Chroniques d’un Carnavalier – Partie 2

2 mins

                              « Ils pourront couper toutes les fleurs,
                      ils n’empêcheront pas la venue du printemps. »

                         « Je décrète l’état de bonheur permanent. »

                                                  – Mai 1968 –

Une nuit tranquille.

Un mégot de plus. C’était le cinquième.

Une rumeur, sourde et urbaine, faisait vibrer le silence. L’aura des lampadaires, jaune, statique, emplissait la ruelle d’une torpeur blafarde. On aurait pu s’y assoupir tant le quartier paraissait lui-même étourdi, ankylosé dans les lueurs ténues de l’ombre de la Terre, que nous avions nommée “Nuit”.

Je jetai un autre mégot sur le sol, me raclai le fond de la gorge d’un râle douloureux, puis entrepris de dégourdir mes jambes raidies par le froid. D’un instant à l’autre, elles me seraient utiles. Le plan était millimétré. D’ici vingt minutes la rue serait pleine à craquer de fylakas décérébrés et nous, serions déjà loin. Loin des soucis cuisants. Encore quelques minutes et les frangines allaient sortir, haletantes d’adrénaline et de succès, j’en étais convaincu. Le coffre du Préfet n’avait pas du leur résister bien longtemps.

Encore 30 secondes…

On entendait déjà le chant bleu de nos Anges déchirer la nuit. Le timing semblait idéal. Je saisis mon détonateur et m’installai confortablement sur la corniche qui surplombait la préfecture. Le courant avait été établi, les charges étaient toutes armées, j’attendais un signe. Trois éclairs violets vinrent répondre à mes pensées, fendirent le ciel d’un sifflement furieux, crépitant de colère au-dessus des toits de Malgojo, et allèrent mourir dans une une déflagration qui revêtit toutes les couleurs de la révolte. Elles étaient donc sorties. C’était le signal.

La fête pouvait commencer.

« A nos Adelphes Terriennes :

    Dans la nuit du 4 au 5 Mai, nous, occupantes des périphéries urbaines, avons choisi de faire passer un message clair aux dirigeant.e.s de ce monde et à celleux qui travaillent chaque jour à établir un ordre mondial chaque jour moins juste, toujours plus violent.
    Nous sommes les Pauvres, les Nomades, les Humilié.es, les Réfugié.es, les Évadé.es de votre machine infernale. Nous avons été ouvrières, fonctionnaires, soignantes, esclaves de cette société aux multiples facettes répressives et mortifères. Nous nous sommes affranchies de cette hallucination collective instaurée par de multiples décrets, au cours des dernières années.
    Dans le cadre de la lutte contre la Covid-19, les États du monde ont fait la preuve de leur appartenance à un seul et unique ordre mondial, dont le seul dessein aura été l’exécution de nos droits fondamentaux d’Êtres Vivants, la mise à genoux de notre liberté de Penser et un asservissement global des populations Humaines, Animales et Végétales.

    Face à ce constat acide, et pour donner suite à l’ouverture d’une instruction populaire contre les dirigeant.e.s de la Terre pour « Crimes Multiples Aggravés  contre l’Humanité », nous avons décidé d’agir.
 
    Cette nuit, les préfectures de toutes les villes ont été détruites par explosions simultanées. Leurs coffres ont été vidés et tous leurs dossiers ont été rendus publics. Aucun blessé n’est à déplorer. Nous, Karboj, Charbons rendus ardents par notre rage de vivre, souhaitons offrir à un peuple asservi la possibilité nouvelle de faire ses propres choix. Vous pouvez désormais tout reconstruire, ou rejoindre la danse de celles et ceux, qui, masquées et intouchables, festoient sur les ruines encore fumantes de l’Ancien Monde.

Tiel komenciĝas la karnavalo.

Communiqué de presse de la communauté Karboj au 5 Mai 2023 »

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