Je m’aventurais alors dans ce petit bout de foret ou nul oiseau n’y vient chanter à gorge déployée, lorsque je vis cet étrange sentier qui séparait les touffes boueuses. Je suivis donc ce chemin qui se détachait du décor et après quelques mètres j’aperçus un énorme frêne. Il était massif en son tronc si bien qu’il aurait fallu cinq personnes pour en faire le tour. Mais étrangement sa cime ne montait pas bien haut car il était scindé en deux. La grande partie supérieure chutait sur la droite comme arrachée par la foudre. Sur tout son pied plusieurs bubons de bois formaient une couche solide presque osseuse. Tout en bas, le sol boueux grimpait et mangeait les racines. Mais ce qui captivait davantage mon attention c’était sa couleur, il était complètement pâle, blanchâtre, et grisâtre, comme malade. Plus une feuille ne l’habillait, il était comme calciné prompt à y laisser sa vie.
Puis, dans le calme planant du lieu, j’aperçus une silhouette tout aussi blanchâtre que le frêne. C’était une femme, accroupie sur la terre battue. Elle m’apparut de dos, se tenant sur un seul appui à côté du puissant frêne. Elle avait une longue chevelure noire, impie et sale qui tombait sur le devant de sa poitrine. De son bras gauche elle prenait appui sur une branche plantée dans le sol. Immobile dans la sérénité du lieu, elle faisait corps avec la forêt comme quelconque esprit nocturne des fables d’antan. Je n’osais bouger de ma position tant je me sentais détaché de l’osmose qui régnait entre elle et la forêt comme si je ne parlais plus cette langue liant l’homme à la nature. C’est en ce jour précis que je compris que le véritable lien m’avait été enlevé par les formes que prennent l’éducation, la société et les responsabilités. Je suis nu et je voudrais naître de nouveau.