J’étais assis là, sur ce banc glacial et gluant, sans doute trop de culs serrés avaient-ils cherché en vain la bonne parole assis eux aussi en trop grand nombre et en rang d’oignon sur ces bancs dégoulinants.
Je n’avais pas le choix, beaucoup trop jeune, petit roitelet qui n’avait qu’à se taire et à qui l’on ne demandait pas son envie.
Tous les dimanches, dans mes chaussures vernies trop bien lacées qui laissent leurs traces rouges sous les socquettes fines remontées, en habits sobres de circonstance et propre comme un sou neuf, l’obligation d’assister désabusé à la grand-messe et son pompeux décorum à vous faire culpabiliser.
L’usine à têtards imbéciles, tous vêtus de noir et sur leur trente et un, alignés comme à la parade à écouter le grand druide globuleux perché sur son urinoir à discours nous abreuver de la nudité de ses paroles.
Je prêtais l’oreille au vent dehors, le bruit sourd de son souffle s’engouffrant par la porte de l’église restée ouverte, j’écoutais le craquement poli des bancs secoués au rythme des injonctions de service : assis, debout…
Et le religieux, ton grave de rigueur, gestes appropriés, toujours en train de déblatérer ses cohortes d’énormités dans les vapeurs acres et les nuages d’encens.
Mécanique parfaitement huilée, tuyauterie impeccable, discours limpide, collant et emphasé, fado fatiguant sur rengaines prémâchées :
Seigneur je ne suis pas digne de te recevoir mais dis seulement une parole et je serais guéri…
Et merde !
Les têtards imbéciles avaient dû ingurgiter un drôle d’élixir pour gober toutes ces fadaises, était-ce l’eau bénite à l’entrée qui leur procurait cet effet ?
Assis là, dans mes habits du dimanche, le froid qui giflait mes jambes nues dans mon short à rayures noires, ma chemise blanche à col pointu amidonnée, la mèche bien rangée et le soleil en face qui pénétrait par le grand vitrail, parsemant l’endroit de milles couleurs éparpillées comme autant de lumières ironiques qui souligneraient, complices, l’absurde situation.
Et puis, un peu plus loin, quelques rangs devant moi, encadrée par des parents austères, Nathalie en contre-jour, jupe rouge à framboises colorées, chemisier prometteur, comme une sorte d’enchantement, de trêve bienheureuse.