nous ! Dit Yingui.

– Pour être sure qu’elle ne reviendra plus à jamais, la terre, l’air, le feu et l’eau doivent l’achever. Sinon tous nos efforts ne serviront à rien. Ce serait un peu comme cramer une mauvaise herbe et y verser de l’eau pour éteindre le feu. L’herbe germera de nouveau à cet endroit tôt ou tard…

– Que suggères-tu donc ? Je suis déjà trop vieux mon ami.

– À l’aurore, elle aura droit à dix mille fouets, ce qui représente l’élément de l’air.

– Dix-mille ? S’étonna Penyin.

Son père lui lança furtivement un regard méprisant et ce dernier regretta aussitôt d’avoir pris la parole.

– C’est le nombre d’habitants que compte le bourg, vos majestés incluses…

– Ensuite Honorable Moutil ? Ne faites pas attention à mon fils. S’impatienta le chef Yingui.

– À partir de maintenant, la terre ne devra plus nourrir son esprit. Une fois que son cœur sera consumé par les flammes, liez-la ensuite à une grosse pierre. Il sera temps pour elle, de rejoindre les fonds marins. C’est tout Majesté.

– Autres recommandations ?

– Évitez dorénavant, qu’elle soit en contact avec son enfant. Les mauvais esprits se transfèrent par les yeux ou par le regard. Ce sont les portes de l’âme.

– Ô misère ! Ne pouviez-vous pas commencer par cela ?! Gardes ! Partez vite à la chambre de la cheffe Ilick tout de suite et prenez-lui son enfant, exécution !

Sans se faire répéter, cinq soldats se ruèrent chez madame.

Sa femme dormait paisiblement avec le petit Banock, dans ses bras. Apathiques, ils arrachèrent le garçonnet qui se mit à se débattre en poussant des cris. Sa mère se réveilla affolée et voulu s’interposer, mais Ilick n’était pas de taille face à ces montagnes de muscles qui se dressaient devant elle.

– Par tous les cieux ! Que vous arrivent-ils ? Je suis la cheffe Ilick. De quel droit osez-vous-me traiter ainsi ? C’est Penyin qui vous envoie, n’est-ce pas ?

– Non, madame, c’est le chef Yingui !

– QUOI ? Vous êtes malades ?

Sans lui donner plus d’explications, ils sortirent de la pièce, emportant avec eux le fils. Ilick se précipita pour leur courir après, mais le soldat à côté de la porte en bois d’ébène, la poussa violemment avec son bras gauche, et claqua nerveusement la porte devant elle. Son miroir se brisa…

À l’extérieur, on l’attendait hurler le nom ” Yingui ” à en perdre l’haleine. Sa voix, s’était masculinisée. C’était à donner des frissons dans le dos.

– Ne lui donner plus à manger, ni à boire. C’est un ordre de la Terre. Après-demain, elle sera sauvagement battue par les bras puissants de Tamack. Ensuite, elle sera cramée et jetée dans la berge à crocodiles.

Contrairement à Melal, la cheffe Ilick n’eut aucune chance de survie. Elle était agonisante après les dix-mille coups de fouet appliqués publiquement par le colosse Tamack. Les paysans étaient éberlués. Qu’était-il en train d’arriver à Ndiki-Nen ? Dans le bûcher, elle n’eut pas assez de temps pour sentir la douleur de la chaleur sur sa peau roussie par les flammes. Puis sa cervelle éclata comme un ballon percé brusquement. Bientôt, l’enceinte était couverte d’exhalaisons de viande braisée. Tamack sortit sa dépouille des décombres carbonisés, et on la précipita dans le fleuve où l’on avait poussé la jeune Melal, avant.

Illick était morte depuis bien longtemps, blessée par la cruauté de son époux, mais surtout elle regrettait amèrement de n’avoir pas écouté Melal. C’était déjà l’après-midi.

Dès que son corps s’enfonça dans l’eau avec la roche, le ciel s’obscurcit soudainement. Les campagnards, encore, heurtés par les événements, s’enfuirent et regagnèrent leurs habitats.

    Au palace de la chefferie, le chef Yingui avait rassemblé tous ses quinze enfants et ses huit femmes pour leur expliquer la situation d’Ilick. Tout le monde répondit à l’appel. Sauf un seul membre de cette famille dirigeante…

– Où est le petit Banock ?

À SUIVRE…

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2 Commentaires
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Curly Mc Hado
3 années il y a

"Où est le petit Banock ?" Ah que de suspens dans cette seule phrase. Les évènements sont de plus en plus tragiques. Arrivera-t-on à une fin heureuse ou à une fin type cataclysmique ? Toujours pressée d’avoir la suite. Ahhhhh

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