L’éruption de l’Eyjafjöll, en avril 2010, a retardé notre première rencontre, plus de transports aériens entre les États-Unis et l’Europe durant trois jours… Très prudente, nous ne correspondions que via Swissfriends, un site de rencontre suisse. Chats très courts, directifs, vie très occupée, carrière dévorante, voyages la semaine, shopping, coiffeur et massage le samedi. C’est donc un dimanche matin, dans le restaurant du parc des Bastions que nous sommes convenus de boire un café… rapidement, car elle devait déjeuner avec des amis…
J’arrive en avance, ma chienne Amira en laisse, remuant de tous les côtés. Je prends place sur un des sofas élimés et commande un jus d’orange. Elle arrive à l’heure, le pas assuré, conquérante. Elle me serre la main, ignore le chien et s’assied à bonne distance.
Nous nous observons…
Je lui demande d’où elle vient, « de San-Francisco » me répond-elle. Elle est très apprêtée, coiffure impeccable, cheveux bruns foncés avec des reflets auburn, maquillage maitrisé mais ne parvenant pas à camoufler une légère tâche lie de vin sur la joue gauche, sourcils tatoués, ongles soignés, cuisses fuselées. Elle est parfaite à défaut d’être vraiment jolie. Beaucoup de classe et une autorité naturelle.
Elle sait mon prénom mais je ne connais pas encore le sien, elle semble hésiter à me le donner. Je lui parle de mes origines, vaguement méditerranéennes, et lui demande les siennes. « Je suis Américaine » me répond-elle avec une légère pointe d’agacement. Je lui fais remarquer que tous les Etats-Uniens viennent d’ailleurs… à moins qu’elle ne soit Apache… Elle sourit, des dents parfaites et bien entretenues… « Mes parents sont iraniens, je m’appelle Roksaneh » me répond-elle. Elle caresse le chien, se lève, m’embrasse sur la joue et s’excuse de devoir partir si vite. Elle me glisse dans la main un bout de papier avec son No de téléphone portable.
Deux semaines après je retrouve Roksaneh à l’auberge d’Hermance. Elle est en robe du soir, talons aiguilles Louboutin, très élégante. Nous prenons le poulet en croûte de sel et commandons du champagne. Manifestement les serveurs la connaissent, je lui demande si elle a l’habitude d’inviter ses amants dans ce restaurant. Elle sourit…
Roksaneh boit beaucoup de champagne, ses yeux pétillent. Régulièrement nous sortons pour fumer, nos corps se frôlent, elle soutient mon regard, les rôles semblent s’inverser, je deviens l’objet de la conquête et, inconsciemment, me tiens sur mes gardes. Nous marchons vers le débarcadère, elle me prend le bras, ses pieds lui font mal. La soirée est encore froide, le ciel est étoilé. Elle serre mon bras de plus en plus fort, son corps s’appuie sur le mien. Je résiste, peu, et lui tend ma bouche pour qu’elle l’embrasse. Elle a un goût fort, addictif.
Je suis très surpris lorsqu’elle m’appelle quelques jours plus tard, elle a envie de me revoir.
Roksaneh décide de tout, elle me sort, conduit, passe commande dans les restaurants, propose de partir en week-end, me fait des cadeaux, est très attentive à mon confort. Je suis son homme mais elle n’est pas ma femme, quelque chose entre les deux. Avant moi, m’avoua-t-elle, elle n’avait connu que des filles…