J’ai rangé ma chambre l’autre jour, au moins huit sacs
remplis. Remplis de quoi, de déchets, de souvenirs. De souvenirs devenus
déchets ou du contraire je sais pas. J’me sens un peu vide. A l’inverse des
sacs d’ailleurs, huit sacs quand même, c’est beaucoup tu sais. Ma chambre aussi
est vide, j’ai pas trop envie d’y retourner, j’ai un peu peur. Du vide pas de
ma chambre. « Ma » est un bien grand mot, sans mes huit sacs de
déchets-souvenirs, elle pourrait être la chambre de n’importe qui. Oui, même de
toi d’ailleurs, tu vois, une chambre sans ses huit sacs c’est un peu une
poubelle vide. Sans ses déchets-souvenirs elle n’a plus aucun sens, aucun
intérêt, aucune odeur. Et c’est important l’odeur. Même celle des déchets. Et
surtout celle des souvenirs. J’ai rangé ma chambre l’autre jour, et les huit
sacs remplis je les amène à la déchèterie. Mais t’en fais pas, j’ai gardé mon
bonhomme de neige au nez tordu en argile de la moyenne section. J’ai gardé le
poème pour la fête des mères quand j’avais 12 ans. Je t’aime, la plus belle des
mamans, etc c’est à peu près tout. Bizarre ça, un bonhomme de neige et un
poème. Peut-être les déchets-souvenirs les plus odorants ou importants, c’est
pareil. Range pas ta chambre. Elle est très bien comme ça. Si un jour l’envie
te prend, le vide t’attire, fais le. Puis fuis, et pars, et cours, et ferme la
porte. Ou les huit sacs te rattraperont, te mordront au cou et tu pleureras et
tu mourras noyé dans tes larmes. Garde
peut-être un petit poème enfantin. Moi, il m’a sauvée.
Déchet-souvenir
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Très joli, on sent bien l’émotion et le détachement du personnage par rapport à ce qui lui arrive.
Ton poème me rappelle que parfois, il faut partir et tout laisser derrière sans se retourner.
C’est une sensation qui m’est familière.
Les déménagements.
Ils me font ressentir à peu près ça.
On peste les derniers mois, sachant que l’on va partir, sur toutes ces choses qu’on a très bien supportées jusqu’alors : une fenêtre qui ferme mal, un recoin difficile d’accès, des fils qui traînent… Puis le jour du déménagement finit par venir.
Les cartons sont plein, la maison, elle, désespérément vide.
Tous les souvenirs, les bons et les moins bons, défilent dans ma tête, parfois le cœur s’emballe, un sourire nostalgique, un soupir, une larme…
Puis on retourne les talons et on ferme la porte.
Une page se tourne,
il n’y a plus qu’à écrire la prochaine.
Merci pour ce partage.
Magnifique texte. Très beau, touchant, et poignant aussi, parce que nombre d´entre nous connaissons cette sensation si bien décrite.
Merci pour ce beau texte.