Samuel est assis sur le siège du copilote. Son père le laisse s’y installer, même si sa mère s’y oppose toujours. Ses doigts serrent son toutou de requin, son regard est distant, il voit les nuages voguer au vent. Une musique joue à la radio, mais Sam ne l’écoute pas, il est dans sa tête. Il se voit, un badge de police autour de la taille, arrêtant des criminels, sauvant des vies. Samuel veut être un détective quand il sera plus grand. Il ne l’a dit à personne, surtout pas à ses parents. C’est peut-être son plus grand secret.
Son père conduit une main sur le volant, une cigarette dans l’autre. Il est silencieux, Sam ne se rappelle pas de s’être déjà senti aimé par lui. S’il est capable d’une telle chose.
La mère de Sam pensait qu’ils n’allaient qu’à l’épicerie, mais ce qu’elle ne savait pas, c’est qu’il avait une dépendance. L’argent, la loterie, il était obligé d’amener Samuel, sinon elle se douterait de quelque chose. Sam est donc complice de ce crime. Il souhaite juste que le jour où elle l’apprendra, il soit là pour voir sa réaction.
Son père tourne dans le stationnement, regarde son fils d’un regard de dédain et dit :
– Ne bouge pas, je reviens. Tu sais ce qui t’attend si tu ne m’écoutes pas.
La porte se referme en un claquement, Sam sursaute sous le coup. Il est tout seul dans la voiture, la musique a disparu avec Jacob, ce qu’il préfère pour être honnête. Ses yeux se portent sur le rétroviseur, il voit son père marcher vers le même hôtel miteux que d’habitude. Il cogne à la porte 43 et une femme lui ouvre. Elle sourit et le laisse entrer. De longs cheveux roux, une sacoche en bandoulière, elle est rayonnante de gentillesse.
La porte se referme, les rideaux cachent la fenêtre, le jeune garçon se détourne, il n’y a plus rien à voir. Sam voudrait bien la connaître, cette femme qui vend des billets de loterie à son père. Il peut bien espérer. L’espoir est bien tout ce qu’il lui reste.
Samuel décide d’enlever son chandail à manche longue. La chaleur est invivable dans la voiture, si seulement son père lui avait laissé la climatisation. Son geste révèle ses ecchymoses et ses hématomes de différentes couleurs. Il penche son siège vers l’arrière, ferme ses yeux et laisse ce sentiment de paix l’envahir pendant un court instant. Il se couche sur le côté et colle le requin de toutes ses forces. Un jour, il vivra dans une autre maison. Un jour, il comprendra que sa maisonnée n’était pas normale.
Plus tard, Samuel veut élucider des mystères comme Sherlock Holmes. Pour l’instant, il ne peut que s’enfuir dans la lecture.
En ce moment, il attend, ne sachant que son père trompe sa mère. Il espère seulement qu’ils s’anéantissent, le laissant orphelin. Il peut bien espérer.
Belle écriture, qui traduit avec justesse et délicatesse une enfance douloureuse… Je vais lire la suite avec beaucoup d’attention !