XXVII – QUE FAIT LE 1ER NOTABLE ? (27)

9 mins

SOMMAIRE :

PROLOGUE

I- CHARITÉ FUNÈBRE

II- LA MORT RÔDE TOUJOURS

III- SUSPECTIONS COLLECTIVES

IV- JUGEMENT PARTIAL

V- OSTRACISME

VI- LA SÉPULTURE DE PIFANDA

VII- LE POINT DE NON-RETOUR

VIII- LE COURROUX DE BABAGNACK

IX- L’IMPRÉCATION

X- LE FAMLA

XI- CONJURATION MALÉFIQUE

XII- LE COMPTE À REBOURS

XIII- RÉVÉLATION INOPPORTUNE

XIV – DIABOLIQUES !

XV – LA CHASSE AUX SORCIÈRES

XVI – SÉPARATION ÉTERNELLE

XVII – L’ÉVEIL DE LA DESTINÉE

XVIII – PROVIDENCE

XIX – MELAL, L’INDESTRUCTIBLE

XX – L’ÉLIXIR DU SALUT

XXI – RÉDEMPTION

XXII – ÉVOLUTION

XXIII – ERREUR FATALE

XXIV – L’ ÉCLIPSE

XXV – OÙ EST LE PETIT BANOCK ?

XXVI – LES TÉNÈBRES AU VILLAGE NDIKI-NEN





Jour j -4

– Encore quatre jours à supporter. Je n’en peux plus.

– Père prend quelques somnifères, conseilla Penyin. Et si tu te réveilles, prends-les davantage. Sinon tu vas vraiment devenir fou et tu risques surtout de rendre fou tous ceux qui sont autour de toi.

– Mon fils, je n’approuve guère la façon de vous adresser à mon chef de mari. Dit Ongba, sa 1re épouse. Quant à vous mon cher, il faut vraiment vous calmer.

– Taisez-vous bandes de morpions ! Cria Yingui. Je me calmerai quand je verrai Moutil.

– Père !

– O ciel ! Réagit-elle. Mon amour, essuie vite ta bouche et crache tout de suite par terre. Fais-le ! 

Yingui s’exécuta devant sa famille assise devant lui dans la grande salle d’accueil, faiblement éclairée par les torches vacillantes à cause des ténèbres.

– Ma fin est toute proche, je le sais, je le sens. Il faut qu’on retrouve vite mon petit Banock.

Penyin pinça sa lèvre inférieure et se mit à chuchoter à l’oreille de sa mère Ongba. Tandis que cette dernière secouait machinalement la tête coiffée d’un crâne de lionne sec.

– Gardes ! Gardes ! Gardes ! 

Trois d’entre eux accoururent.

– Allez voir immédiatement, ce que fait mon notable.

Et le plus court demanda :

– Lequel ? 

– Lequel ? Imbécile ! Triple idiot ! Fou ! Court comme trois pommes ! Maudit, sois-tu ! Qui d’autre à ton avis ? Tu veux mourir ?

L’héritier s’esclaffait bruyamment.

– Calme-toi, Yingui, mon chéri. Intervint sa première femme.

– Mouf ! Insulta celui-ci. Sommes-nous dans la chambre, Madame ? Appelle-moi votre Majesté. Tu es un de mes sujets au même titre que n’importe qui ici au village. De même pour toi qui montre tes sales dents là ! Et puis même, allez du balai ! Tout le monde, ouste ! Effacez-vous de ma vue, vite ! Imbéciles. Tous des chiens !

Ils sortirent en prompt. En secouant les têtes, indignés. Car Yingui, le chef de Ndiki-Nen commençait réellement à devenir fou.

– Et toi le nabot ? Que fais-tu toujours là ? Va voir ce que fait mon premier notable. Allez, dépêchons ! … Non pas vous, idiots ! J’ai bien dit le nabot. Imbécile !… Il vient ici avec, ses *lequel* ?! Chien galeux !

Sortit de la pièce, il fut stoppé par l’héritier et la Cheffe Ongba.

– Majestés ! Il fit une révérence très respectueuse au point de se mettre presque à genoux.

– Relève-toi, loyal soldat dit-elle. Ne te rends pas dans le couloir où se trouve celui que l’on t’a demande d’aller voir. Mon époux est en train de perdre la raison. Il va te conduire à une mort certaine. Les aïeux sont ici et sont enfermés avec qui tu sais. Je ressens qu’ils ne sont pas du tout contents depuis hier. Ce sont des entités extrêmement puissantes et à manipuler avec une délicatesse extrême. Et cela, qui tu sais le connais mieux que quiconque. Malheureusement, votre Chef ne connaît rien à la sorcellerie car…

– Mère ! Ça suffit ! Stoppa Penyin. Merci pour tes conseils. Nous avons bien retenu la leçon. Et d’ici à ce qu’il se montre, personne n’ira plus là-bas… Et vous ! Disposez, tout de suite ! Je me charge d’affronter ce fou.

– Penyin ! Ongba regardait son fils d’un air très sévère.

– Ok, maman… Mon père.

Le garde fit une nouvelle révérence très empressée et s’en alla se cacher dans les profondeurs des ténèbres.

Il marchait çà et là sans savoir où aller. Comme il n’avait pas trop confiance au successeur, il évita d’allumer sa torche en bois au risque de se faire repérer par sa lumière flamboyante. Il ne voyait rien, ne pouvait rien distinguer de près comme de loin. C’était comme si on avait versé de l’encre noire sur le village entier. C’était sombre à vous glacer le sang. Son cœur battait à tout rompre. Une personne mal intentionnée pouvait surgir devant, derrière ou de chaque côté à tout instant. La règle était maintenant de marcher en faisant des bruits pour éviter de se tamponner. Ou simplement de rester chez soi. L’environnement était tout calme, pas de cris, ni de rire d’enfants joyeux. Pas de salutations même à distance puisqu’on pouvait à peine se discerner. Tout le monde se méfiait de tout le monde. Mais des fois, il pouvait entendre des gémissements de plaisir des couples en passant près des cases.

– Les veinards ! Même si j’attrape aussi une petite (copine), je n’aurai même pas le temps de la coïter. Mon premier notable, tu es vraiment notre seul espoir. L’avenir du village repose sur tes épaules.


Jour j-3


Aucun changement. La noirceur des ténèbres s’installait de plus en plus dense. On ressentait déjà le poids de l’air ambiante qui devenait de plus en plus froid. Comme si quelque chose d’invisible oppressait l’environnement. L’on ne distinguait plus la paume de ses mains. Il n’était plus bon d’être hors de chez soi, même pour aller chercher des vivres. Les femmes avaient déjà fait leurs réserves d’eaux et de nourriture pour tenir au moins une semaine. On mangeait presque le même repas tous les jours. Les animaux s’étaient mis en retrait. Seuls les prédateurs étaient contents. Les plus faibles se cachaient, tandis que ceux de renoms qui ne chassaient que la nuit, s’étaient, au départ, crus au paradis, mais hélas. Fatigués d’attendre la sortie des proies naïves ou égarées, ils eurent été forcés de se mettre eux aussi en confinement. Ndiki-Nen tout entier était bien au courant de la situation, informé par les soldats de Yingui auprès de leurs familles respectives et elles propageaient les nouvelles à leurs connaissances et ainsi de suite du bouche à oreille. Nul n’ignorait la folie et la santé dégradante du patriarche. Il était fort à parier que c’était une question de temps d’après certains. Mais au moins là où tous étaient unanimes, et avait beaucoup d’espérance, c’est le fait que depuis quatre jours, le premier notable était enfermé avec les ancêtres. Lui qui avait donné les instructions de ne lui apporter ni eau, ni nourriture, ni vêtements. Que faisait-il dans cette mystérieuse chambre du palais fermée à triples tours ?

Au palais, c’était la même ambiance et tout le monde trouvait Yingui chiant. Très chiant.

– Gardes ! Gardes ! Gardes ! Gardes ! Gardes ! Servez-moi des somnifères. Je veux dormir trois jours, d’affilés.

– Yingui, tu veux mourir ? S’inquiéta Ongba.

– Tais-toi ! Qui t’a appelé ici ?

– C’est toi qui m’as dit de te suivre…

– Fou le camp, toute suite ! Sinon…

Elle quitta la salle en percutant un garde, car la pièce était très peu éclairée.

– Désolé, Madame la Cheffe…

– Ne vous excusez pas. C’est plutôt à moi de m’excuser parce que je suis fautive, je vous ai bousculé. Vous vous étiez à votre place habituelle.

– Foutez le camp, vous deux là ! Cria avec énergie, Yingui. Animaux ! Personne ne se préoccupe du petit garçon, car il n’est pas votre fils. Et vous m’accusez tous de folie. C’est vous les fous ! Sa sorcière de mère est décédée. Le petit Banock n’a que moi. Il attend que je vienne le chercher, pour le ramener à la maison.

En attendant ces mots, les soldats pensaient vraiment que le Chef était déjà fou. Comment pouvais survivre tout seul, un petit garçon de quatre ans depuis quatre jours ? Le problème n’était pas de le retrouver, mais de ramener le beau ciel bleu datant. Au contraire, le chef semblait plus préoccupé par la vie de son garçonnet que par celles des villageois. Mais qui tentait de le lui faire remarquer, était d’office condamné à mort. Même son fils aîné ne s’y risquait pas. Le vieux but ses somnifères et le calme revint au château pendant deux jours.


Jour J-2


Ndiki-Nen, était désormais l’ombre de lui-même. Les prédateurs chassaient évidemment la nuit comme le jour. D’ailleurs, on ne distinguait plus ces moments de la journée. De ce fait, il y avait de plus en plus d’agressions au village, orchestrés par des misérables sans foi ni loi, dénués d’aucun scrupule qui profitaient pour rafler à découvert. Le Chef étant plongé par un long profond sommeil, car il ne supportait plus la longue attente de son premier notable; il était très compliqué de le saisir pour réclamer la justice. Les autres huiles, paresseux et égoïstes, profitant des ténèbres noirs pour rester fainéanter chez eux, n’ouvraient la porte à quiconque. On croirait qu’ils avaient tous fuient. Quant à Penyin, lorsqu’il n’était pas avec sa mère, il restait cloitrer dans sa subdivision avec des gardes bien armés, en priant que la situation reste telle quelle.

– Enfin, un peu de calme, s’exalta Penyin. Ce qui veut dire que c’est à moi de diriger le village n’est ce pas mère ?

– Je suppose que… oui.

– Tu supposes ?

– Ton père n’est pas encore mort…

– Mon père dort…

– Il va se réveiller… Défia-t-elle trop agacée.

– Puis se rendormir. Dit-il triomphant. Bien! Je vais agir en tant que votre nouveau Chef.

Il manifestait l’envie de se lever.

– Mais … Riposta Ongba.

Penyin l’ignora avec un peu de mépris et dit plus fort avec autorité le regard tourné vers elle en se dressant brutalement.

– Je n’ai point de compte à rendre à quiconque.

Il se dirigea vers la fenêtre qui donnait sur la cour, là où il y a trois jours son père faisait des reproches au ciel.

– Mes fidèles Gardes, organisez vous ! Je veux neuf parmi vous qui viendront avec moi et me suivront comme mes ombres. Deux de chaque côté cardinal et un en avant comme éclaireur. Ce dernier sera le seul à être perçu à distance. Pour les autres, laissez-vous guidés par la faible lueur et soyez armés jusqu’aux dents. Nous allons de ce pas rendre visite aux villageois et les rassurer de supporter encore deux jours. Je vous le répète encore une fois; en l’absence de mon père, c’est moi le nouveau chef. Celui qui osera me désobéir ou m’estimer immature, sera condamné à mort. Je ne le dirai pas une seconde fois. Exécution ! … Un instant !

L’artillerie arrêta de crépiter. 

– … Aussi cette précision. Ne m’appelez jamais par mon nom. Appelez moi Chef, Maitre ou votre Majesté. Ai-je été assez clair ?

– Oui Chef !

– En route !

Il descendit rapidement les longs escaliers en ignorant délibérément sa vieille qui secouait négativement le visage de droite à gauche.


Tout fut fait selon ses désirs. Ils descendirent les grandes places comme les marchés vides, mais infestés de brigands qui se cachaient sagement et attendaient qu’ils partent. Po-le, le lieu de réunion et jugement, était complètement fermé. Arrivés dans les champs, tout était  déserts; pourtant cette place était toujours bondées. À Matok, la grande rivière, seul le bruit du ruissellement des flots les accueillit. Avant les ténèbres, c’était un endroit pourtant toujours plein de femmes très commères. Les champs étaient dorénavant inexploités. Il y régnait là, une forte odeur de végétaux pourris.

– Mince, ça pue ! Dit un garde dépassé par cette puanteur.

– Silence, sinon je te coupe la langue ! Ordonna l’héritier.

Après quelques mètres, ils arrivèrent là où se trouvait jadis, la délabrée case de feu Babagnack.

– Je suis convaincu que c’est ici la source de nos malheurs.

– Jeune Maitre, s’il vous plait. Dit il très craintif. S’il vous plait, je vous en conjure, n’allons pas plus loin. C’est très dangereux …

Penyin se retourna et fit face au garde derrière lui. Ce dernier stoppa net son discours et se mit vite à genoux pour montrer à quel point il le respectait.

– La forêt-noire maudite, Hebom commence juste à moins de cinq mètres plus haut.

– Ah oui ?

Il était très excité.

– Très intéressant. Avançons !

Le garde ne voulut plus contester davantage et se tut pour ne pas mettre sa vie en danger.

Plus ils avançaient, plus l’air devenait de plus en plus noir et surtout glacial. Leurs membres s’alourdissaient.

– Maitre ?

– Avancez ! C’est un ordre.

Il continuait de piétiner le site et marchait sur les décombres de la maison. Ensuite, ils traversaient une vaste étendue de terre boueuse. Soudain, un vent violent se mit à souffler au point de retirer le casque des trois gardes en avant. Tous prirent peur.

– Intéressant ! Très intéressant ! Dit Penyin très vif d’excitation de par sa voix. Avancez !

Ils étaient déjà à environ un mètre de l’entrée de la forêt car les végétaux devenaient de plus en plus haut, les arrivant presque à la taille. Une ombre noire passa comme un mirage d’un arbre à un autre faisant trembler le feuillage non loin d’eux. 

– Qu’est-ce que c’était ?

– Maitre, c’était très rapide, je n’ai pas pu voir…

– Idiot ! Et tu fais quoi devant avec le flambeau ?

Il défila le rang et arracha avec frénésie la torche en bois.

– Donne-moi ça !

Il passa devant et se positionna même au seuil des deux grands arbres. Il leva le bras en la brandissant  pour avoir plus de visibilité autour de lui.

– Regardez, il n’y a rien. C’est l’homme qui a peur… Voici les premiers centimètres de l’entrée de Hebom, la forêt-noire maudite. Demain, vous viendriez me construire en ces lieux, mon hamac.

Pendant qu’il parlait, une forte odeur de putréfaction commençait à envelopper l’air. En même temps, une voilée noire, venue derrière lui, entortillée et très malfaisante commençait à ramper sur son corps entier. Elle était extrêmement mince. C’était difficile de savoir si elle était debout, allongée, couchée ou accrochée. Elle commençait à diviser sa figure comme l’ellipse lors du croisement entre la lune et le soleil. Une partie sombre et une autre éclairée.

– Maitre !

– La ferme !

Les gardes virent dix longues griffes crochues passer au-dessus de son crâne comme des pas d’araignées et saisirent son front.

– Maitre !

– Ferme la !

Puis du sang se mit à glisser doucement, en file indienne.. .

– Maitre, quittez vite entre ces deux arbres …

– Je t’ai dit de la ferm.. .

… Jusqu’à atteindre ses lèvres et il cracha son propre sang sans terminer sa phrase.

– Qui… Qui a osé faire ça ?

Les soldats crurent qu’il était en train d’agoniser, il perdait du sang. Soulevant avec courage la torche pour bruler le responsable de cette attaque soudaine, il cria farouchement :

– QUI A OSÉ ME BLESSER ?

Il vit de ses propres yeux dix longues griffes, atroces très acérées et mortellement pointus qui sortaient de l’ombre , glisser entre les flammes sans prendre feu, ni s’enflammer.

– Oh Ciel ! Dit Penyin, les yeux exorbités de terreur ne croyant pas ses yeux.

Puis une seule large griffe fit une gifle sur la forte chaleur incandescente du gros morceau de bois. Elle s’éteignit à la seconde et se tranchant en deux parties égales, lui cisaillant la paume de main.

– Fuyons ! Fuyooons ! FUYOOOOONS ! 



À SUIVRE…




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2 Commentaires
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Curly Mc Hado
1 année il y a

Ouh là mais que peut bien être cette apparition violente ? Encore un chapitre qui me laisse sur ma faim. Vivement la suite ! Comment va se terminer cette histoire ? Que va devenir Ndiki ken? C’est de plus en plus noir, j’ai hâte de savoir !

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