Syntia
— Pfff pourquoi je réagis de cette façon ? Je devrais en avoir rien à faire de ce qu’il pense ou dit de moi, n’est-ce pas ?
Depuis que je suis rentrée de la fac, j’ai les nerfs à fleur de peau. Il faut dire que ma journée avait mal débuté et qu’elle s’est terminée avec ce jeu ambigu auquel Zane s’adonne depuis quelque temps. Ça me rend dingue ! Du coup, arrivée chez moi, j’ai filé directement dans l’endroit le plus réconfortant au monde, mon lit. Et pourtant, malgré mon petit rituel de crise : bonbons au caramel, série Netflix, emmitouflée dans ma couette à l’odeur sucrée ; rien n’y fait. Le mec qui souffle le chaud et le froid comme personne, embrume mon esprit comme jamais.
— Il va me rendre folle, je te jure ! Qu’est-ce qu’il attend de moi au juste, hein ? Ou bien, je me fais tout simplement des films ? Ouais, ça doit être ça… Je psychote pour rien.
Déboussolée devant tant de questions sans réponses, je fixe mon interlocuteur dans l’attente d’une attention bienveillante de sa part. À la place, c’est un grand coup qui résonne à ma porte avant qu’elle ne s’ouvre avec fracas au moment où j’apostrophe mon fidèle ami.
— Sakura, t…
— Tu te fous de ma gueule Syntia ? Tu comptais m’en parler quand ?
Mon frère vient de faire une entrée théâtrale dans ma chambre, me provoquant un sursaut au passage. Décontenancée par son attitude, je reste bouche bée devant son agressivité.
— Syntia…
Les bras croisés sur sa poitrine et les pieds solidement ancrés dans le tapis au milieu de mon espace personnel, Bastien, mon frangin adoré, me dévisage avec un regard débordant de colère qu’il réserve habituellement à Sienna.
— Heu… Je veux bien t’expliquer, mais d’abord, il faudrait que je sache de quoi je suis censée te parler.
Sa mâchoire serrée montre que je l’irrite plus qu’autre chose. Pourtant, malgré mon degré d’agacement, j’ai été plutôt calme dans ma façon de lui répondre.
— Ça te dit quelque chose, Zane Reed ? C’est une blague ? Ce mec vient me faire chier jusque sous mon toit, sans être réellement là en plus !
Il va falloir que j’aie une petite explication entre moi et… moi-même, dans le but de comprendre pourquoi le simple fait d’entendre son nom me vrille agréablement le ventre alors que je le déteste.
Vive l’ambivalence !
Pour l’heure, j’ai un autre mâle à dompter et celui-ci est tout aussi coriace.
— Je ne vois pas de quoi tu parles ! C’est qui d’ailleurs, ce Zane bidule truc ?
Un soupçon de mauvaise foi ajouté à un petit mensonge n’a jamais tué personne. Et puis mon frère est tellement protecteur, que parfois, mentir semble la meilleure solution pour le préserver.
— Ryan m’a tout raconté. Alors, garde ton énergie au lieu de tenter de me baratiner.
— Je…
Un peu honteuse d’avoir essayé de l’embobiner, je baisse la tête et reprends d’une voix moins assurée.
— Excuse-moi.
Je cède peut-être rapidement, mais Bastien est un des piliers de ma vie, j’ai horreur de le voir tiraillé et inquiet. Malgré le fait qu’il m’étouffe autant qu’une mère poule, il est aussi celui qui s’est occupé de moi plus jeune, à l’époque où mes parents ont acquis le restaurant qui était à vendre à côté de chez nous. Je sais pertinemment qu’il pense faire tout ça pour mon bien. D’ailleurs, les deux mots simples que je viens de lui adresser l’ont un peu calmé. Quand il s’avance vers moi, je me décale sur mon lit pour lui laisser une place tout en lui décrochant un sourire. Le matelas ploie légèrement sous le poids de son corps bien charpenté, qu’il sculpte à grands coups d’entraînements intensifs au football. Assis à mes côtés, il passe un bras derrière ma nuque, puis tout en posant sa joue sur le sommet de ma tête me réclame d’un ton plus apaisé :
— S’il te plaît, si ce mec revient t’emmerder, je veux le savoir petite sœur.
— Pourquoi tu t’inquiètes comme ça, Bastien ?
— Cet enfoiré est dangereux ! Il n’est pas comme ceux que tu as l’habitude de fréquenter. Promets-moi de venir me voir, je ne plaisante pas !
Ce qu’il affirme me renvoie au regard menaçant de Zane le premier jour de fac où il m’a coincée dans le couloir.
— Promis ! le rassuré-je, décontenancée par son attitude préoccupée.
Il dépose un baiser sur mes cheveux puis se lève de mon lit. Il m’intime, les traits inquiets assombrissant son beau visage :
— Repose-toi ce week-end. Si tu penses avoir réussi à cacher que tu n’étais pas en forme depuis ce matin, tu te trompes.
Agacée qu’il ait vu juste, j’arbore une moue boudeuse tandis que mon frère tapote sur mon matelas en lançant dans la foulée :
— Occupe-toi bien d’elle, Sakura.
Il n’en faut pas plus à mon félin pour me bondir dessus et frotter sa tête sur ma joue me gratifiant de toute sa tendresse animale.