Les Crapules de la Cabane – Chapitre 17

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                                    Chapitre 17 : Effets secondaires

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Je n’avais même pas remarqué que j’étais couvert de cocaïne. Ma course folle avait dû me débarrasser d’une bonne partie, mais j’en avais encore sur mes vêtements et dans mes cheveux. J’époussetai le textile et secouai la tête pour faire disparaître les dernières traces.

— Vous avez apporté la marchandise ?

— Oui Madame… J’veux dire, Dory, répondis-je en essayant de contrôler le papillonnement de mes yeux.

— Et mes médicaments ?

— Oui… Ah non, merde ! On a oublié.

— T’avais promis d’aller me les chercher, Harlem ! J’en ai besoin, c’est vital !

— Oui, je sais, et on va y aller. Tout de suite après. Croix de bois, croix de fer. Si j’mens, j’finis la gueule par terre, récitai-je solennellement, une main sur le côté droit de mon torse.

— Le cœur, il est de l’autre côté… soupira Madame Peterson avant de reculer pour nous laisser entrer dans son appartement.

— Et l’expression avec les croix, c’est pas tout à fait ça, surenchérit Mohan.

— Ta gueule, toi ! m’énervai-je en le dévisageant, les paupières toujours clignotantes.

La petite dame ébouriffée ferma la porte derrière nous et disparut en cuisine.

— Installez-vous, j’ai fait du thé.

On était à côté de nos pompes. Taz ne cessait de renifler, Angus se grattait la peau comme un lépreux et Mohan tapotait du pied, sans arrêt. Quant à moi, mes paupières s’agitaient toujours autant. Leurs mouvements effervescents saccadaient ma vision et me faisait l’effet d’un stroboscope, comme en discothèque.

Dory nous rejoignit et déposa un plateau au centre de la table. D’un geste parkinsonien, elle attrapa la théière et remplit cinq tasses qu’on se fit passer, agités nous aussi de tremblements. Les tasses en porcelaine tintaient bruyamment, secouées par leurs soucoupes que nous soutenions tant bien que mal. La vieille dame s’assit en bout de table et nous observa un à un, en silence, tel un rapace.

— Erreur de débutants… souffla-t-elle.

— Quoi donc ? demanda Taz qui ponctuait chaque mot d’un reniflement.

— De taper dans son stock pour chasser le dragon !

— Hein ?

— Non, non. C’est pas ce que vous croyez, Dory, intervint le brun à lunettes.

— Je suis vieille, mais pas stupide. Harlem cligne tellement des yeux qu’on dirait qu’il fait un AVC. Celui-là n’arrête pas de gigoter, l’attardé a l’air de faire une allergie, et toi tu te grattes comme si tu t’étais fait piquer par une horde de moustiques.

— C’est un accident, précisai-je avant d’engloutir mon thé, pris d’une soif insatiable.

— Ben voyons. Peu importe, c’est votre problème. Alors, il est où ce paquet ?

Mohan et Angus se regardèrent un instant et ce dernier sortit la brique de son pantalon pour la poser sur la table, le premier restant discret sur sa propre cargaison. Dory n’avait pas besoin de savoir que nous courrions deux lièvres à la fois.

— Parfait ! Je vais appeler Ozzie pour qu’il passe le récupérer.

La petite vieille se leva pour ranger la brique de cocaïne dans le placard du bas de son vaisselier vieillot, bourré à craquer d’assiettes et de tasses ornées de motifs floraux. Trop de porcelaine à mon goût. Et trop de napperons. Elle se figea un instant, l’air inquiet.

— Je me fiche de savoir comment vous allez gérer la distribution, mais je veux ma part. Et pas vingt pourcents de ce qu’il restera à vendre après que vous ayez consommé ce qui vous chante !

— Vous vous trompez, Dory. On n’a pas l’intention de s’en mettre plein les narines, c’était un accident. Nous, on fume juste des bédos.

— Ouais, cause toujours ! Comme Walter qui m’a « accidentellement » tripoté les miches, l’autre jour, au supermarché !

Mon visage se tordit dans une grimace de dégoût. Je ne savais pas ce qui m’écœurait le plus. L’idée qu’on puisse tripoter une femme aussi flétrie que Madame Peterson, ou l’image de Walter en pleine action avec elle. Je portai une main à ma bouche et fermai les yeux, assailli de visions cauchemardesques de fornication entre deux antiquités rouillées et dégoulinantes. Je les imaginais même faire ça ici, au milieu de toute cette foutue porcelaine ! Ça en ferait, des napperons froissés.

— Dîtes pas des trucs comme ça, j’vais gerber.

— Qu’est-ce qu’il y a ? Tu crois qu’à mon âge, on ne peut plus s’amuser ? se moqua-t-elle.

— J’veux juste pas le savoir ! insistai-je en détournant la tête comme si elle risquait de se mettre à poil devant moi.

— Il parait qu’à votre âge, on a les hanches fragiles. Alors je pense que le sport en chambre, c’est pas bon pour ce que vous avez, souligna Angus, toujours victime de démangeaisons.

— De toute façon, à faire des folies de mon corps, ce serait pas avec ce connard de Walter !

— C’est vrai que c’est un connard, l’appuya Mohan.

— Et puis, il est vieux, ajouta Dory.

— Vous aussi, vous êtes vieille, lui fit remarquer Taz, tandis qu’il touillait son thé avec son doigt.

— J’ai encore beaucoup de succès avec les hommes ! se vexa-t-elle.

J’adressai une moue dubitative à mes comparses mais restai muet. Inutile d’offenser davantage notre associée. Je pensais, avant tout, aux bénéfices que génèrerait ce partenariat.

— Pourquoi tu pleures, toi ? demanda Dory en fixant Mohan.

— Je pleure pas.

Ses yeux étaient larmoyants et il plissait le nez sans arrêt.

— C’est la faute à Harlem, ajouta-t-il.

Je grimaçai, surpris par sa remarque.

— La coke me pique les narines parce qu’il m’a frappé sur le nez, ce tocard !

— Arrête de pleurnicher, tu t’en remettras ! lançai-je en me levant.

Le reste de la bande m’imita, et j’ignorais Mohan qui marmonnait quelques plaintes à peine audibles. J’attrapai un calepin et un crayon qui trainait sur la console de la salle à manger et y notai mon numéro de téléphone avant de tendre le bout de papier à Madame Peterson.

— Appelez-nous quand Ozzie aura fait le taf.

— S’il vous plait Dory, merci bien Dory… râla-t-elle sur un ton faussement mélodieux.

Je n’étais pas un adepte de la bienséance, alors je la dévisageai avant de faire une révérence approximative.

— Votre altesse.

Provocateur jusqu’au bout, j’imitai la salut traditionnel de notre Reine avant de quitter la pièce, ce qui fit enrager notre hôte. Sans prêter attention à ses injures, mes amis clopinèrent derrière moi, d’une démarche aussi élégante qu’un troupeau de pingouins.

— Et n’oubliez pas mes médicaments !

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3 Commentaires
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DeJavel O.
2 années il y a

Voilà ! Dory va donc passer à l’action (dans la mesure où les tarés trouvent sa médication). Hé hé ! Gageons que Fred va la trouver avant eux.

DeJavel O.
2 années il y a

Je sais ! Je sais ! Seulement en présence de ton avocat !

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