Le Dernier Brûleur d’Étoiles – La Voix du Mirage, chapitre 16

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Cette nuit-là, je vis défiler les heures. Enfin, façon de par­ler, puisque dans la chambre, il n’y avait ni réveil, ni pen­dule, et que je n’avais pas de montre. J’étais bouleversé par les propos de Galahad et Yuma. D’après ce que j’avais compris, j’avais été capturé, torturé, puis mis en sécurité dans un autre uni­vers. Je serais un Brûleur d’Étoiles, et il me manquerait une partie de moi-même nommée Mirage. Tout cela ne m’avançait pas beau­coup. Pour tout dire, je me sentais même encore plus perdu qu’avant. Mais au moins, maintenant, j’avais conscience d’un élé­ment important.

Galahad avait besoin de moi.

Alors à présent, j’allais peut-être être en mesure de lui faire du chantage s’il s’obstinait à me mener la vie dure.

Lorsqu’il vint me chercher dans ma chambre, j’avais déjà pris un bain et mis les vêtements que l’on m’avait donnés. Mes anciens vê­tements avaient été lavés ; j’avais abandonné mon vieux jean, mais récupéré mon T-shirt et ma veste ; j’avais également préféré mes baskets aux espèces de bottes étranges et inconfortables que j’avais dû porter la veille. Galahad paraissait fatigué, mais quand il m’an­nonça que le déjeuner était servi, sa voix était parfaitement claire et forte. Quand nous eûmes fini de manger en compagnie du prince, celui-ci nous mena en dehors de son palais, jusqu’aux écuries. Il dé­signa deux étalons déjà sellés et harnachés.

– Vos chevaux sont prêts, déclara-t-il. Ils sont très jeunes, assez fougueux et, je dois le reconnaître, plutôt mal éduqués, mais ce sont les plus rapides que j’aie pu trouver. Ils n’auront pas besoin de longues pauses, sont résistants, et je pense qu’ils pourront couvrir la distance qui vous sépare d’Ellinor en à peine une demi-lune.

– C’est parfait, répondit Galahad. Nous allons préparer nos af­faires et nous mettre en route sans plus tarder. Plus tôt nous serons à Ellinor, mieux ce sera.

Je regardai Galahad, stupéfait. Je n’avais pas du tout l’intention de partir maintenant, sans avoir consulté des livres comme il me l’avait promis. Et puis, je n’étais pas souvent monté à cheval, et je ne pourrais jamais maîtriser un animal comme venait de décrire Yuma.

– Vous m’aviez dit que je pourrais me rendre à la bibliothèque ! m’emportai-je. Vous n’êtes même pas capable de tenir vos pro­messes !

Je vis un éclair de colère traverser les yeux de Galahad, mais avant qu’il n’ait pu répliquer, Yuma intervint.

– Je vais te chercher un livre que tu pourras emmener avec toi, me dit-il. Ainsi, tu te sentiras peut-être un peu moins perdu.

Il échangea un coup d’œil entendu avec Galahad. Je le remerciai et remontai chercher mon sac.

Deux minutes plus tard, je redescendis aux écuries. Galahad était déjà à cheval ; il avait pris celui qui était bai et me laissait l’ale­zan. Yuma me tendit un livre dont la couverture était en cuir noir et dont le titre, Jawahar, était écrit en lettres argentées. À nouveau, je le remerciai et glissai le livre dans mon sac. Puis, avec appréhen­sion, je montai à cheval.

Dès que je fus en selle, l’étalon se mit à reculer et plaqua les oreilles en arrière. Je m’accrochai à sa crinière, me penchai en avant, et il lança une ruade.

– Redresse-toi, me conseilla Yuma. Ne le laisse pas t’emmener là où il veut. Utilise tes rênes.

« Facile à dire », marmonnai-je d’une voix inaudible.

Galahad adressa quelques remerciements et salutations au prince ; puis il mit son cheval au trot, et le mien le suivit. Il y avait très longtemps que je n’avais pas fait de cheval, et je trouvais la selle particulièrement inconfortable. Je ne tardai pas à avoir les cuisses et le dos douloureux. Lorsque nous sortîmes de la cité, Galahad poussa son cheval au galop, et le mien fit de même. Je m’accrochai au pommeau de la selle, essayant désespérément de ne pas tomber.

– Nous allons passer encore une journée ou deux dans la forêt, m’annonça Galahad. D’après ce que j’ai entendu, nous y serons plus en sécurité que sur les routes.

Comment lui expliquer que, pour l’instant, je m’en moquais éperdument, et que tout ce qui m’importait était de ne pas me re­trouver par terre ?

– Tu n’étais jamais monté à cheval ? me demanda Galahad d’un ton moqueur lorsque j’eus lâché prise et me fus lamentablement fait désarçonner.

– Si, mais pas dans ces conditions, grommelai-je. Et puis je pré­fère monter à cru.

– Je te déconseille d’essayer cela avec ces chevaux, répondit Galahad. Et dépêche-toi de remonter. Nous n’avons pas toute la journée.

Je n’osai pas lui avouer que j’avais peur de tomber à nouveau, et enfourchai mon étalon en serrant les dents.

Je tombai encore deux fois dans la journée, et j’éprouvai un im­mense soulagement quand Galahad annonça la pause du soir. J’avais mal partout et ne m’entendais pas particulièrement bien avec ce cheval qui m’avait ridiculisé trois fois, sans compter la mor­sure quand j’étais descendu. Je laissai Galahad se charger d’atta­cher les animaux et m’éloignai d’eux.

– Vous leur laissez leur selle ? lui demandai-je lorsqu’il revint vers moi.

– Oui, c’est plus prudent. Ainsi, ils seront prêts si nous avons be­soin de partir précipitamment.

J’acquiesçai ; puis, alors qu’il sortait de quoi manger, je le ques­tionnai franchement, en le regardant droit dans les yeux :

– Galahad, pourquoi avez-vous besoin de moi ?

Il arrêta son geste et me dévisagea. Il sembla réfléchir avant de me répondre froidement :

– Qu’est-ce qui te fait croire que j’ai besoin de toi ?

– C’est évident, rétorquai-je, me forçant à paraître plus sûr de moi que je ne l’étais réellement. Si ce n’était pas le cas, pourquoi vous encombreriez-vous de moi ? Je vous ralentis, je vous fais perdre du temps. Je ne vous suis d’aucune utilité ; je ne sais pas me battre, je ne sais ni chasser, ni monter à cheval. Alors si vous prenez tant de soins à me protéger des Arzuhls et à m’emmener avec vous, c’est bien que vous attendez quelque chose de moi.

– Eh bien, tu te trompes, répliqua calmement Galahad. Si je t’ai recueilli, c’est uniquement parce que tu étais perdu et que j’ai eu pitié de toi. Je ne pouvais quand même pas te laisser avec Kellian et ses brutes. J’ai l’intention de t’emmener à Ellinor où tu pourras trouver une famille qui te fera travailler et te protègera. Je me suis occupé de toi par charité, c’est tout.

Le ton qu’il avait adopté signifiait clairement la fin de la conver­sation. Les propos de Galahad m’avaient déstabilisé ; pendant un moment, le doute s’immisça dans mon esprit, mais finalement, il fut chassé par d’autres pensées.

J’avais parfaitemententendu la discussion de Yuma et Galahad hier soir. Alors je savais très bien qu’il ne s’occupait pas de moi par « charité », comme il l’avait dit,mais par intérêt.

Les aventures de Gwenvael à suivre mardi prochain !

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